Je ne résiste pas à l’envie de vous faire partager l’enseignement que je viens de recevoir de mon maître, Armand Abécassis, sur ce terme galvaudé et dont on ne saisit souvent ni le sens profond ni les leçons. Et je résiste d’autant moins que, comme vous le lirez si vous allez au bout de la « démonstration », les évidences de cette loi du Talion sont l’intégral reflet de la terrible situation que nous vivons en antagonistes dans notre maison commune.

L’analyse se fonde donc sur une étude circonstanciée (dont j’ai forcément « circoncis » l’ampleur) du Talmud et du Midrash, ces textes qui sont une manière « créatrice » de lire la Torah (livres sur lesquels, notamment, nous aurons l’avantage de réfléchir lors de nos prochaines Tenues de Villard de Honnecourt…)

Alors peut-on imaginer que Dieu ait pu, dans son infinie mansuétude, légiférer sur l’idée d’une punition blessure pour blessure ? Les francs-maçons que nous sommes savent qu’il y a la lettre et l’esprit de la lettre. Dans ce cas, nous dit Aramand Abécassis, l’esprit de la Torah n’est jamais de répondre par la vengeance, totalement contraire aux principes du droit biblique.

Si la justice des hommes intervient, nous savons qu’elle sera ressentie par au moins une des parties, sinon les deux, comme injuste ! En effet, le din, la Justice, heurte toujours et laisse planer la discorde et l’insatisfaction avec son corollaire qu’est la vengeance… « Bien fait pour lui ! ». Si l’un triomphe, l’autre est anéanti, et le jugement rend alors le dialogue impossible.

Certes, la sanction ne doit pas dépasser la faute, mais comment évaluer la faute quand, nous disent (avec un brin d’humour) certains midrashim, les cas suivants se présentent : si c’est un aveugle qui aveugle son prochain, ou si l’œil atteint est différend de l’œil réclamé en justice ?! A travers ces exemples certes à la marge, nous sommes invités à ne pas comprendre cette loi du Talion de façon littérale, car comme il est dit dans un autre texte (Lévitique 19,17-18) : Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur… tu ne te vengeras pas… et tu aimeras ton prochain comme toi-même… » La justice doit donc sortir de son cadre froid, mécanique et être laissée à l’appréciation de ceux qui pourraient penser la paix plutôt que le droit. De là l’idée (humaine, sous suggestion divine) de la « réconciliation ». Sachant que sans la loi on risque l’arbitraire, mais que la loi seule engendre l’insatisfaction.

Le Deutéronome nous invite donc à faire ce qui est droit et bon, c’est-à-dire à préférer le compromis, avec pour objet « la paix », la paix intérieure chez le coupable et la victime. Donc, nous devons comprendre que toute blessure doit être « évaluée » et « compensée ». Et quand on sait que la justice est rarement garante de paix et que le jugement ne sait pas l’instaurer, on saisis mieux ce que disait le prophète Zacharie : Cherchez la vérité et le jugement de paix, ou cet autre avertissement : Ne va pas au Tribunal, tu trouveras l’injustice !

La justice et la paix ne sont donc compatibles que par le compromis. Et la fonction du juge, celui de justice, ou de nous-mêmes, est de mettre un terme à la pulsion de vengeance ou de rancune. C’est en ce sens que j’ai souhaité montrer comment l’analyse talmudique pouvait rendre compatibles des lectures apparemment contradictoires, mais ouvertes à la cohérence. Les solutions de justice ne devraient être acceptables que par les deux parties qui ne doivent pas sortir dos à dos d’un Tribunal. Impossible dites-vous ? Désespérant alors ! Certes, le din, la justice rigoureuse s’appuie sur la « force », mais le compromis peut établir le dialogue, les relations sociales et fraternelles, jusqu’à imaginer (pourquoi pas ?) les deux antagonistes se retrouver… « innocents » !

… Bon, si vous avez eu la patience de lire jusque là, c’est que peut-être nous avons une chance de laisser une chance au compromis. La Justice profane s’est invitée dans notre espace sacrée. Elle n’y a pas sa place. Même Dieu l’avait compris et nous avait déjà soufflé la solution !… Notre solution est dans nos règles, nos us, nos coutumes et nos Constitutions, compromettons-nous à lui donner sens.

par Pierre Benzaquen Article original

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