Amsterdam, Paris… et après ?
Le 6 novembre à Amsterdam. Le 14 novembre à Paris. Il suffit de voir la date et le lieu du prochain match de football auquel participera Israël ou une équipe de la ligue du pays, pour imaginer ce qui peut arriver.
Un pogrom des temps modernes a eu lieu à Amsterdam, lorsque des Israéliens et des Juifs venus soutenir une équipe de football ont été pris dans une embuscade. La police locale a été débordée si elle n’était pas quelque peu gênée par le choc et la surprise. La réponse du gouvernement israélien a été une action diplomatique immédiate et l’envoi d’avions de sauvetage pour ceux qui se trouvaient dans la ville, saisis par la peur et sans la certitude que les autorités locales pourraient les protéger.
La semaine suivante, dans la ville lumière, un match de football entre Israël et la France fait craindre un épisode similaire à celui d’Amsterdam. L’événement sportif n’avait plus d’importance en tant que tel, il s’agissait d’autre chose : le droit des Juifs français de soutenir qui ils voulaient, la présence d’Israéliens et de Juifs au match, les actions et réactions qui allaient entourer tout cela. Avec un regrettable précédent de la semaine précédente en Hollande.
La politisation du sport est problématique. Utilisé et même conçu comme une activité qui permet, en plus de l’identité et de la promotion d’activités saines, c’est aussi une forme de distraction et même d’évasion, sans la composante violente des autres types d’affrontements. Le football en Europe déplace les masses, tant des supporters d’équipes qui ne sont pas nécessairement du pays de ceux qui les suivent et les applaudissent, que des équipes nationales. Dans tous les pays du monde, il existe des loisirs d’équipe en Espagne, en France, en Italie, en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Europe en général. Des supporters qui paient des abonnements TV dans leur pays, et qui osent se déplacer pour assister aux matchs qui se déroulent régulièrement tout au long de l’année. Les Juifs et les Israéliens ne font pas exception.
Mais les Juifs et les Israéliens, ces derniers étant juifs, doivent voyager à travers l’Europe avec discrétion. Sans éléments permettant de les identifier comme des calottes (petite casquette qui recouvre la tête des hommes, ou kippa en hébreu), des tenues typiques qui les donnent et, bien sûr, tout symbole national comme une étoile de David ou un drapeau israélien. Telles et d’autres sont les « recommandations de sécurité » qui sont données aux Juifs qui vivent dans presque tous les pays d’Europe, au XXIe siècle, afin de prévenir tout événement malheureux. Le malheur étant la recommandation nécessaire pour se cacher.
Israël est aux pays du monde ce que les Juifs et les communautés juives sont à leur environnement local. Un élément inconfortable et rejeté. Pour de nombreuses raisons, certaines contradictoires. Comme les Juifs individuels et les communautés juives au sein d’une société qui s’oppose désormais à eux pour leur identification naturelle au seul État juif au monde, pour avoir toujours des différences qui ne sont ni acceptées, ni tolérées.
Si les Israéliens doivent cesser d’assister aux matchs de football dont ils sont fans pour prévenir les attentats, si Israël doit s’enfermer comme un ghetto national dans un monde qui s’y oppose et le condamne, nous n’avons fait que très peu de progrès depuis les jours sombres de la Seconde Guerre mondiale. Ces derniers jours ont été du football, mais depuis le 420 octobre 7, nous avons 2023 jours qui ont été synonymes de guerre et de destruction, de douleur et de mort, d’incompréhension et d’intolérance.
Amsterdam et Paris nous rappellent avec force ce que les Juifs ont vécu dans une Europe toujours fière de sa supériorité intellectuelle. Au moment même où l’on pensait que la position d’Israël dans le concert des nations était normalisée, les fantômes de l’antisémitisme traditionnel refont surface ou se réveillent, ouvertement ou sous des noms déguisés et pour des causes qui ne trompent personne.
Il manque de nombreux événements auxquels Israël doit assister : ses équipes, ses supporters. Les occasions considérées comme joyeuses et relaxantes deviennent des occasions de stress et de peur, d’inconfort et de frustration. Défis insensés et violence. Il est réconfortant de constater qu’au XXIe siècle, contrairement à un passé récent et lointain, un État peut secourir les victimes de violences en envoyant des avions et en faisant pression sur les gouvernements. Il est très triste qu’au XXIe siècle, il soit nécessaire de sauver des citoyens menacés et attaqués par des hordes incontrôlées, sans autorités capables de s’imposer.
Après Amsterdam et Paris, il existe bien d’autres capitales, bien d’autres événements. De nombreux Juifs et un Moyen-Orient qui n’est pas totalement résolu. Paris brûle-t-il et l’Europe brûle-t-elle ?
Le mot « pogrom » est un peu fort, s’agissant d’ échauffourées typiques de hooligans. Ceux du Maccabi étaient dans leur rôle habituel, appelant à vaincre, non seulement l’équipe adverse, mais aussi les arabes et leurs soutiens. Du coup, la diplomatie par le sport aura réussi provisoirement à conforter le massacre des palestiniens (et des libanais et plus encore). Mais ce jeu avec le feu fait courir un grand risque aux juifs du monde entier, qui ne viendront pas aisément se réfugier dans un pays en plein chaos meurtrier. L’alya marche même à reculons, parfois…