Racines! Vous avez dit « racines »? Par Danièle Londner

Cette jolie fête, Tou biShvat, célèbre le Nouvel An des arbres, leur renouveau. La floraison entame un nouveau cycle après le sommeil hivernal et le retour des pluies – avouons toutefois qu’ici, en Israël, l’hiver est un peu théorique et c’est dommage pour la terre et donc pour l’homme. Or ce renouvellement n’est visible que par la réapparition des bourgeons, fleurs et fruits. Qu’en est-il de leurs racines? Elles sont invisibles et immuables!

Et pour l’homme alors? Si l’on se rappelle que « l’homme est un arbre des champs » (Deutéronome 20,19), la question des racines s’avère inévitable: que sont mes racines? En quoi me définissent-elles? Que suis-je sans racines? Suis-je seulement?

Référons-nous à la tradition: nos racines se trouvent dans l’héritage de nos patriarches et de nos matriarches, c’est-à-dire essentiellement la foi en Dieu, qui trouve son expression et se révèle dans des fruits inestimables, l’étude de la Torah, la pratique des mitsvot et la Terre d’Israël, où il convient que vive chacun d’entre nous.

Cela étant posé quant à notre identité juive, collective, comment résoudre la question des racines au niveau individuel?

Moi qui suis née française en Algérie, moi qui ai vécu expatriée plus de quarante ans en France, dont la culture, au sens large, m’a façonnée, moi qui ai décidé de m’implanter ici, en Israël depuis plus de dix ans, ce moi-là, quelles sont ses racines? Mon cas est loin d’être unique: que de dé-racinements avons-nous tous vécus? subis? Que de traumatismes ces exils ont-ils générés? Et malgré tout cela, sommes-nous pour autant des roseaux, dont on sait qu’ils n’ont pas de racines? Sur quels fondements, quel substrat, notre existence repose-t-elle?

Reprenons la double métaphore du « roseau » et de « l’arbre des champs »: alors nous sommes faibles, certes, mais aussi forts, résistants, résilients, capables de nous régénérer ailleurs, de nous enraciner ailleurs… jusqu’à ce que le véritable ailleurs soit ici, Eretz Israël. Les soubresauts de l’Histoire nous ont contraints à quitter nos lieux de naissance, où nous avons grandi, où nous nous sommes construits, où nous étions intégrés… pour nous implanter ailleurs. Et c’est justement notre état « d’arbre des champs » qui célèbre notre capacité à s’ancrer, à fleurir, à produire de nouveaux fruits, riches de notre expérience.

Après ces pérégrinations, communes à tant d’entre nous, me voici en Israël, ma terre d’ancrage, là où j’ai choisi de vivre, de construire quelque chose, de m’implanter. Si ce n’est moi-même, du moins mes enfants. Et j’ai la véritable chance, Dieu merci, que trois de mes quatre enfants vivent ici.
Et c’est par eux, et par leurs enfants que je me sens refleurir chaque année: leur intégration est un authentique miracle, par le travail, l’école, l’apprentissage et le maniement de la langue.

Je resterai toujours « la Française » – mon accent, mon éducation, mes manières, ma tenue vestimentaire – mais ça, c’est le vernis.

Mes racines sont ici et maintenant.

Danièle Londner   Tel Aviv, janvier 2023 par LPH INFO

 » Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches,

Et puis voici mon cœur, qui ne bat que pour vous.
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches
Et qu’à vos yeux si beaux l’humble présent soit doux…  »
                                                             Paul Verlaine
Bonne fête de Tou Bichvat, fête des arbres et des fruits !     Gérard Darmon
JForum avec JNS (MENAHEM WECKER)
« Tu Bishvat » de Mark Podwal. Acrylique et crayon de couleur. Crédit : Mark Podwal

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