L’intelligence artificielle est capable de prédire les canicules
CLIMAT Des chercheurs lyonnais ont la preuve que l’intelligence artificielle peut prédire jusqu’à un mois à l’avance des canicules, en France comme ailleurs. Une avancée scientifique alors que les vagues de chaleur sévissent en Asie et en Amérique du Sud
(Illustration) — Mourad ALLILI/SIPA
« Nous avons désormais la preuve qu’il est possible de faire des prédictions à partir d’intelligence artificielle (IA) », affirme fièrement Freddy Bouchet, directeur de recherche au CNRS et professeur à l’ENS. Depuis trois ans, il travaille avec quatre autres chercheurs sur ce projet afin de proposer une façon plus rapide et simple de prédiction d’événements extrêmes.
Jusqu’à présent, c’est la météo qui fait ce travail de prédiction. Des ordinateurs ultra-performants calculent les équations qui décrivent le mouvement de l’atmosphère comme la température, la précipitation, le vent ou encore les pressions afin d’avoir des prévisions quelques jours avant. L’objectif des chercheurs est que le programme informatique soit « meilleur » que les prédictions des centres météo.
Une prédiction jusqu’à un mois à l’avance
L’équipe de scientifiques propose alors une approche « complémentaire » de cette méthode classique avec l’utilisation d’un « machine learning ». Et pour qu’une IA soit fiable, il faut l’entraîner avec énormément de données. Une étape compliquée sachant que les canicules sont très rares et ont rarement été observées dans le passé. Ainsi, les chercheurs ont fait appel au « plasim ». Ce simulateur d’un climat représentatif des années 2000 a tourné pendant 8.000 ans pour collecter assez de datas synthétiques et les intégrer à l’outil. « Ce sont les mêmes modèles qui sont utilisés pour faire les études du rapport du Giec », précise le Lyonnais.
Et maintenant, quand les champs météorologiques sont donnés au programme informatique – installé dans un ordinateur par exemple –, « il calcule les probabilités qu’il y ait une canicule jusqu’à un mois en avance », s’exclame le directeur de recherches.
Obtenir une réponse tout de suite grâce à l’IA
Une avancée importante d’un point de vue scientifique et climatique. « L’intelligence artificielle permet d’obtenir une réponse tout de suite, de manière très simple », complète-t-il. Un avantage non négligeable pour alerter la population mais aussi avoir une meilleure gestion des risques.
Freddy Bouchet insiste sur le poids d’un tel programme dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il rappelle qu’actuellement, l’Asie du Sud enregistre des vagues de chaleur extrêmes, jamais observées jusqu’alors. Quinze personnes sont décédées de coups de chaleur. Et que, de l’autre côté du globe, l’Argentine subit elle aussi une sécheresse interminable.
Un outil pas encore opérationnel
« Les canicules sont un des événements extrêmes qui font le plus de morts à travers le monde. Et avec le réchauffement climatique, elles vont se multiplier avec des graves conséquences sur les populations, l’économie, l’agriculture et tous les autres secteurs, lance-t-il. Elles vont toucher les pays africains et le sud de l’Inde mais aussi l’Europe. On remarque d’ailleurs que c’est dans cette zone que le changement du climat est le plus rapide. » Durant l’été 2003, plus de 70.000 personnes sont décédées en Europe à cause des fortes chaleurs.
L’étude sur l’outil de prédiction a été réalisée sur la France mais elle peut « facilement » s’appliquer pour n’importe quel endroit sur la planète, détaille le Lyonnais.
Le programme en question ne sera cependant opérationnel que d’ici les prochaines années pour les utilisateurs. En attendant, la même approche va être utilisée pour d’autres recherches en lien avec la transition écologique. « On va prendre cet outil pour étudier comment assurer la production d’électricité des énergies renouvelables dans le futur, qui varient en fonction des événements très rares, et par rapport à la demande », indique l’expert.