Par Charles-Etienne Nephtali.

A 40 ans d’intervalle, 2 douloureux événements frappèrent la Communauté juive de France, 2 événements sans commune mesure évidemment de l’un par rapport à l’autre.

Le 3 octobre 1940

Il y a 73 ans, l’ex-maréchal traître, Pétain, cet homme pour qui le mot honneur n’avait plus de sens, promulgua le « Statut des Juifs ». Les Juifs de nationalité française perdaient leur citoyenneté à part entière qu’ils possédaient depuis le 21 septembre 1791 et étaient exclus de la fonction publique, les arts, des lettres, de la presse, du cinéma, de la justice, de l’armée, de l’enseignement…………………

La responsabilité de Pétain fut renforcée par la découverte, en 2010, du brouillon dudit statut annoté de sa main qui aggravait la version originale. D’après Serge Klarsfeld, « ce document montre qu’il a bel et bien imprimé sa marque antisémite ; il voulait montrer aux Allemands qu’il l’était autant qu’eux et que la France méritait une place éminente dans le nouvel ordre européen. La collaboration a été spontanée, Vichy s’est affirmé dans l’antisémitisme ».

Robert Paxon, concernant Pétain, est du même avis « J’ai écrit dans « La France de Vichy » qu’il était « indifférent » au sort des Juifs… Mais ce document bouleverse cette interprétation. Il passe du statut de l’acteur passif à l’acteur véritable. Il aurait même été plus loin que ses collègues… ».

Dans mon Maroc natal, ce statut fut appliqué à compter du 31 octobre 1940 sous la pression du Résident général de France au Maroc, le Général Noguès, fraîchement devenu pétainiste. Pression exercée sur le Sultan Sidi Mohammed ben Youssef (devenu Roi Mohammed V à son retour d’exil en 1957).

Mais mon Père, fonctionnaire à l’Imprimerie Officielle à Rabat, ne fut pas exclus de son travail pour « Homme ayant mérité de la patrie ». Il était en effet Ancien Combattant, grièvement blessé aux Dardanelles, titulaire de la Médaille Militaire et, fait rare pour un homme de troupe, de la Croix de Guerre serbe. Mais, l’équivalent des Allocations familiales actuelles pour élever ses 4 enfants, lui avaient été supprimées.

Ma sœur et mes 2 frères ne furent pas renvoyés de l’école. Mais moi, je ne sais pourquoi, numerus clausus peut être, je ne pouvais aller en classe que s’il y avait un élève absent. Même chose, d’ailleurs, pour 2 autres écoliers juifs. Mais nous devions coller sur nos cahiers la photo du Maréchal-traître, payante pour nous, gratuite pour les non Juifs.

Mais tout cela n’était que brimades qui n’avaient strictement rien à voir avec les persécutions antisémites dont furent l’objet mes coreligionnaires vivant en France. Persécutions qui aboutirent à la Déportation de 76.000 Juifs de France (2.551 revinrent de l’enfer) dont 11.4000 Enfants (aucun ne revint).

En leur Mémoire, à l’initiative du Rabbin Daniel Farhi, a été instaurée la « Lecture des Noms » pour le Yom HaShoah, au cours de laquelle les noms et prénoms de chaque Homme, Femme et Enfant juifs déportés entre 1942 et 1944 sont prononcés convoi par convoi.

Depuis le 27 mars 2012, à l’initiative de Serge Klarsfeld et des Fils et Filles de Déportés Juifs de France, des Cérémonies commémoratives de la Déportation des Juifs de France sont organisées au Mémorial de la Shoah à l’occasion de 70ème anniversaire du départ des convois, comme ce le fut pour le 60ème. Les noms des Déporté(e)s de chaque convoi y sont lus. Pour ce mois d’octobre, les prochaines Commémorations se dérouleront à 12 heures les lundis 7 (convoi n° 60) et 28 (convoi n°61)
Sans l’énorme travail de recherches de Serge Klarsfeld et l’édition de son monumental « Mémorial de la Déportation des Juifs de France », ces Commémorations n’auraient pu avoir lieu. Chaque Association juive au moins s’honorerait d’acquérir ce document d’une importance capitale pour notre Communauté et pour le Souvenir de nos Déporté(e)s.

Le 3 octobre 1980

Il y a 43 ans, ce soir-là, un vendredi, veille de Chabbat, alors qu’était célébrée la fête de Simhat Torah, une bombe explose devant la Synagogue libérale de l’ULIF, rue Copernic dans le 16ème arrondissement de Paris. 4 morts et 46 blessés furent dénombrés. Ce fut un des pires attentats antisémites depuis la Seconde Guerre mondiale en France. Le bilan aurait pu être bien plus lourd si l’explosion avait eu lieu à l’heure prévue, c’est à dire à la sortie de l’office. En effet, c’est peut être par dizaines que se seraient compter les morts car ce soir-là, la Synagogue était bondée, il y avait entre 3 et 400 fidèles.

Pour la 1ère fois depuis la fin de la Guerre, un Ministre de la République, le Premier ministre Raymond Barre, fit la scandaleuse et indécente distinction entre les Français et les Juifs en déclarant « Cet attentat odieux qui voulait frapper les Israélites qui se rendaient à la Synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic ».
Pour sa part, d’une façon incompréhensible, le Président de la République, M. Giscard d’Estaing, resta silencieux face à l’horreur ou plutôt réagit tardivement.

Quelques jours plus tard, le 7 octobre exactement, 200.000 manifestants, en majorité non Juifs, défilèrent à Paris et nous vîmes M. Mitterrand ainsi que des hommes politiques et des syndicalistes de tout bord parmi les manifestants. Des défilés analogues eurent lieu en province.
En 2007, peu de temps avant sa mort, M. Barre persista et signa en quelque sorte en parlant d’une campagne du « lobby juif » ayant instrumentalisé l’odieux attentat en insistant sur sa déclaration du 3 octobre.

Pour ma part, après le Chabbat suivant l’attentat, j’envoyai à M. Barre une photographie prise à Caracas (Venezuela) sur laquelle, tout sourire, il me serre la main, photographie accompagnant la lettre dont je reproduis ci-dessous la teneur.

Le 5 octobre 1980

Monsieur le Premier Ministre,

Comme suite à votre déclaration, pour le moins « curieuse », lors de l’attentat de la rue Copernic de vendredi dernier, je me permettrais de vous envoyer cette photographie prise en février 1976 lors de votre visite, en tant que Ministre du Commerce extérieur nouvellement nommé, de l’exposition française « FRANCIA 76 » qui se tenait au « Poliedro » de Caracas.

Ingénieur, j’étais responsable du stand de l’IGN (Institut Géographique National) Sur cette photographie vous me serrez la chaleureusement la main après m’avoir félicité pour les travaux de l’IGN exposés.
Vous ignoriez ce jour-là que vous serriez la main d’un non « Français innocent » car, je suis Juif……ou Israélite si vous voulez, Monsieur.
L’éducation que m’ont donnée mes Parents, à défaut de l’instruction que me refusaient, parce que Juif, les lois scélérates de Vichy édictée par un Maréchal-traître dont je ne puis écrire le nom, m’interdit de terminer cette lettre par une formule quelconque. Mais je peux cependant vous faire savoir combien votre honteuse déclaration d’avant-hier me choqua et m’indigna.

Charles Etienne NEPHTALI
Ingénieur IGN
Non « Français innocent »

NOTE : La piste d’extrême-droite fut de suite privilégiée mais, en octobre 2007, une information nous apprit que l’auteur présumé de cet attentat était un ressortissant Canadien d’origine « palestino-libanaise », Hassan Diab, âgé de 54 ans, professeur de sociologie de l’université Carleton d’Ottawa. Après plus de trente années d’enquête, Hassan Diab est le seul suspect qui ait fait l’objet d’un mandat d’arrêt.

Charles Etienne NEPHTALI
Le 3 octobre 2013

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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Cen3461

Merci tout d’abord d’avoir publié mon long texte si rapidement. Long texte dans lequel s’est glissée une grosse erreur que vos lecteurs rectifieront, j’en suis persuadé. Concernant le 3 octobre 1980, il faut naturellement lire « il y a 33 ans » et non 43 ans. Où serai-je d’ailleurs pour faire un commentaire sur le 43ème anniversaire de cet attentat ? D.ieu seul le sait !

En ce qui concerne M. Barre, je pense qu’il a toujours eu un fonds quelque peu antisémite. Je n’ai pas voulu « l’accabler » ni faire trop long mais je me souviens que :

En 2005, Raymond Barre avait pris la défense de Maurice Papon durant le procès du haut responsable de Vichy condamné pour complicité de crime contre l’humanité.
En 1988, Raymond Barre avait organisé à Lyon la messe de béatification du fondateur de l’Opus Dei (José-Maria Escriva de Balaguer). Raymond Barre était le « guide » de Jacques Trémolet de Villers (lui-même membre de l’Opus Dei), l’avocat du milicien Paul Touvier.
En 1978, Raymond Barre avait repris Maurice Papon au gouvernement.

http://lavapeur.over-blog.fr/article-11986192.html

Amitiés.

Charles Etienne NEPHTALI

meller1

il n y a aucune difference entre les collabos comme Petain les nazis et les islamonazis tous des assassins