Quatre adolescents en lien avec l’État islamique viennent d’être arrêtés. Selon nos informations, près de 2.000 jeunes de moins de 18 ans sont signalés radicalisés en France.

Brillant élève et joueur de tennis émérite, ce lycéen venait de souffler ses 15  bougies le 9 septembre. Interpellé cinq jours après dans le XXe arrondissement de Paris par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) appuyée par des hommes du Raid, ce cadet du djihadisme a été mis en examen pour association de malfaiteurs terroriste en vue de commettre des crimes. Apparu dans le viseur des services de renseignements à la fleur de l’âge, cet Égyptien d’origine est soupçonné d’avoir ciblé des attaques au nom de Daech, avant d’y renoncer.

C’est le quatrième adolescent à tomber en une semaine dans les filets de l’antiterrorisme. Tous étaient sous l’emprise de Rachid Kassim, propagandiste virulent de Daech soupçonné de téléguider via la messagerie cryptée Telegram des attentats en France depuis la zone irako-syrienne. Le premier, un mineur de 15  ans mis en examen et écroué, projetait une attaque djihadiste en France. Arrêté à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), il avait lui aussi été repéré sur Telegram en lien avec Rachid Kassim.

Un adolescent de 15 ans allait passer à l’action pour semer la mort au hasard sur la Coulée verte de Paris

À la stupeur de son entourage, un apprenti djihadiste lui aussi âgé de 15 ans était à son tour appréhendé dans le XIIe arrondissement. Assigné à résidence depuis les attentats du 13 novembre et déjà visé par une fiche S, il a reconnu avoir voulu «mourir en martyr après avoir tué tout un tas de “kouffars” (mécréants)» à l’arme blanche. Il allait passer à l’action, pour semer la mort au hasard sur la Coulée verte de Paris.

Loin d’être des cas isolés, ces «lionceaux» embrigadés par l’État islamique semblent se multiplier en dépit des revers militaires de l’organisation terroriste en zone irako-syrienne. Selon un bilan du 15 septembre porté à la connaissance du Figaro, 1.954 mineurs sont signalés comme radicalisés en France. Soit 18 % du total des 11.912 individus détectés depuis la mise en place de la plateforme antidjihad en avril 2014.

Même si elle reste proportionnellement stable, la part des moins de 18  ans a explosé de 121 % par rapport à janvier dernier (882 cas). «L’action des services de renseignements est plus intense qu’elle ne l’a jamais été», a insisté le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, alarmé par le nombre d’«appels au meurtre lancés par un certain nombre d’acteurs en Syrie qui utilisent des moyens cryptés pour appeler des Français de plus en plus jeunes à passer à l’acte».

«Les mineurs français sont devenus la cible d’une technique dite de “saturation”, décrypte un haut responsable de la lutte antiterroriste. Souvent en situation d’échec scolaire et de rupture familiale liée au divorce des parents, ces jeunes déséquilibrés sont d’abord abordés dans la rue par un copain de copain qui, plein de fausse empathie, leur donne le hashtag de la chaîne cryptée Telegram de sergents recruteurs de Daech installés en Syrie mais aussi en France.»

Les jeunes filles plus nombreuses à être radicalisées

«Une fois en lien sécurisé et sous l’emprise mentale de “gourous” comme Rachid Kassim ou encore Omar Omsen, auteur de nombreuses vidéos de propagande à l’attention des adolescents, ils sont pilonnés par une centaine de messages par jour», témoigne ce spécialiste. «Comment es-tu habillée?», «Quelles prières as-tu faites ce matin?», «Qui as-tu rencontré?», «As-tu serré la main à un homme aujourd’hui?» «Ne sors pas seule»… Bien rodé, le lavage de cerveau est émaillé de discours enjôleurs exaltant le mythe d’un califat onirique, digne d’un conte des Mille et Une Nuits.

Selon les tableaux de bord de la Place Beauvau, les jeunes filles sont désormais plus nombreuses à être radicalisées que les garçons. Environ un millier d’entre elles seraient tombées dans la centrifugeuse. Un policier de haut rang explique cette féminisation du recrutement par le «kit de vie» que fait miroiter Daech à celles qui rêvent de rencontrer le prince charmant dans les zones de combats, de s’engager dans l’humanitaire et de fonder une famille pour repeupler un califat fantasmé. «Les filles sont davantage partantes car elles pensent qu’elles ne seront a priori pas envoyées au combat comme les garçons, précise-t-on au ministère de l’Intérieur. À la différence de ces derniers, elles n’ont pas le banditisme comme exutoire…»

Sur le plan judiciaire, le contentieux terroriste se traduit par la mise en examen de 37 mineurs et l’incarcération de onze garçons et trois filles. La mise sous écrou d’une adolescente de 16 ans interpellée début août lors d’un coup de filet antiterroriste témoigne de la volonté de l’État de tordre le cou à l’islam radical. Elle aussi était en contact avec Rachid Kassim. Tout comme une fille de 18 ans interceptée au même moment à Clermont-Ferrand.

«Nous recensons quelque 400  enfants français dans les zones de combats(…) dont un tiers nés sur place et qui ont donc moins de 4  ans»
Patrick Calvar, patron de la DGSI

Dans le chaos des zones de combats, le tableau n’est pas moins sombre. Selon nos informations, les services spéciaux ont recensé 17 adolescents parmi les 689  combattants volontaires français engagés sous la bannière de Daech. Six autres ont y trouvé la mort. Certains ont été mis en scène dans de macabres simulations d’exécutions, à l’image du fils putatif de Sabri Essid, ancien mentor du tueur de Toulouse Mohamed Merah, apparaissant à 12 ans dans une insoutenable vidéo où il exécute un «espion du Mossad» d’une balle dans la tête en criant «Allah akbar!».

Entendu le 10 mai dernier par la commission de la défense nationale du Palais Bourbon, le patron de la DGSI, Patrick Calvar, a révélé: «Nous recensons quelque 400  enfants mineurs dans la zone considérée (…) dont un tiers nés sur place et qui ont donc moins de 4  ans.» Selon l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat), ils seraient entre 130  et 140. «En proie à un traumatisme originel, ces très jeunes enfants ont absorbé la peur et la guerre comme des éponges, témoigne un analyste du renseignement. Même si l’État devra tout faire pour les récupérer, ils risquent de revenir en France avec un seuil de tolérance à l’ultraviolence qui n’aura rien à voir avec ce que l’on a jamais connu…» Outre les questions de légalité que soulèvera leur retour, Patrick Calvar a pointé de «réels problèmes de sécurité» car ces mineurs sont «conditionnés», «instrumentalisés par Daech» et «s’entraînent aux armes à feu».

«Dégoûtés du djihad»

Dans un rapport parlementaire consacré aux moyens de Daech, Jean-Frédéric Poisson et Kader Arif s’interrogent sur la reconnaissance de ces enfants et leur prise en charge: «Daech défait, les autorités locales les reconnaîtront-elles? Quel sera leur statut juridique?» Reprenant l’idée d’une «bombe à retardement», ils considèrent que «ces enfants ont vocation à rester sur place ou, s’ils sont nés de parents étrangers, pourraient revenir dans le pays de leurs parents». Avant de rajouter: «Dans les deux cas, il faut déterminer le régime juridique qui leur est applicable: quelle est leur nationalité? Quelle autorité est en mesure de leur délivrer un passeport ou même un certificat de naissance?»

Pour l’heure, les rares qui parviennent à sortir des griffes des unités combattantes sont revenus en France en se disant «dégoûtés du djihad». Ce fut notamment le cas de Yacine et Ayoub, deux Toulousains camarades de lycée de 15 et 16 ans partis en Syrie en janvier 2014 avant de se retrouver embringués à l’époque dans Jabhat al-Nosra, un groupe affilié à al-Qaida. Fin août, le parquet de Paris a ouvert une nouvelle enquête pour retrouver Ayoub. Aujourd’hui jeune majeur, il aurait réussi à rallier la Syrie en toute discrétion, via la Bulgarie puis la Turquie.

«Il ne faut pas croire que Daech n’a que des femmes et des enfants : c’est pour occuper le terrain»
Marc Trévidic, ex-juge antiterroriste

À l’image de l’Allemagne crépusculaire de 1945, Daech en perte de vitesse va-t-il recourir aux femmes et aux enfants pour poursuivre sa folle guerre contre les «croisés»? Rien n’est moins sûr. L’ex-juge antiterroriste Marc Trévidic l’a assuré sur France Inter: «Il ne faut surtout pas croire que Daech n’a que des femmes et des enfants: c’est pour occuper le terrain. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas des gens plus professionnels qui préparent des choses beaucoup plus graves.»

La haine et le fanatisme n’attendent pas le nombre des années. Elles infusent leur puissant poison dans les esprits les plus jeunes pour aboutir à l’indicible comme en ce jour de janvier dernier où, non loin de l’Institut franco-hébraïque de Marseille, un lycéen d’origine kurde a agressé à la machette un homme qui portait une kippa. Ayant agi au nom de Daech car, à ses yeux, les «musulmans de France déshonorent l’islam et l’armée française garde les juifs», celui qui était jusqu’alors jugé par des professeurs comme «bon élève apprécié de l’équipe pédagogique» a fêté ses 16 ans derrière les barreaux.

Par Christophe Cornevin
Mis à jour le 22/09/2016 à 19h24 | Publié le 22/09/2016 à 18h52

Le Figaro

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

1 Commentaire
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
André

«En proie à un traumatisme originel, ces très jeunes enfants ont absorbé la peur et la guerre comme des éponges, témoigne un analyste du renseignement. Même si l’État devra tout faire pour les récupérer, ils risquent de revenir en France avec un seuil de tolérance à l’ultraviolence qui n’aura rien à voir avec ce que l’on a jamais connu…»
————-

L’état devra tout faire pour les récupérer ??? Parce qu’il veut nous faire croire que ce sont des français ? Il se fout de notre gueule celui-là ou quoi ?
Et le peuple français, le vrai, il pense à lui demander son avis pour « récupérer » ces mahométans fanatiques et ultra-violents ?
On marche vraiment sur la tête avec tous ces « spécialistes » à la noix.