Elle était là, digne, devant le tribunal de New York, lundi dernier, pour entourer DSK. Comment supporte-t-elle cette épreuve ? Pourquoi soutient-elle son mari envers et contre tout ? Combien le procès va-t-il lui coûter ? L’enquête du Figaro Magazine, à Paris et aux Etats-Unis, nourrie des témoignages de ses amis.

Lundi, encore, lors de l’audition de Dominique Strauss-Kahn devant la Cour suprême de l’Etat de New York, on n’a vu qu’elle. Elle, droite. Moins apprêtée que d’ordinaire. Mais plus ardente. Emouvante. Toute de noire vêtue, comme une figure de tragédie marchant droit vers son destin. Prête à l’assumer, à le défier, malgré cette drôle de haie d’honneur, ou plutôt de déshonneur, qui les attend. A gauche, une forêt de journalistes, cameramans et photographes du monde entier, là, pour les épier. Saisir une phrase, un geste, un faux pas. Membres d’une famille professionnelle dont Anne Sinclair s’était éloignée depuis longtemps et avec qui elle n’avait, en star des médias, que peu à voir. A droite, des femmes de ménage venues protester, vêtues pour la plupart de leurs uniformes de travail et hurlant «Shame on you!». Un cri accusateur,«Honte sur vous!», destiné a priori à Dominique Strauss-Kahn mais la visant elle aussi par ricochet. Elle, symbole de la femme occidentale qui avait tout. Elle, incarnation française de la jasp («jewish anglo saxon princess»), de la femme puissante d’un homme puissant et montrée d’un doigt accusateur par ces femmes du peuple, Noires pour la plupart, et lui reprochant d’avoir accepté l’inacceptable.

Qu’importe. Comme insensibilisée, vêtue d’une armure invisible, Anne Sinclair fait face. Forge un peu plus dans la pierre son profil de «femme digne dans la tempête». Toujours là. Au bras de son mari. Avec même un léger, un imperceptible sourire flottant aux lèvres. Signe d’arrogance selon les uns. Ou plutôt mélange de défi et de dépit. Oui, l’essentiel, c’est qu’elle est là. Cette fois encore. Et que, paradoxalement, elle semble porter Dominique Strauss-Kahn dans l’épreuve. Le soutenir. Moralement et physiquement. Brave petit soldat toujours au côté de ce mari tombé de son piédestal depuis ce funeste 14 mai où il a été arrêté dans l’avion qui le menait à Paris. Accusé d’agression sexuelle envers une femme de chambre, dans la suite 2806 de l’hôtel Sofitel. Pas une petite bagatelle, une aventure, mais un crime passible de prison.

D’autres n’auraient pas supporté l’étalage, le grand déballage qui a suivi. Tous ces détails sordides. Les termes même des chefs d’accusation contre DSK. Tous ces témoignages. Ceux d’autres femmes, anonymes ou non, qui auraient subi les assauts de l’ancien directeur général du FMI. De Tristane Banon, cette jeune romancière française qui, relatant son agression, décrit DSK comme «un chimpanzé en rut». Ceux de cette mère maquerelle, Kristin Davis, la Madame Claude américaine, qui évoque son comportement avec une certaine Samantha. Ceux d’amis, plus ou moins vrais, plus ou moins proches, enfonçant dans un premier temps, par leur réaction maladroite et incrédule, l’ancien ministre. Puis soupirant, en décrivant comme une fatalité le «tempérament de DSK», «grand séducteur devant l’éternel», «coureur de jupons» invétéré. Son «insoutenable légèreté de l’être». Comme son père Gilbert Strauss, au caractère volage lui aussi, ainsi que le décrit Michel Taubmann dans une biographie intitulée Le Roman vrai de Dominique Strauss-Kahn (Editions du Moment). Et qui fera également souffrir sa femme Jacqueline, la mère de Dominique Strauss-Kahn, à cause de cela, mais plus encore de son caractère maniaco-dépressif, alternant «les phases d’euphorie et de dépression».

Elle est donc là, Anne Sinclair. Comme elle le fut au moment du scandale de la Mnef, présente au côté de DSK, au ministère, quand il part de Bercy, en 1999, contraint à la démission. Elle le défend alors «comme une chatte défend ses petits», n’hésitant pas, quelques mois plus tard, à écrire à Lionel Jospin une lettre pleine de passion pour lui exprimer sa colère qu’il ait laissé tomber son ancien ministre. Elle est là encore, comme elle le fut lorsque la liaison de son mari avec une économiste hongroise du FMI apparut au grand jour. Elle fit face alors, écrivant sur son blog que, malgré cet incident, Dominique et elle s’aimaient «comme au premier jour», assurant la séance photo «après-vente» dans Paris Match. Un ami affirme qu’il avait, à l’époque, perçu comme une ombre entre eux, mais vite dissipée. Chassée de la main d’un geste rageur. Elle n’a pas le choix, pense-t-elle. Tous ceux qui la connaissent savent qu’elle ne lâchera pas. Enfin, pas maintenant. Pas au plus fort de la tempête. Parce que c’est son tempérament. Parce qu’elle l’a décidé.

Humiliée, mais droite face à l’épreuve

Mais aussi parce que, de même qu’elle devait avoir un rôle de premier plan dans la campagne présidentielle de son mari, elle a probablement aussi un rôle à jouer dans la stratégie de défense et de communication élaborée par les avocats de son époux. Ce n’est sans doute pas un hasard si l’avocat de DSK, dans la brève intervention qu’il fait lundi, après l’audition au cours de laquelle l’ancien directeur général du FMI plaide non coupable, cite le couple, Anne Sinclair et Dominique Strauss-Kahn, qui tiennent tous deux à remercier pour les milliers de témoignages de soutien qu’ils ont reçus. Puisqu’elle reste, puisqu’elle est toujours là, c’est donc que Dominique Strauss-Kahn le vaut bien. Tel est le message subliminal qui se profile tandis que s’impose dans les médias l’image d’une héroïne contemporaine. Bafouée, mais digne. Humiliée, mais droite face à l’épreuve. Solide comme un roc. Les qualificatifs laudatifs se ramassent à la pelle dans une presse qui, même outre-Atlantique, affiche une attitude qui oscille entre perplexité et admiration.

Qu’importent les indignations des féministes remontées comme des coucous, qu’importe l’accusation pourtant grave portée contre son mari, Anne Sinclair veut demeurer le «point fixe». «Une femme qui résiste», comme dit son premier mari Ivan Levaï. Là, dans l’adversité. Même si une question se pose vite: comment celle qui a été une icône des années 80, l’une de ces femmes «jusqu’au bout des seins» que chantait Michel Sardou, de ces femmes qui voulaient tout – l’amour, la réussite professionnelle, les enfants – peut-elle accepter de soutenir un homme suspecté d’avoir violenté une femme ? Comment cette enfant choyée, cette ancienne star du petit écran, cette riche héritière qui a mis sans rechigner sa fortune au service de son mari peut-elle accepter d’avoir été ainsi trahie ? Trompée à la face du monde entier?

Car Anne Sinclair a été la femme puissante du couple. Avant DSK. Sa fameuse émission «7 sur 7» a réuni jusqu’à 12 millions de téléspectateurs. Elle a été la reine du petit écran. Epinglant dans sa grand-messe du dimanche soir tout le gratin politico-culturel de l’époque. De Jacques Chirac – qui, pointant du doigt ses convictions de gauche, lui lança un jour de 1986, alors qu’il était Premier ministre: «Je vais vous donner un conseil: tournez-vous vers la droite, une fois n’est pas coutume»- à Jacques Delors, qui vint annoncer sur son plateau qu’il ne se présenterait pas à la présidentielle, en passant par Patrick Bruel et Yves Montand, ils sont tous venus – sauf Jean-Marie Le Pen, que cette militante de gauche, mendésiste de cœur, a toujours refusé d’inviter. Et tout cela, elle a accepté de le saborder, de le sacrifier. Sans jamais éprouver de remords. Et pourquoi? Au nom de l’amour. De l’amour toujours.

Tous les amis d’Anne Sinclair n’ont que ce mot à la bouche. On ne peut comprendre son attitude, hier et aujourd’hui, on ne peut expliquer toutes ces couleuvres avalées, ces épreuves traversées, qu’à travers ce prisme. Cet « amour profond » qui la lie à DSK. Alors, évidemment, qui dit passion dit aussi douleur. Sentiments complexes et contrastés. Violence aussi. Alors, c’est vrai, reconnaît son amie Micheline Pelletier, «la terre s’est dérobée sous ses pieds» quand Anne Sinclair a appris l’arrestation de DSK. Mais, poursuit-elle, «elle n’a pas hésité un seul instant à partir à New York».

M. Sinclair et Mme Strauss-Kahn

Cette passion, née lors d’une rencontre dans l’émission «Questions à domicile», a débouché sur le mariage de la vedette de télévision et du ministre de l’Industrie, le 26 novembre 1991, à la mairie du XVIe arrondissement pour le mariage civil. Pour éviter toute indiscrétion, les mariés avaient demandé une dispense de publication des bans au procureur de la République. Il n’y avait qu’une vingtaine d’invités, parmi lesquels le prix Nobel de la paix Elie Wiesel, et les témoins des deux mariés. Côté DSK : son père, Gilbert, et Lionel Jospin. Côté Anne Sinclair: la philosophe Elisabeth Badinter et la productrice Rachel Kahn. Détail amusant, relevé par Michel Taubmann, le mariage se déroule en présence du buste de la mariée qui vient d’être choisie par les maires de France pour incarner Marianne en cette année 1991.

Mariage d’amour, oui. Mais pas seulement. En épousant Anne Sinclair, qui est à l’époque une star du petit écran, DSK accède à un monde médiatico-culturel qui lui était jusqu’alors inconnu. Il change de dimension. Devient connu du grand public. D’abord comme monsieur Sinclair. Avant que la situation ne s’inverse. Et que ce soit elle qui devienne la femme de Strauss-Kahn. Beaucoup de témoignages vont dans le même sens. Il existe – existait? – entre eux «une solidarité fusionnelle» amoureuse et professionnelle. «Ce n’était pas un mariage de convenance, une joint-venture comme il peut en exister chez d’autres couples politiques.» «Il avait coutume de déshabiller les autres femmes du regard, mais elle, il ne la regardait pas comme les autres femmes.» Galvanisée par cette passion qui lui donne un pouvoir certain sur cet homme à femmes, mais dont elle demeure « la » femme vers qui il revient toujours, celle qui console et encourage, elle profite de sa nouvelle vie. «Elle a pour lui un amour fou, au sens où Aragon chantait l’amour fou», glisse Alain Minc, qui connaît la journaliste depuis plus de trente ans. «Lui est aussi follement attaché à elle et il dit probablement vrai quand il déclare que sa femme, c’est tout.» Tout, c’est-à-dire probablement la mère (Anne Sinclair ressemble d’ailleurs étonnamment à la mère de DSK), la femme, la conseillère. La conseillère qui n’a pas su pour autant toujours bien l’aiguiller. Car étant totalement débranchée du pays réel, note un élu. Incapable de lui expliquer que, quand on vise de telles fonctions, «on passe plus de temps au téléphone avec Gérard Collomb ou François Rebsamen qu’avec les tontons Macoute de la com».

Têtue, elle ne veut pas voir la réalité

Au fond, avait-elle, selon une idée souvent colportée, bien plus envie que DSK d’arriver à l’Elysée ? Ce n’est pas impossible. «Peut-être tout simplement parce que, au fond, elle ne connaissait probablement que 40% de la vie de son époux», ose un proche. «Lui qui connaissait sa propre vie, intelligent, en connaissait les chausse-trapes.» Mais elle ne se rêvait pas pour autant en première dame. A Vincent Peillon, qu’elle avait croisé un jour à Paris, elle avait dit – mais était-ce pour brouiller les pistes, pour jouer un peu avec tous ceux qui la harcelaient de questions -: «Pour rien au monde je ne voudrais de cette vie.» Mais avant tout, si elle croyait dans le destin présidentiel de son mari, c’est parce qu’elle était convaincue qu’il était le meilleur. «Elle pensait, surtout depuis qu’il était directeur général du FMI, que le monde entier avait besoin de lui. Elle était toujours béate d’admiration», lâche un ami. Presque aveuglée.

Au point de refuser de voir ce que certains ont essayé de lui dire. Au point de se fâcher avec son amie Elisabeth Badinter, qui a tenté de la mettre en garde, de la pousser à regarder la vérité en face, concernant la vie sentimentale agitée de son mari. Mais non. Têtue, elle ne voulait pas. Elle ne voulait pas voir cette réalité qui entachait son joli conte de fées. «Elle a développé une capacité de déni hallucinante. Un déni qui la mithridatisait. Si elle est toujours complètement dans le déni, cela peut avoir un rôle aujourd’hui dans la stratégie de défense de DSK. Cela le pousse à ne pas la décevoir et donc à plaider non coupable», juge un proche du couple. Dans le reportage diffusé lundi dernier sur France 2, où des amis d’Anne Sinclair ont été autorisés par elle à s’exprimer, Laure Adler accrédite cette idée qu’Anne Sinclair a sciemment fermé les yeux: «A partir du moment où on lui parlait, elle quittait la table.» Elle ne voulait pas voir le DSK volage? «Elle ne voulait pas le savoir.» Fascinée par son grand homme. Une attitude qui fait penser, souligne l’une de ses amies, à Simone Signoret, dont elle fut proche. Une Signoret qui, par amour pour Yves Montand, a sacrifié sa carrière, devenant la groupie numéro un, « femme de » après avoir été au premier rang. Comme elle, mue par un amour plus fort que tout, Anne Sinclair a fermé les yeux plus que de raison. Comme le fit Signoret lorsque le monde entier commenta la liaison de Montand avec Marilyn Monroe, elle a fait le dos rond.

Pour l’instant, Anne Sinclair a donc décidé de rester. Mais nul ne connaît la teneur du huis clos qui les placent seuls, face à face, dans cette maison de 600 m2 de Tribeca, vaste prison dorée à la décoration impersonnelle. Une simple affaire d’adultère, comme en connaissent des millions de couples? Françoise Giroud, qui fut l’un des modèles en journalisme d’Anne Sinclair, eut en 1971 des propos qui résonnent singulièrement aujourd’hui, pour décrire la réaction d’une femme qui découvre que son mari la trompe. «Qu’est-ce qui est affreux quand on est trompé comme on dit? C’est que l’on a la preuve que l’on a été insuffisant de quelque manière que ce soit. Il y a quelque chose que l’on n’a pas su donner. Et qu’un homme, ou une femme, a été chercher ailleurs.» Et de poursuivre : «On peut toujours dire je divorcerai, on peut aussi dire je me tuerai, mais ne tue pas qui veut, ne divorce pas qui veut. (…). Dans cette situation, il y a un besoin de retrouver d’abord une certaine valeur à ses yeux, cette valeur qu’on a perdue parce qu’on a été trompée.» Comment Anne Sinclair pourra-t-elle parvenir à restaurer cette estime d’elle-même ? Un de ses amis proches avance un scénario: «Elle sera Antigone jusqu’au bout. Elle sera parfaite. Elle consacrera les sommes qu’il faut pour le sauver. Mais après, elle partira.»

Par Anne Fulda – Figaro.fr

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Hubertn2002

mon avis pour sauver dsk Anne doit se présenter aux élections a la présidence

Françoise

Je ne doute pas de l’amour pour le moins inconditionnel qu’Anne Sinclair porte à Dominique Strauss-Kahn mais le sentiment de déni qu’on lui prête me semble plus discutable. C’est une épreuve douloureuse et humiliante à laquelle elle doit faire face, aussi je pense que l’orgueil, en l’occurence positif, est le moteur de son comportement. Il lui permet d’affronter l’opinion en donnant d’elle l’image d’une femme forte et solidaire plutôt que celle dévalorisante et dévalorisé d’une épouse défaite et blessée. Comment tenir debout sinon … Accessoirement, elle apporte de cette façon son soutien non négligeable dans la bataille engagée mais il n’est pas sûr que ce soit sa motivation première.

Armand Maruani

(suite)

N’oublions pas qu’au milieu de tout çà il y a les enfants de DSK qu’elle ne peut laisser tomber.

Armand Maruani

Anne Sinclair est persuadée que son mari est innocent , elle ne croit pas un instant à toutes ces accusations . Elle n’est pas la seule . Anne Sinclair est une femme amoureuse et une femme de devoir , elle ira jusqu’au bout . Le personnage central c’est elle et non DSK , si elle le lâche ils sombrent tous les deux.

lucie

Anne Sinclair est parfaite ,c’est vrai .Mais à lire cet article , on a l’impression que DSK EST coupable. Peut être , peut être pas :il est resté 12h dans cette suite et le mystère demeure car on ne sait pas ce qui s’est passé pendant ces 12h là !
Etait il seul ? a-t-il fait appel à une call girl? a-t-il eu des rapports sexuels? a-t-il utilisé des préservatifs? …Ce qui s’est passé AVANT contient peut être une clef qui peut expliquer ce qui s’est passé APRES …. Ce qui est clair est qu’on ne sait RIEN . On a une version, celle de l’accusation . Ca ne suffit pas!
En revanche …
Quand on pense que la peine encourue est de 74 ans, ce qui est sur ,est qu’on est en plein délire!!!! des pédophiles multirécidivistes font 5 ou 10 ans de prison en France et DSK encoure 74 ans .!!! c’est vraiment n’importe quoi

Irene_gilpin

Belles pages qui ont du être écrites avant, pour sa présentation électorale, et non remodelées, connexes à l’évênement que vous préjugez
Peut-on vous rappelez que DSK plaide non coupable pour lui, non pour la galerie.

Ceci dit, c’est bien d’oeuvrer pour le ré-amour avec public, car ni lui, ni elle ni, ni amis et ni même ses ennemis loyaux, ne méritaient cette déchirure de toute une vie brillante…

Quand à payer et puis partir !, ça alors !, rien n’est moins sûr..