Dans la Corne de l’Afrique, Israël soutient et conseille plusieurs armées : kenyane, éthiopienne, Sud-soudanaise, contre diverses milices, liées directement ou non, à Al Qaïda, au Hamas palestinien et aux mouvances sévissant dans le Sinaï, contre l’armée égyptienne, à Gaza, jusqu’au Yémen, l’une de leurs bases de commandement. L’enjeu est de taille : à l’Est comme à l’Ouest, empêcher ces Jihadistes de se constituer un nouvel « Afghanistan ».
Si Paris a annoncé que la capitale Bangui était sous contrôle, l’opération Sangaris en Centrafrique a fait dans la nuit de lundi à mardi ses deux premières victimes, côté français. Pour les soldats, le plus dur reste encore à faire pour contrer un ennemi difficilement identifiable.
Lundi soir depuis Paris, alors que l’opération Sangaris venait d’entamer en Centrafrique sa phase de désarmement des milices, l’état-major de l’armée française affirmait qu’il n’y avait pas « eu de combats dans Bangui », la capitale. C’était avant que l’intervention militaire ne fasse, dans la nuit de lundi à mardi, ses deux premières victimes. Une patrouille de soldats français a été accrochée par des hommes armés non identifiés.
Pour l’armée, une « grande majorité » des groupes armés avait pourtant à ce moment-là déjà quitté la ville, sans qu’il y ait de combats directs avec les anciens rebelles de la Séléka, à l’origine du renversement du régime en mars dernier. Pour le spécialiste de l’Afrique Antoine Glaser, contacté par leJDD.fr, « Bangui peut être sécurisée, mais cela ne veut pas dire que les troupes françaises ne sont plus à la merci de tireurs ». C’est d’ailleurs, selon l’ancien rédacteur en chef de La Lettre du Continent, « la grande différence » avec la guerre au Mali : « L’ennemi était identifié, il s’agissait de plusieurs centaines de djihadistes, et une grande partie du pays restait sécurisé. »
Des groupes issus de la Séléka, mais aussi les « anti-balaka »
En Centrafrique en revanche, jusqu’à l’intervention française commencée jeudi dernier, l’ensemble du pays était hors de contrôle. L’ennemi, lui, est multiple et « peu identifiable », comme le reconnaissait vendredi sur RFI le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. « Les gens sont parfois mêlés à tel ou tel groupe, sans que l’on puisse identifier l’origine ni la volonté qui s’expriment derrière », disait-il. Les données manquent en effet.
La rébellion de la Séléka, majoritairement musulmane, comptait jusqu’à 20.000 éléments, dont les trois-quarts étaient non-centrafricains. Il s’agissait surtout d’anciens combattants ayant fui ces dernières années le Tchad et le Soudan. Si une partie d’entre eux a probablement cessé la lutte avec l’arrivée au pouvoir du chef de l’opposition, Michel Djotodia, il est impossible de dire combien d’individus la France doit aujourd’hui combattre ou désarmer.
Cette « coalition à la base hétéroclite s’est disloquée comme un kaléidoscope », résume Antoine Glaser. Pour le spécialiste, les éléments qui ont poursuivi ces derniers mois les exactions sont des « petits chefs », chacun à la tête de son groupe, qui vivent essentiellement du pillage, en profitant de l’absence totale de l’Etat. A cela s’ajoutent les milices d’autodéfense dites « anti-balaka », principalement chrétiennes. « Ce sont des groupes d’auto-défenses issus du centre du pays. C’est une réalité villageoise qui est née des exactions faites par les forces au pouvoir, que ce soit les anciennes forces centrafricaines fidèles à l’ex-président Bozizé ou la Séléka », note pour leJDD.fr Roland Marchal, spécialiste de la Centrafrique au CNRS. « Mais depuis quelques semaines, des groupes se sont formés à Bangui », précise-t-il. Ceux-ci doivent donc également être désarmés.
« Il est impossible de contrôler l’ensemble du pays »
Mais si Bangui est aujourd’hui sécurisée par les soldats français, c’est loin d’être le cas ailleurs. « L’objectif est surtout de contrôler la région de la capitale et les deux principaux axes la reliant au nord du pays », explique Antoine Glaser. « Le reste, c’est
La situation sécuritaire en Centrafrique est donc loin d’être rétablie, selon Antoine Glaser, qui évoque une « guerre asymétrique ». Le spécialiste ne croit d’ailleurs pas à une intervention courte, de quelques mois comme évoqué par Paris. En revanche, « la France voudra rapidement favoriser l’organisation de nouvelles élections qui installeraient un nouveau gouvernement. Il lui faut un semblant de retour à l’ordre constitutionnel si elle veut se désengager ». Quitte à ce que la Centrafrique n’en ait pas totalement fini avec ses vieux démons.
Arnaud Focraud (avec G.V) – leJDD.fr
mardi 10 décembre 2013
lejdd.fr Article original