A discussion and a vote on the vote on the "settler law bil"l at the Knesset, the Israeli parliament in Jerusalem on June 6, 2022. Photo by Yonatan Sindel/Flash90 *** Local Caption *** כנסת מליאה נאום הצבעה חוק חוק תקנות שעת חירום יהודה והשומרון שיפוט בעבירות ועזרה משפטית

Sur la culture et l’inculture politiques dans l’état juif….

Depuis quelques années le système politique en vigueur dans l’État hébreu butte contre ses limites. Une multitude de facteurs en sont responsables. Il y a tout d’abord les situations extrêmes que vit l’État d’Israël, de sorte que le problème majeur de la politique intérieure n’est autre que la politique étrangère ; en raison de la belligérance qui affecte la vie de ce pays depuis sa création. Mais il y a aussi les fondements socio-politiques de cet État qui se veut à la fois juif (sioniste) et démocratique. C’est tout à l’honneur de ses dirigeants mais il faut bien reconnaître que ces deux impératifs sont contradictoires, même si, jusqu’à présent, les dirigeants de ce pays ont fait de leur mieux pour se prévaloir d’un régime démocratique, respectant le droits des minorités, notamment la minorité des citoyens arabo-musulmans. Et ce, malgré l’idéologie antisioniste en laquelle certains citoyens, issus de cette même communauté, se reconnaissent.

Les résultats de ces dernières élections ont suscité l’inquiétude dans de nombreux milieux politiques, en Israël même mais aussi à l’étranger. Cela a aussi provoqué une certaine tension avec les alliés stratégiques de toujours, les USA. La réaction des vainqueurs des élections ne s’est pas fait attendre, puisqu’ils ont rejeté ces inquiétudes infondées selon eux, les taxant d’ingérence inacceptable dans les affaires intérieures de l’État d’Israël. Les choses ne sont pas encore vraiment rentrées dans l‘ordre puisque la Maison Blanche, occupée par un élu démocrate, se fait plus regardante depuis que des parlementaires israéliens de droite et plus encore, revendiquent des postes ministériels qui n’arrangent pas les choses ni ne penchent pas vers un apaisement tant espéré.

Après des années d’instabilité politique, tout récemment, l’absence d’une majorité claire, capable de diriger ce pays, la droite israélienne a fini par s’imposer après une année et demi d’un régime hétéroclite, bénéficiant même d’un soutien arabo-israélien sans participation directe au gouvernement. L’expérience si éphémère pouvait être riche d’une mentalité et d’une approche nouvelles attestant la possibilité d’une coexistence pacifique, ; elle semblait animée d’ une vision et porteuse d’un projet acceptable par les deux parties… Mais cela n’a pas duré et a même, sur le long terme, contribué à la victoire des partis de droite et de l’ultra droite.

J’observe depuis quelques semaines le laborieux travail de Benjamin Netanyahou, le grand vainqueur des élections, afin de bâtir enfin une nouvelle architecture gouvernementale. Une bonne partie des observateurs impartiaux (et je suis du nombre) s’imaginaient que la mise sur pied d’un nouveau gouvernement ne prendrait qu’une semaine ou deux, au grand maximum ; la suite des événements montre qu’on se trompait lourdement puisque le nouveau Premier ministre a dû demander une prolongation de deux semaines, comme l’y autorise la loi fondamentale israélienne.

C’est alors que se produisit un fait nouveau qui témoigne bien de l’état de division de ce pays, en dépit de cette nette majorité obtenue par les partis religieux et de droite : le président actuel de l’État, jadis membre du parti travailliste, a réduit la prolongation du mandat de quatorze à dix jours, et assorti cet octroi d’un long rappel du respect dû à tous les électeurs et de la diversité comme s’il était avéré que les nouveaux dirigeants du pays avaient de noires arrière-pensées concernant le régime politique qu’ils ambitionnaient de mettre en place. J’espère ne pas me tromper mais je crois que ce geste de défiance (au moins, pour ne pas parler de crainte pure et simple) est rarissime. Que le président de l’État réduise le temps de la prolongation passe déjà difficilement mais la lettre qui l’accompagne pose la question du statut honorifique du chef de l’État.

Mais il y aussi, à côté de toutes ces remarques critiques, la nature particulière de la culture politique en Israël et je parle ici du cynisme consommé des dirigeants qui mentent effrontément, reviennent sur leurs décisions et font preuve d’un égotisme de très mauvais aloi. L’état de belligérance avec les voisins arabes n’explique pas tout. Et en tout cas ne justifie rien. Ce pays a besoin d’un sérieux assainissement au plan moral, notamment lorsque vous jurez que vous ne vous rallierez jamais à tel ou tel parti, jusqu’au jour où vous héritez d’un alléchant poste ministériel. Et je laisse de côté certaines accusations de népotisme, voire d’accusations bien plus graves…

Il faut aussi parler de la réforme prévue de la Cour suprême dont la saisine est en jeu.. Le nouveau gouvernement ne fait pas mystère de sa volonté de soustraire les décisions de la Knesset au couperet de cette cour de justice que certains, à tort ou à raison, accusent d’activisme… Est-ce que l’exercice réel du pouvoir va calmer les ardeurs des uns et des autres, c’est ce qu’il faut espérer…

Pour caractériser la situation tout à fait unique de cet État, menacé de graves dangers depuis sa naissance, l’un de ses anciens Premiers ministres avait frappé la formule suivante : ce qu’on voit d’ici, on le voit pas de là-bas… Ce n’est pas faux, surtout concernant la situation géostratégique du pays, mais cela ne justifie pas les marchandages avilissants autour de postes ministériels tant convoités. Certaines bassesses peuvent être préjudiciables, bien au-delà de ce qu’on peut imaginer. IL y va de la dignité de cet État qui a transformé un territoire désertique en start up nation.

Maurice-Ruben Hayoun, professeur à l’Uni de Genève. Dernier livre paru, Regard de la tradition juive sur le monde (Genève, Slatkine, 2021)

 

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