« Sarah mourut à Kiriat Arabâ qui est Hébron dans le pays de Canaan ; et Abraham vint faire l’éloge funèbre (lispod) de Sarah et la pleurer (velibcotah) » ( Genèse 23, 2) 

Haye Sara

Pour la première fois dans le livre de Beréchit nous est fait un récit de funérailles et celles ci concernent Sarah, l’épouse d’Abraham, sans laquelle il ne serait sans doute pas devenu « l’inventeur de l’Histoire » comme on a pu parfois le caractériser,

Sarah sera donc inhumée en un lieu qui comporte deux dimensions, La première est à la fois géographique et topographique, Sa sépulture sera située dans un lieu dit la « Ville des quatre » qui est simultanément nommé H’ébron,

Ce dernier terme retient l’attention puisqu’il est construit sur la racine H’BR qui désigne le lien et le compagnonnage, La sépulture de Sarah sera donc symbolique de son existence qui aura consisté à relier – seconde dimension – l’en-bas avec l’en-haut, ce monde-ci et le monde qui vient, non sans difficultés et non sans avoir elle aussi traversé de nombreuses épreuves dont la dernière, la Akedat Itsh’ak, aura eu raison d’elle.

Cependant une vie ne s’anéantit pas avec le départ de ce monde et c’est sans doute pourquoi le récit biblique relate, sans en rien omettre, comment Abraham veuf reconduit son épouse, la compagne et la partenaire de sa propre existence, jusqu’à sa dernière demeure, pour reprendre l’expression consacrée, sans oublier que cette demeure là n’est dernière que dans le monde d’en- bas mais qu’elle est le lieu de passage vers le monde d’en- haut, Et c’est pourquoi Abraham défère à deux obligations elle aussi corrélées.

D’une part il s’acquitte de l’éloge funèbre, du hesped, de Sarah. Quelle en est la signification? Celle-ci donne l’exemple même de l’amour du prochain car à quel moment cette qualité risque t-elle d’être perdue de vue et même d’être abrogée sans rémission, sinon après le décès de la personne concernée, après qu’elle a été réduite, au moins en apparence, à un corps inerte, privé de parole, une « dépouille » que l’on serait tenté de considérer comme un déchet sans plus aucune valeur?

Au contraire c’est à ce moment là que le défunt ou que la défunte voit consacrer son statut si l’on peut dire de prochain, un statut qui s’atteste par cet éloge, ce hesped, qui relatera et qui mettra en valeur tout ce qui a valu que cette vie, à présent absente, a valu d’être vécue.

Il ne s’agit pas ici d’un rituel d’apparence, de ce que l’on appelle parfois « l’expression obligatoire des sentiments », mais bel et bien de maîtriser une propension: celle qui assimile la mort à une dévaluation de la vie puisque tous les signes de celle-ci ont disparu.
C’est à ce moment précis qu’à l’inverse d’une autre formule consacrée « le vif saisit le mort » et le projette dans le temps de la survie. Car qu’est ce qui mérite de survivre d’une existence sinon ce qui la hausse au dessus d’elle-même par tout ce que le défunt ou la défunte de son vivant a su accomplir et dont désormais il lui est fait inoubliable mérite…

Ce qui n’empêche pas la douleur de s’exprimer aussi. Abraham pleure son épouse ce qui témoigne à quel point ils furent attachés l’un à l’autre. Sans attachement il n’est pas d’arrachement. Les pleurs ici ne sont pas non plus de convenance. Ils marquent la réaction du corps face à ce qui désormais l’ampute d’une partie de lui- même. Une vie dite « commune » n’est pas constituée par la juxtaposition de deux vies parcellaires mais par leur symbiose au point de ne plus former qu’un seul être.

Et pourtant, au delà de cet arrachement pleinement exprimé et qui ne se limite pas à la durée « légale » du deuil, la vie doit à nouveau l’emporter, sachant qu’elle sera désormais, et plus que jamais, constituée par un avant et un après. La mémoire la plus inaltérable ne doit pas se confondre avec le deuil pathologique ni un décès avec une incurable blessure narcissique.

Cette différence vitale est indiquée par une particularité de la transcription du récit de Beréchit puisque dans le mot « velibcotah » la lettre caph apparaît de moindre dimension que les autres. Ce n’est pas l’indication d’une consolation prématurée mais d’ores et déjà l’injonction discrète d’avoir à continuer de vivre afin de poursuivre l’œuvre voulue par le Créateur, le Consolateur par excellence lorsque le temps est venu de comprendre vraiment que le règne de la mort est circonscrit et temporaire, qu’une âme ne meurt jamais pour peu que les vivants acceptent d’en préserver la lumière.

Raphaël DRAï

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« Ne prends pas une femme pour mon fils parmi les filles des Cananéens, au milieu desquels je demeure ». (Genèse 24, 3)

Eliézer, le fidèle serviteur d’Abraham, est chargé d’une bien délicate mission : son maître lui a demandé de trouver pour son fils, Isaac, une épouse digne de celui-ci !

La première condition exigée par Abraham, il le sait, est que cette femme croie fermement en ce Dieu unique que son maître a découvert et fait aimer autour de lui. Il s’en va donc à ‘Harane. Là certainement, ne serait-ce que dans la famille d’Abraham, parmi les membres auxquels son maître a appris à connaître Dieu, il trouvera pour Isaac une parfaite compagne.

Mais comment juger ? Comment choisir ? Comment reconnaître celle qui méritait de devenir la femme d’Isaac ? Sur quoi se baser pour rejeter une personne, ou au contraire, en retenir une autre ? C’est bien ce qui préoccupait Eliézer pendant tout son long voyage.

A son arrivée à ‘Harane, le fidèle serviteur, s’étant adressé à Dieu pour qu’Il l’aidât à trouver la solution du problème, eut soudain une inspiration : Lui, sa suite, ses chameaux, étaient très assoiffés après ce long voyage. Ils s’étaient donc arrêtés auprès d’un puits. Là, toutes les filles du village venaient puiser de l’eau et l’emporter à la maison.  » Eh bien, se dit Eliézer, je vais leur demander de m’offrir à boire. Celle qui, non seulement acceptera de me servir, mais se proposera aussi de puiser l’eau nécessaire pour mes chameaux, parce qu’elle aura compris qu’eux aussi sont assoiffés, celle qui aura assez de cœur et de courage pour faire cet effort et il est grand pour tant de chameaux ! mérite certainement de devenir la femme d’Isaac « .

Et les faits se déroulèrent effectivement comme Eliézer l’avait prévu la toute jeune Rébecca se proposa de puiser l’eau nécessaire, non seulement aux hommes, mais aussi aux bêtes. Ceci sous les yeux émerveillés d’Eliézer qui ne put s’empêcher, pour la remercier, de la combler de bijoux, avant même de se rendre auprès du père de la jeune fille pour lui demander sa main au nom de son maître.

Ce qui a entraîné le choix d’Eliézer, c’est le bon cœur de Rébecca, sa détermination à aider son prochain, à ne pas ménager sa peine pour lui, à servir même les animaux dans toute la mesure où ceux-ci en avaient besoin. En agissant ainsi, Rébecca avait prouvé qu’elle était digne d’entrer dans la famille du patriarche Abraham.

www.lamed

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