Répression en Syrie : Aloïs Brunner, le criminel de guerre nazi au service du clan Assad
La chute de Bachar al-Assad a mis fin en Syrie à cinq décennies d’un régime sanguinaire en partie inspiré par les méthodes du nazi Aloïs Brunner, l’un des principaux responsables de la « solution finale », le projet d’extermination des juifs d’Europe par le IIIe Reich.
Corps décharnés, marques de tortures, regards hagards… La libération de milliers de personnes emprisonnées dans les geôles syriennes a jeté une lumière crue sur les atrocités commises par le clan Assad. Un régime de terreur mis en place dès les années 1970, avec le début du règne de Hafez el-Assad, et inspiré par le nazi Aloïs Brunner, adjoint d’Adolf Eichmann, l’architecte de la « solution finale » pendant la Seconde Guerre mondiale.
En 2017, une enquête du magazine de reportages XXI a retracé les liens qui ont uni le régime syrien et ce criminel de guerre accusé d’avoir envoyé 128 500 juifs vers les camps d’extermination. Ce dernier a notamment été le responsable du camp de Drancy, en région parisienne, se rendant responsable de la déportation de 24 000 juifs français ou résidents en France. Il a été condamné à mort par contumace par le tribunal permanent des forces armées à Paris en 1954.
À cette date, Aloïs Brunner a déjà probablement fui vers la Syrie via l’Égypte, où il était connu sous le nom de « Georg Fischer ». Devenu trafiquant d’armes, il s’installe à Damas, dans une Syrie baasiste qui a déjà abrité sur son sol Franz Stangl, ancien commandant du camp d’extermination de Treblinka. Aloïs Brunner envisage à cette époque de libérer, avec l’appui des Syriens, son ancien supérieur, Adolf Eichmann, capturé en 1960 par le Mossad israélien en Argentine.
Malgré les dénégations des autorités syriennes, la présence de l’ancien nazi en Syrie est un secret de polichinelle en ce début des années 1960. Aloïs Brunner devient une cible. En 1961, il perd son œil gauche dans l’explosion d’un colis piégé. Vingt ans plus tard, un autre colis piégé lui arrachera quatre doigts.
Conseiller pour les services secrets syriens
Malgré la pression internationale, Aloïs Brunner reste le protégé des différents régimes qui se succèdent à Damas. En 1966, il se rapproche d’Hafez al-Assad et noue un pacte formel avec celui qui vient d’accéder au ministère de la Défense. Puis, lorsque le père de Bachar al-Assad accède au pouvoir, il contribue à mettre en place un système répressif d’une rare efficacité s’inspirant du fonctionnement du IIIe Reich.
« Complexe, divisé en nombreuses branches qui toutes se surveillent et s’épient, fonctionnant sur la base du cloisonnement absolu, cet appareil s’érige sur un principe : tenir le pays par l’usage d’une terreur sans limite« , écrivent les auteurs de l’enquête de XXI, Hedi Aouidj et Mathieu Palain.
Au cours de sa seconde vie en Syrie, l’ancien SS partage son expertise dans les techniques de surveillance, d’interrogatoire et de torture, héritées de son expérience avec la Gestapo. Ses méthodes brutales enseignées aux services secrets syriens vont durablement influencer la manière dont le régime réprime la dissidence politique.
Parmi les supplices utilisés par les Syriens inspirés du passage d’Aloïs Brunner à Damas, celui de la chaise allemande. Une chaise de métal munie de parties mobiles pour écarteler la victime et provoquer une extension de la colonne vertébrale.
Une sépulture et une date de décès inconnues
Condamné une nouvelle fois en France par contumace en 2001 pour la rafle de plusieurs centaines d’enfants juifs dans la région parisienne, Aloïs Brunner restera à jamais impuni. Malgré plusieurs demandes d’extradition, l’Allemagne et d’autres pays ont toujours essuyé des refus de la part des autorités syriennes.
Si le nazi n’a jamais été livré, il perdra peu à peu de son influence, jusqu’à devenir une simple carte à jouer et une monnaie d’échange pour le régime syrien. Soucieux de son image de modernisateur, Bachar al-Assad, arrivé au pouvoir en 2000, finit par lâcher l’ancien supplétif nazi de son père.
Selon l’enquête de XXI, Aloïs Brunner achève son existence comme un fantôme de l’État syrien, enfermé au sous-sol d’une résidence habitée par des civils à Damas. Il serait décédé en 2001 et inhumé au cimetière Al-Affif de Damas.
En 2014, le centre Simon Wiesenthal, qui traque les criminels nazis, avait déjà annoncé ne plus rechercher Aloïs Brunner. Son directeur, Efraim Zuroff, indiquait que l’ancien officier SS était décédé quatre ans auparavant.
« Je suis presque certain qu’Aloïs Brunner n’est plus en vie et qu’il y est décédé il y a quatre ans en Syrie où il avait trouvé refuge », avait-t-il expliqué à l’AFP. « Nous avons obtenu ces informations d’un ancien agent des services de renseignement allemands, et nous avons décidé de le retirer de notre liste de recherche des criminels de guerre nazis et de leurs collaborateurs ».
Comme la plupart des bourreaux, Aloïs Brunner, resté nazi jusqu’à la fin de sa vie, n’a jamais manifesté aucun remord. Bien au contraire. Parmi les rares entretiens qu’il a accordés après la chute du IIIe Reich, il affirme notamment au Chicago Sun-Times en 1987 : « Les juifs ont mérité de mourir parce qu’ils étaient les agents du démon. Si c’était à refaire, je le referais. »
JForum avec www.france24.com
L’officier SS Aloïs Brunner, bras droit d’Adolf Eichmann, sur une photo non datée. © Archives AFP