Manfred Gerstenfeld interviewe Carlo van Praag

“On estime à 53.000 le nombre de Juifs qui vivent aux Pays-Bas. Ce chiffre se fonde sur deux études démographiques menées au sein de la communauté juive – la première en 1999 et la seconde en 2009. L’objectif principal de ces études était d’enquêter sur la nature du lien entre les Juifs hollandais et le Judaïsme. Beaucoup de gens interviewés se sont montrés hésitants sur la façon de définir leur judaïté. Cette configuration ci-dessus reflète une population hétérogène ; environ 30.000, ou l’équivalent de 57% s’identifient comme Juifs, alors que 17.000 préfèrent se définir comme “ayant des origines juives”.

“Quelques 7% se perçoivent comme Juifs à certains moments de leur existence. Le phénomène consistant à “se sentir Juif” peut surgir lorsqu’ils se trouvent parmi des Juifs, ou alternativement, justement parce qu’ils se trouvent essentiellement parmi des non-Juifs. Il refait aussi surface lorsqu’ils sont confrontés à l’antisémitisme ou à des critiques virulentes contre Israël de la part de non-Juifs. Environ 4% se considèrent comme non-Juifs. Il n’y a qu’1% de Juifs à s’être convertis”.

Praag- Carlo van

Carlo van Praag a étudié la géographie sociale à l’Université d’Amsterdam. Il est le Directeur-adjoint à la retraite du Bureau de Planification sociale et culturelle, un service gouvernemental qui mène des recherches sociales et conseille le gouvernement hollandais.

Il ajoute : “Le nombre de ceux qui sont Juifs, aux Pays-Bas, selon la loi juive (Halachiquement juifs) est d’environ 37.000. Cette population maintient ses effectifs en partie grâce au nombre croissant d’Israéliens vivant aux Pays-Bas, qui est actuellement d’approximativement 9.000. Leur halte est souvent temporaire, cela dit, comme beaucoup d’entre eux sont étudiants ou expatriés qui ont trouvé du travail en Hollande. Des Juifs qui n’ont qu’un père ou des grands-parents juifs, ne sont pas considérés comme Juifs par la loi juive.

“Au cours de la dernière décennie, l’assimilation des Juifs aux Pays-Bas s’est poursuivie, comme partout ailleurs à travers l’Europe. L’autre tendance marquante qui se donne libre cours est le déclin de l’appartenance aux organisations juives. Les mariages mixtes sont, à la fois, un indicateur et un stimulateur de l’assimilation. D’un côté, ils mènent à une plus grande stabilité du nombre de Juifs de Hollande. De l‘autre, l’intensité des liens avec le Judaïsme décroît.

“Environ 19% des Juifs considèrent que l’antisémitisme est un sujet pertinent aux Pays-Bas. Le pourcentage de ceux qui disent qu’ils ont personnellement vécu l’expérience de l’antisémitisme, cependant, a baissé au cours de la dernière décennie et se situe à 22%. Tout Juif de Hollande qui vit dans un quartier respectable, comme c’est mon cas, n’en souffre pas directement. Cependant, si on vit dans un quartier populaire aux côtés de nombreux immigrés musulmans ou leurs descendants, on devient vite une cible en tant que Juif, puisque nombreux sont ceux parmi ces Musulmans qui s’identifient aux Palestiniens.

“Notre étude de 2009 démontre que le nombre des membres de la communauté juive religieuse atteint environ 9.000. La plus vaste était la communauté ashkénaze hollandaise (NIK), suivie par la communauté progressiste (libérale) ; il n’y a que 3% qui appartiennent à la communauté sépharade portugaise.

“La nature du lien avec le Judaïsme reste variée. Il consiste, par exemple, à participer de façon sélective aux activités religieuses, aux fêtes et aux coutumes. Souvent, les gens choisissent de ne participer qu’aux activités “faciles”. On note une augmentation de l’assistance des Juifs au Seder de Pessah, par la consommation de Matzot et aux célébrations des Bat ou Bar-Mitzvoth. D’un autre côté, il n’y a que 5% de Juifs de Hollande qui suivent scrupuleusement les règles diététiques de la Casherout et à peu près le même pourcentage adopte toutes les règles de Shabbat. Un pourcentage un peu plus grand s’interdit de manger du porc. En d’autres termes, plus les activités proposées sont agréables et festives, et plus de Juifs adhèrent aux coutumes juives. C’est plus exigeant d’assister régulièrement à l’office à la synagogue et encore plus de manger cacher et c’est de cette façon que ces activités sont en chute libre.

“Un autre moyen de maintenir ses liens avec le Judaïsme consiste à avoir un grand nombre de vos amis qui soient Juifs, être membre d’une organisation juive, et d’accorder de l’importance à la poursuite d’une existence continue de la communauté juive.

“Un troisième type de lien s’exprime grâce à l’intérêt pour la culture juive. Par exemple, les gens participent aux activités culturelles juives, regardent des programmes juifs à la télé ou écoutent des émissions juives à la radio.

Une quatrième manière est de maintenir ses relations avec Israël : est-ce qu’on suit les actualités concernant Israël? Est-ce qu’on défend Israël et est-ce qu’on donne à des organisations pro-israéliennes?

“On peut subdiviser la relation au Judaïsme en deux grandes catégories principales qui sont tout-à-fait indépendantes l’une de l’autre. La nature de la première est positive : le fameux lien religieux et culturel. Il s’exprime par une participation active, le fait d’attacher de l’importance au maintien de la vie juive et de se sentir solidaire avec la communauté.

“La nature de la deuxième forme  est plus négative : elle se fonde sur l’expérience juive au cours de la Seconde Guerre Mondiale et/ou l’antisémitisme. C’est ainsi l’expression d’une sensibilité à ce qui s’est passé autrefois ou vis-à-vis de ce qui se passe aujourd’hui.

“Le lien positif est bien plus important que le négatif pour qu’un individu s’identifie au Judaïsme. Si on n’avait pas pris en compte la question de la Seconde Guerre Mondiale, cependant, un certain nombre des personnes sondées ne se seraient pas considérées comme juives.

“Aujourd’hui, une majorité de Juifs Hollandais s’identifie encore avec le Judaïsme. C’est vrai, en particulier, pour ceux qui ont deux parents juifs. Je partage, cependant, la vision que le Judaïsme d’Europe de l’Ouest disparaîtra, excepté en ce qui concerne quelques petits vestiges. La question reste de savoir combien de temps durera le processus d’assimilation continuelle. Dans l’avenir, cela dit, des événements inattendus peuvent interrompre cette tendance”.

 

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Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski.

 

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