Snowden et la NSA, Mohamed Merah, la réforme du renseignement intérieur, les affaires… Préfet et ex-patron du contre-espionnage, Bernard Squarcini, qui publie un livre mi-novembre*, joue cartes sur table.LE FIGARO. – Nos responsables politiques, Jean-Marc Ayrault en tête, se disent «profondément choqués» par l’espionnage de la France par la NSA. Personne ne les avait informés?

Bernard SQUARCINI. – Je suis effaré par une telle naïveté déconcertante. À croire que nos politiques ne lisent pas les rapports qu’on leur envoie. Il n’y avait donc aucune surprise à avoir. D’abord, Snowden avait bien dit que l’Allemagne était espionnée, puis la France. Mais il a juste égrené ses révélations dans le temps, et la France est arrivée en dernier dans l’information de l’opinion publique. Les services savent pertinemment que tous les pays, même s’ils coopèrent sur la lutte antiterroriste, se surveillent entre alliés. Les Américains nous espionnent sur le plan commercial et industriel comme nous les espionnons aussi, puisqu’il est de l’intérêt national de défendre nos entreprises. Personne n’est dupe…

On a reproché à la DCRI d’abriter un cabinet noir, pour faire du renseignement de politique intérieure…
Au contraire, conformément à l’esprit d’une réforme voulue par Jacques Fournet, préfet de gauche qui a dirigé les Renseignements généraux (RG) et la Direction de la surveillance du territoire (DST), on a tout fait pour rompre avec toutes les pratiques d’officine dès la création de la DCRI. On a abandonné le renseignement politique de proximité pour se concentrer sur des domaines techniques de terrorisme international, de cyberattaques ou d’intelligence économique. Depuis 2008, les RG à l’ancienne n’existent plus. C’est fini, terminé.
Reste cependant une vieille défiance contre l’image «barbouzarde» qui colle à la peau des services…

C’est ce que j’appelle la malédiction des pharaons: tous ceux qui trempent dans les services en ressortent marqués du sceau de la suspicion. Les services français souffrent d’un déficit d’image, alors que c’est un métier de professionnels! Nos agents ont voulu se faire contrôler à travers la délégation parlementaire du renseignement, et un poste de coordinateur national du renseignement a même été créé par Nicolas Sarkozy au plus haut niveau de l’État. Toutes les vilaines caricatures devraient donc appartenir au passé mais dès que l’on parle de renseignement, il y a une sorte de fantasme. Cette défiance historique est entretenue par la classe politique qui brandit le spectre de l’espionnage généralisé. Or, il faudrait une armée de l’ombre pour s’occuper de tout le monde. Vous mettriez le pape tout en blanc dans nos services, sans rien lui faire signer, ni passer aucun appel téléphonique, il ressortirait le soir tout noir. Pourtant, il n’aura rien fait! On prête beaucoup trop aux espions français. Il faudrait tendre vers le modèle anglais où la fine fleur d’Oxford ou de Cambridge rejoint les rangs du renseignement.

Pourquoi avoir réformé le renseignement intérieur en 2008?

Parce que les deux anciennes structures, la DST et les RG, s’essoufflaient. Nous n’étions plus assez équipés pour garder l’avance que nous avions acquise après les attentats de 1995. Il fallait surtout construire un continuum entre menace intérieure et menace extérieure, en lançant une coopération très étroite avec la DGSE.
Avant de refondre le renseignement intérieur en 2008, vous étiez préfet de police à Marseille, ville dont vous dites que c’est un laboratoire unique du terrorisme…

Marseille est une ville portuaire historique, avec une forte économie souterraine, un gros chiffre noir de l’immigration clandestine, des flux clandestins entre le Maghreb et l’Europe. Nos services observent beaucoup de choses sur cette zone de passage, abritant des supports logistiques à l’activité terroriste. Nos pôles de lutte contre l’islam radical ont déjà donné de sérieux coups de pied dans la fourmilière, déstabilisant des dizaines de commerces qui finançaient la lutte armée en versant une dîme. À l’échelon national, ces petits ruisseaux font les grands fleuves qui irriguent les réseaux parfois bien au-delà de nos frontières.

Devant la complexité de ces filières, il fallait donc être plus efficace sur le plan policier?

C’est justement ce que nous avons fait en mobilisant plus de 3500 hommes et femmes au sein de la nouvelle DCRI! Les Français sont réputés pour leur fine connaissance des réseaux car, par tradition, la plupart de nos problèmes viennent d’une Afrique du Nord qui nous est familière historiquement, où l’islam radical est métastasant puisqu’il touche l’Afrique noire. Nous échangeons un savoir-faire en général apprécié. Nous avons aussi travaillé sur des islamistes tchétchènes et ouzbeks, et le FSB russe a beaucoup apprécié nos opérations judiciaires visant à neutraliser des individus soupçonnés d’avoir participé à des tentatives d’attentats visant le métro à Moscou. On avait l’expertise mais il fallait monter en puissance face à une menace galopante, polymorphe et venant de très loin.
«Notre défi est de détecter des têtes d’épingle risquant de passer à l’acte ou de contaminer des candidats au djihad installés sur le sol français.»

Les effectifs de la DGSE et de la DCRI, qui représentent à peine 10 % de ceux d’un organisme comme la NSA, doivent donc joindre leurs efforts?

Oui, il faut mutualiser au maximum car le renseignement est très coûteux. En période de disette budgétaire, on ne peut plus offrir un train électrique à Noël à chaque enfant. Aujourd’hui, on s’en achète donc un beau et on se le prête. Dans un arc de crise international où la menace est bouillonnante, notre défi est de détecter des têtes d’épingle risquant de passer à l’acte ou de contaminer des candidats au djihad installés sur le sol français.

L’exercice est d’autant plus délicat que nos cibles voyagent en solo, en dehors de tout réseau identifié. Seule une coopération internationale très poussée nous permettra de faire face. Quand un djihadiste part en Afghanistan, nous transmettons son «package ADN» complet à des services frères qui, en retour, nous dressent des comptes rendus détaillés de ses activités sur place. Nous savons donc à quel moment il reviendra sous une fausse identité, pour le cueillir dans les meilleures conditions judicia
ires.

Les services ont-ils gagné en crédibilité?

On nous a longtemps taxés de pieds nickelés, et les politiques ne se sont intéressés à nous qu’en période d’attentat. En parlant d’une même voix, les Français ne sont plus le jouet de centrales étrangères qui donnaient sur une affaire la moitié des infos à la DGSE, un quart à la DST et le reste aux RG. Comme nos services ne se parlaient pas, les étrangers en profitaient pour faire la coordination… Maintenant, cela n’est plus possible.

Que manque-t-il encore aux services aujourd’hui?

Une vraie loi-cadre sur l’activité de renseignement. Elle permettrait de définir nos activités en interne comme à l’international et, surtout, de protéger l’action des agents. Aujourd’hui, des procédures judiciaires sont en cours contre des personnels qui risquent leur vie à l’étranger pour tenter de libérer des otages français en territoire adverse, au Mali ou au Niger. Comment motiver des agents qui interviennent sur de pures décisions régaliennes sachant qu’ils risquent ensuite de se faire taper sur les doigts? Attention de ne pas créer une profonde crise des vocations.
Affaire des «fadettes»: «À travers moi, on a cherché à viser Sarkozy et Guéant»

Poursuivi dans un dossier d’interception des «fadettes» d’un journaliste du Monde , en marge de l’affaire Bettencourt, Bernard Squarcini se présentera le 18 février prochain devant le tribunal correctionnel de Paris pour répondre du délit de «collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite». Réfutant tout soupçon d’«écoute sauvage», le Squale dit ne rien regretter. «À ce moment-là, je suis dans ma mission de protection des institutions. Nous soupçonnions un haut conseiller d’un ministère régalien de laisser fuiter des informations confidentielles.

Nous avons travaillé dans un cadre tout à fait légal, sans moyen détourné. Tout est traçable, car je n’ai rien à cacher. D’ailleurs, tous les documents de cette affaire ont été déclassifiés et versés au débat. Dans la folie de la période préélectorale où l’on personnalisait les affaires, on a cherché à viser à travers moi Claude Guéant et Nicolas Sarkozy parce que j’étais un proche.»

Christophe Cornevin/ Le Figaro.fr Article original

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Armand Maruani

{{Tout le monde espionne tout le monde . Qu’ils arrêtent de jouer les vierges effarouchées .}}

{{Le problème est que les E.U sont à la pointe des technologies ……………………………………..
}}

{{Comme Israël .}}