Face à tous les risques
Analyse : Les témoignages des Commandos qui ont mené le combat à Entebbe jettent de nouveaux éclairages sur le grand mystère qui entoure encore cette opération

Le livre « L’Opération Yonatan a la première personne » a été écrit pour combler une étrange lacune.

Jusqu’à ce jour, il n’y a pas eu d’enquête officielle sur lopération des Sayeret Matkalà Entebbe. On n’a jamais demandé aux Commandos, aux officiers des renseignements et des opérations, ainsi qu’au personnel de la logistique ce qu’est leur propre version des événements ni d’en fournir une officiellement pour être enregistrée. Après la mort de Yonatan Netanyahu, il était important pour son remplaçant, Amiram Levin, de montrer que tout restait encore sur le mode « Business as Usual » [les affaires continuent] pour les unités des Forces Spéciales. Et entre les funérailles du commandant et la prochaine opération importante suivante  à planifier quelques mois plus tard,il n’y avait pas de temps mort pour mener une enquête en profondeur sur l’opération qui s’est transformée en marque de fabrique pour cette unité d’élite. 

Le Département d’Histoire de l’Etat-Major Général de Tsahal a bien publié un document en novembre 1977, fondé sur une enquête partiale de l’opération, mais il est bourré d’erreurs et il lui manque des informations importantes.

Commandos from Sayeret Matkal with the Mercedes they used to deceive the Ugandans.

Commandos des Sayeret Matkal avec la Mercedes tutilisée pour tromper les Ougandais.

Qu’aucune investigation officielle n’ait jamais été menée est particulièrement étrange à la lumière du fait que l’Opération « Coup de Tonnerre » -le nom de code donné à cette mission de sauvetage – n’est certainement pas une opération dont Tsahal devrait avoir honte. Cela reste une des opérations commandos les plus importante de toute l’histoire des commandos. Plusieurs autres opérations s’en sont inspirées – certaines réussies (l’opération GSG-9 pour secourir les otages du Vol 181 de la Lufthansa à Moghadishu), et d’autres moins ou pas du tout (la tentative américaine de venir à l’aide des otages de l’ambassade américaine en Iran, en 1980) – mais il n’y a jamais eu de deuxième opération de la valeur de celle d’Entebbe. « Coup de tonnerre » est aussi probablement l’opération commando qui a été la plus couverte par des livres, des articles et des films sur le sujet.

Le caractère particulier du livre « L’Opération Yonatan à la Première Personne », dont des extraits sont publiés pour la première fois, c’est que des commandos des Sayeret Matkal ont chacun écrit leur propre version des événements, comme ils l’auraient fait dans un rapport officiel, sans aucune influence extérieure ni aucune censure.


 

Ce livre contribue à résoudre une partie du mystère qui continue d’entourer l’opération : comment elle a pu réussir? Comment a t-elle pu ressembler à quelque chose « d’étrange et de complètement improbable » ou à une « fiction hollywoodienne » (selon les Commandos des Sayeret Matkal), quelques jours à peine avant de se transformer en victoire impressionnante? Comment une opération réalisée en un endroit aussi éloigné et hostile, qui aurait normalement dû prendre des mois et parfois, des années à planifier, a pu être façonnée et mise sur pied en à peine 48 heures?

Les réponses à ces questions, comme l’indiquent les témoignages présents dans ce livre, sont une combinaison de plusieurs facteurs et de plusieurs raisons.

D’abord : le facteur humain. Il ne fait aucun doute que beaucoup de choses risquaient d’aller de travers, pouvant conduire l’opération toute entière à tourner au désastre. D’un autre côté, le fait que les Sayeret Matkal qui avaient pour mission de relever ce défi compliqué – disposaient de l’expérience, d’outils à sa disposition et d’un personnel brillant par son excellence – a réduit la marge d’erreur à son minimum.

Lors de l’une de nis conversations, Yiftach Reicher-Atir – à l’époque, le Commandant-adjoint de l’unité, qui dirigeait la force qui a déferlé au premier étage du Terminal, quand les soldats ougandais s’y trouvaient ( ainsi que le rédacteur du livre) – a comparé les Sayeret Matkal à une pyramide inversée. C’est une unité d’élite avec un personnel de qualité à sa disposition et « quand toutes les ressources de l’Etat sont focalisées sur un jour, une heure, une minute spécifiques… le haut de la pyramide pointe la cible et tout le reste pousse au-dessus. A la fin, le sommet de la pyramide percera la cible, cela ne fait aucun doute ». Reicher-Atir parlait de l’élimination d’Abu Jihad (Khalil al-Wazir, le cofondateur du Fatah, tué par l’unité à Tunis en 1988), mais ses paroles s’appliquent aussi bien à l’Opération Entebbe.

 

Yiftach Reicher-Atir (Photo: Tzvika Tishler)

Yiftach Reicher-Atir (Photo: Tzvika Tishler)

 

Deuxièmement : l’élément de surprise.  Israël s’est laissé surprendre par la capacité de Wadie Haddad à détourner un avion et à le faire voler vers un endroit comme l’Ouganda. Mais l’effet de surprise marche aussi en sens opposé. A cause de la grande distance séparant ce pays d’Israël, il apparaît que les pirates de l’air et les soldats ougandais n’imaginaient pas qu’Israël envisagerait seulement une opération de sauvetage. Dans d’autres opérations, à l’intérieur d’Israël, quand les Sayeret opéraient dans des conditions éminemment plus favorables, cela a parfois échoué. Le raid d’octobre 1994, contre la maison où le soldat de Tsahal Nachshon Wachsman était détenu s’est terminé de façon complètement différente, même si l’opération était menée par lamême unité sous le même Premier Ministre. Cela résulte, entre autres chose, du fait que les kidnappeurs étaient extrêmement méfiants.

Troisièmement : les renseignements. L’officier des renseignements de l’unité, Avi Weiss (Livneh) fourtnit aux lecteurs un compte-rendu hautement professionnel de la façon dont le renseignement pour les opérations doit être recueilli en général et comment il a été réuni à la lumière des difficultés énormes dans cet exemple précis. En fait, les commandos ont quitté Israël en vue de l’opération, dotés d’une information ancienne de deux à trois jours et ils ne disposaient d’aucun moyen de savoir si quelque chose avait changé dans l’intervalle (par exemple, si les kidnappeurs avaient déplacé les otages vers un autre bâtiment). D’un autre côté, le recueil de renseignements précédant l’Opération d’Entebbe exigeait de l’ingénuité et d’être plein de ressources, pour rassembler des cartes et de données provenant d’Israéliens qui avaient travaillé en Ouganda les années précédentes et les envoyer à David, un agent secret du Mossad et un pilote, afin qu’il prenne des photographies du terminal depuis le ciel.

Quatrièmement : le haut commandement militaire et les cercles dirigeants politiques. Ce sont ceux qui ont porté cette responsabilité, chacun dans son propre domaine, et ce sont ceux qui auraient porté le fardeau de l’échec sur leurs épaules, si l’opération ne s’étaient pas déroulée conformément au plan prévu. Après le décollage des avions Hercules pour Entebbe, Rabin a demandé à son chef d’Etat-Major, Amos Eran, de lui rédiger une lettre de démission pour lui – au cas où l’opération échouait : « Qu’est ce que vous considérez comme un échec? » lui a demandé Oran. « Plus de 25 morts », lui a répondu Rabin.

Au début, Rabin était convaincu que l’Opération serait impossible à conclure. Il a changé d’avis du fait de quelques bonnes raisons, dont la pression menée par son Ministre de la Défense, Shimon Peres et des bribes de renseignements qui lui revenaient. Mais, par-dessus tout, cela dépendait de la confiance des Commandants en leur capacité de mener l’opération à bien. Le plus important, parmi eux, était probablement le Commandant des Sayeret Matkal, le Lieutenant-Colonel Yonatan Netanyahu, à qui ce livre est dédicacé.

La mémoire de Netanyahu a subi plusieurs coups bas, depuis l’Opération, à cause de questions d’ego et de politique. Cela a été le cas, quand l’enquête la plus complète et approfondie sur l’opération, écrite par son frère Iddo, a été présentée de façon injustifiée comme une version déformée des événements. Cela a aussi été le cas  quand certains ont essayé de minimiser la participation de Netanyahu à la planification et à la conduite de l’opération. Un commentateur Monsieur-Je-Sais-Tout qui exècre le Premier Ministre et frère de Netanyahu (le héros), s’est surpassé en écrivant encore et encore que Yoni était sur le point d’être relevé de son commandement et que l’Opération Entebbe et sa mort qui en a été la conséquence, lui auraient été épargnées, s’il s’en était tenu à cela. Excepté que ce n’est pas vrai du tout. Le chef de l’AMAN (les Renseignements Miliaires de Tsahal), à l’époque, leGénéral-Major (retraité) Shlomo Gazit, l’un des meilleurs et des plus intègres parmi les chefs de la communauté du renseignement israélien, a témoigné à ce sujet, au début de ce mois. « Il y avait des désaccords au sein de l’unité. J’ai appelé Yoni à une réunion, mais il n’était pas question de relever qui que ce soit de leur commandement », a t-il attesté.

Le livre traite du rôle de Netanyahu et de sa contribution vitale au succès de l’opération, entre autres choses. « Yoni marchait dans l’allée à découvert, d’où il commandait ses troupes, la tête haute », écrit Omer Bar-Lev. « C’était le bon endroit où devait se trouver le commandant du raid. S’il s’était déplacé plus près du bâtiment, son angle de vision aurait été limité, comme l’aurait été sa capacité à commander ses forces. Ce sont ces précieuses secondes qui, parfois font toute la différence entre la réussite et l’échec. La charge rapide de Yoni est ce qui a motivé le commando ». Les différents témoignages montrent aussi que presque tous les commandos pensent que la décision de Netanyahu de risquer de perdre l’effet de surprise  en tirant sur les gardes ougandais était la bonne chose à faire – et pas seulement avec le recul.

Quarante ans après, les témoignages des soldats qui ont mené l’assaut à Entebbe, démontre, plus que n’importe quoi d’autre, la différence entre une opération commando qui tourne au fiasco et une autre dont on se souvient de façon légendaire.

Ronen Bergman|Publié le :  27.06.16 , 20:01

Dr. Ronen Bergman est le correspondant en chef des affaires militaires et de renseignement du Yedioth Ahronoth. Suivez-le sur Twitter @ronenbergman

ynetnews.com

Adaptation : Marc Brzustowski.

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IohananHaïm

« La décision de Netanyahu de risquer de perdre l’effet de surprise en tirant sur les gardes ougandais était la bonne chose à faire »

Quoi Sayeret Matkal n’était pas foutue d’avoir des silencieux ?

david

miracle. pas pour tout le monde. il n’y a pas de quoi pavoiser.
une pensée pour tous ceux qui ne sont pas revenus.

rc

les miracles cca existent,DIEU est grand