Une Reine de Hollande qui a gravement fauté envers les Juifs

 

 

 

Les Pays-Bas sont probablement le pays qui disposent des meilleures relations publiques dans le monde occidental, mais leur image est bien plus positive que sa réalité. Beaucoup dans le monde connaît le peuple hollandais courageux qui a caché Anne Frank et sa famille. Peu ont entendu parlé des unités de la police et des volontaires néerlandais qui reniflaient les traces des Juifs et des combattants de la résistance contre des bénéfices financiers,au cours de l’occupation allemande. Ils ont arrêté environ 15.000 Juifs selon les estimations, la majorité ayant été assassinée. L’historien Ad van Liempt dit que de telles unités de recherche ont été uniques, dans les pays occupés par les Allemands[1].

Une exposition inaugurée le mois dernier au Musée Juif Historique d’Amsterdam a eu un effet inattendu. Son principal thème était la soit-disant relation étroite entre la communauté juive néerlandaise et le Maison Royale d’Orange, au cours d’une période de plus de 400 ans.

 

Bouclage du Quartier Juif d’Amsterdam

Cependant, les médias ont consacré énormément d’attention à l’extrême désintérêt pour le sort des Juifs Hollandais persécutés, au cours de la Seconde Guerre Mondiale, de la part de la Reine Wilhelmine, qui était alors en exil à Londres. C’est devenu une question centrale de cette exposition.

Au Musée, on peut entendre quatre textes de la radio. La Reine Wilhelmine n’a mentionné les Juifs de Hollande que trois fois d’une manière plutôt marginale, dans ses nombreux discours radiophoniques adressés au peupler hollandais. Dnas le quatrième texte, elle s’exprime avec insistance contre les occupants allemands obligeant les Hollandais au travail forcé en Allemagne. Le contraste entre les tonalités employées pour ces deux discours est saisissant[2].

Le journaliste hollandais internationalement réputé, Hans Knoop, a déclaré dans une interview que le rédacteur du discours de la Reine à Londres,un célèbre historien néerlandais, lui avait dit un certain nombre de fois, qu’elle avait régulièrement fait retirer toute mention des Juifs, dans le brouillons de discours qu’il avait préparés. Knoop exprimait aussi le contraste entre l’aide apportée par la Reine-mère des Belges, Elisabeth aux Juifs de Belgique, alors qu’elle vivait elle-même sous occupation allemande, et le désintérêt de Wilhelmine, qui était libre et en sécurité à Londres[3].

En mai 1940, les Allemands ont occupé les Pays-Bas, après que l’armée hollandaise n’ait pas résisté plus de 4 jours. Six mois plus tard, les responsables hollandais ont dû signer une déclaration attestant qu’ils étaient bien « Aryens », c’est-à dire non Juifs. De cette façon, les Juifs qui ne pouvaient pas signer ces déclarations, pouvaient facilement être identifiés et, par la suite, expulsés de la bureaucratie. Ce processus était en parfaite contradiction avec la constitution hollandais. Wilhelmine a gardé le silence. On ne peut que spéculer sur ce qui se serait passé si elle s’était exprimée à la radio en appelant à refuser de signer cette déclaration.

En 2016, a été publiée la biographie d’une journaliste juive hollandaise, Henriette Boas, qui vivait à Londres,  au cours de la guerre. Elle racontait que la Reine Wilhelmine a invité Boas pour entendre comment se portait une amie de la Reine. Boas raconte alors la scène : « Elle s’est assise près de moi. Elle a dit : « Donc, comment va Lily Q.v.A? ». J’ai répondu : « Oui, elle va bien, votre Majesté, en revnache les Juifs aux Pays-Bas ne vont pas bien », Elle a répliqué : « Ce n’est pas ce que je vous ai demandé ». Elle s’est levée sans un adieu et s’est assise auprès de quelqu’un d’autre[4]« .

En 1939, beaucoup de réfuigés juifs allemands se sont enfui aux Pays-Bas. Le gouvernement hollandais voulait les héberger dans une seule localisation dans les baraquements vides du canton d’Emerlo. La Reine y a fait objection parce qu’elle considérait l’endroit trop proche de son Palais, à environ 11 km de là[5]. C’est plutôt la communauté juive de Hollande qui devait payer pour l’installation de nouveaux baraquements qui ont été construits dans l’un des endroits les plus reculés du pays.

Ce camp de Westerbork s’est grandement étendu sous le régime de l’occupation allemande, pour servir en tant que camp de transit. Les Juifs arrêtés des Pays-Bas y ont été hébergés, avant d’être déportés vers l’Est, presque tous pour y trouver la mort.

Le roi Willem Alexander a écouté silencieusement le discours d’inauguration de l’exposition, quand sa conservatrice Julie-Marthe Cohen, a mentionné le comportement scandaleux de son arrière-grand-mère. Elle a déclaré : « Les Juifs de Hollande ont été abandonnés à eux-mêmes par la Reine Wilhelmine, ce qui reste un sujet douloureux pour beaucoup d’entre eux »[6].

A un journaliste de l’organisation nationale de programmes, NOS, la conservatrice a déclaré que la Reine aurait pu déclaré à la radio qui quiconque trahissait les Juifs serait sévèrement puni après la guerre, mais elle n’a rien fait[7].

La controverse concernant le rôle de la Reine Wilhelmine au cours de la guerre se focalise sur bien d’autres raisons que sa seule attitude indifférente envers les Juifs. Depuis des décennies, son mode de vie à Londres est décrit en des termes quasi-mythologiques. Cependant , un livre récent d’un historien Gerard Aalders, fait suite à plusieurs publications qui ont gravement écorné cette image[8].

Une autre illustration de a façon dont l’image et la réalité de la Hollande divergent :  au cours de la guerre, le gouvernement hollandais en exil à Londres n’avait aucun intérêt que ce soit pour les Juifs de Hollande. Après le commencement de la déportation des Juifs qui a débuté en 1942, cela a pris  plus d’un an et demi au gouvernement néerlandais pour demander au gouvernement polonais ce qui se passait. Pourtant, les deux gouvernements étaient situés dans le même bâtiment[9].

Néanmoins, l’actuel Premier Ministre de Hollande, Mark Rutte, continue d’éviter d’admettre, tout comme ses prédécesseurs, les énormes lacunes concernant la persécution des Juifs, de la part du gouvernement néerlandais en temps de guerre. En cela, les Pays-Bas sont unique dans l’Europe occidentale. Tous les autres gouvernements ont admis les erreurs de leurs prédécesseurs. Plusieurs ont aussi présenté leurs excuses.

Par Manfred Gerstenfeld

Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski.


[1] Ad van Liempt, Kopgeld, Nederlandse premiejagers op zoek naar Joden 1943 (Amsterdam: Balans, 2003);

Ad van Liempt and Jan H. Kompagnie, Jodenjacht, de onthutsende rol van de Nederlandse politie in de Tweede Wereldoorlog (Amsterdam: Balans, 2011).

[2] “Expositie over Oranjes en Joodse gemeenschap, inclusief pijnlijke episodes”, NOS, 13 April 2018.

[3] http://politiek.tpo.nl/2018/04/16/de-oranjes-en-joden-in-nederland-het-zwijgen-van-koningin-wilhelmina-heeft-levens-gekost/

[4] Pauline Micheels, De Waarheidszoekster, Henriette Boas, Een leven voor de Joodse Zaak, (Amsterdam: Boom, 2016), 55-56.

[5] Nanda van der Zee, Om Erger te Voorkomen, (Amsterdam: Meulenhoff, 1997), 35-36.

[6] www.nrc.nl/nieuws/2018/04/18/de-koning-en-de-pijnlijke-waarheid-a1599835

[7] https://nos.nl/artikel/2227203-expositie-over-oranjes-en-joodse-gemeenschap-inclusief-pijnlijke-episodes.html

[8] Gerard Aalders, Wilhelmina, Werkelijkheid en Fictie (Meppel: Just Publishers, 2018).

[9] Dienke Hondius, “A Cold Reception: Holocaust Survivors in the Netherlands and Their Return,” Patterns of Prejudice, Vol. 28, No. 1 (1994).

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Soliloque

L’article evoque la distorsion entre une image de la Hollande accueillante envers les Juifs et la réalité, à l’opposé. Émanant d’un membre de la Maison d’Orange, l’attitude vis à vis des Juifs apparaît invariable. On se référera au salut nazi de la Reine d’Angleterre et au comportement sulfureux des membres de sa famille. En dehors de la mère du Duc d’Édimbourg, remarquable, enterrée au Mont des Oliviers… Mais elle n’était pas de la Maison d’Orange.

Georges ( Guiora ) Markowicz

C’est bien gentil de s’attaquer à la reine des Pays-Bas , mais qu’a fait , qu’a dit Ch. de Gaulle depuis Londres ? A-t-il exigé de la police de cesser d’arrêter les Juifs , menacé l’administration pour son zèle dans la kollaboration ? Non ! Celui qui était chargé , auprès de Vichy ( et décoré de la Francisque ) de la spoliation des bien juifs , Maurice Couve de Murville , a-t-il été condamné à rendre gorge pour tous ses méfaits . Quant à Carl Oberg , général en chef de la la SS en France , en tant que tel , principal responsable , jusqu’à la Libération , du combat contre la Résistance et de la déportation des Juifs , le général Carl Oberg a été gracié et libéré par Ch. de Gaulle . Alors pour ce qui est de la reine des Pays-Bas …

ander

On lit souvent que pres de 90 pourcent, je crois, de Juifs hollandais ont ete tues pendant la guerre: cette proportion, la plus importante peut-etre des pays europeens (a l’exception possible de la Pologne: a verifier) est mise totalement sur le compte d’une occupation allemande plus complete et plus severe qu’ailleurs (a nouveau, pour ce qui concerne l’Europe de l’Ouest). Se pourrait-il que le desinteret marque de la Couronne hollandaise ait eu une part de responsabilite dans ce desastre ?