Deux millions de fidèles dont 1,4 million d’étrangers sont attendus, d’ici à mardi, à La Mecque (Arabie saoudite), pour y accomplir le pèlerinage de leur vie.

Vu de France, le hajj, rêve de tout musulman, n’a pourtant rien d’une sinécure : visas en retard, prestations inégales… Le grand voyage peut facilement virer au cauchemar. Cette année encore, ils seront entre 20.000 et 30.000 fidèles venus de France, où vit la première communauté musulmane d’Europe, à se rendre à La Mecque pour ce qui constitue le cinquième pilier de l’islam. Tout musulman qui en a la capacité financière et physique se doit d’accomplir, au moins une fois dans sa vie, ce pèlerinage sur les lieux saints d’Arabie saoudite. Un déplacement qui revêt la plus grande importance, au plan spirituel, bien sûr, mais aussi au plan financier : selon la durée du voyage et son « standing », l’investissement peut en effet s’élever de 4.000 à 8.000 euros par personne.

Sur le papier, l’organisation semble réglée au millimètre près : une quarantaine d’organisateurs de pèlerinage reçoivent l’agrément des autorités saoudiennes. Libres à elles, ensuite, de « revendre », si elles le veulent, une partie de leur quota à des sous-traitants. La qualité de l’offre étant très inégale et de fréquents abus étant rapportés, une charte de qualité a été mise en oeuvre, l’an dernier, pour mettre un peu d’ordre dans le secteur : information préalable du voyageur, assistance administrative et sanitaire, vérification de sa satisfaction…

Sur le papier, tout est prévu pour que ce qui peut être le rêve et le but d’une vie ne tourne pas au cauchemar. « Un premier pas encourageant », a estimé, en juin, lors du lancement de l’instance de dialogue avec l’islam, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, avant d’ajouter : « Néanmoins, trop de pratiques commerciales abusives ont encore cours. Trop de prestations sont d’une qualité insuffisante au regard de la réglementation française ».

Des escrocs bien organisés

Des escrocs bien organisés Les mots sont faibles, à en croire Fateh Kimouche (Al-Kanz). Blogueur en pointe sur l’« économie islamique », ce spécialiste, coauteur d’un « Guide du hajj sans souci », affirme, lui, que « des agences peu scrupuleuses continuent de détrousser par centaines des prétendants au hajj, épaulées par des rabatteurs qui écument les mosquées et les marchés ». Sur son site, les témoignages de mécontentement ne manquent pas, tel celui de ce fidèle dont le voyage vient d’être annulé par une agence qui « a pris le risque de s’engager avec 400 clients » alors que son quota était de 273 visas… « Le responsable est parti en hajj l’esprit tranquille, sans prendre la peine de prévenir une centaine de personnes », peste le client.

Au-delà des visas, les critiques concernent l’hébergement, quand les pèlerins se retrouvent dans des hôtels bien plus éloignés de la grande mosquée de La Mecque ou de moindre catégorie qu’annoncé. « Les choses s’améliorent doucement, le système est plus rationnel », veut croire Bernard Godard, l’un des artisans de la charte de qualité au ministère de l’Intérieur, où il a longtemps été le spécialiste de l’islam. « Il y a davantage de professionnalisme de la part des agences de voyage spécialisées, et les fidèles sont plus vigilants, comme pour le halal. »

Un marché à assainir

Le nouveau président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Anouar Kbibech, fait de l’amélioration de l’organisation du hajj un de ses « dossiers prioritaires ». Il souhaite la création rapide d’un « pavillon français » sur les lieux saints saoudiens afin que « les pèlerins puissent avoir un interlocuteur en cas de problème », et « se concentrer sur le rite plutôt que sur la logistique ». Un autre dirigeant du CFCM, Abdallah Zekri, juge, de son côté, qu’« il reste encore beaucoup de travail à faire pour assainir la situation ». « Le hajj depuis la France est le plus coûteux en Europe ! » déplore-t-il. « Il faut mieux réguler le marché, et l’État doit s’en occuper. »

© Le Télégramme – 

Pèlerinage à la Mecque : gare aux arnaques

Malgré les appels à la prévention, le pèlerinage à la Mecque pourrait encore rimer cette année avec arnaque. Faute de visas non délivrés, une centaine de Comoriens de Marseille s’était retrouvée bloquée en 2006 à l’aéroport de Marignane. Le voyage de toute une vie gâchée par des intermédiaires peu scrupuleux promettant monts et merveilles aux candidats au départ.

Moins spectaculaire depuis un renforcement du contrôle des visas en 2009, le “business frauduleux” existe toujours, constate Nasséra Benmarnia, présidente d’honneur de l’union des familles musulmanes des Bouches-du-Rhône. “Les pèlerins se font encore avoir, car lorsqu’on leur parle religion et foi, ils n’imaginent pas que derrière ce voyage sacré, il puisse y avoir une arnaque”.

Une année à haut risque

Des escroqueries de plusieurs milliers d’euros sous forme de tromperie sur la marchandise (surbooking dans les hôtels) ou encore d’absence de visas payés à l’avance. “Le quota français de visas est épuisé” prévient Benabdellah Soufari. Une mise en garde du président de l’association France Hadjj, car il sait que les intermédiaires continuent d’essayer d’en vendre aux musulmans.

“À cause des grands chantiers à La Mecque, l’Arabie Saoudite a délivré moins de visas cette année (22 000 contre 30 000 en moyenne). Pourtant à la sortie des mosquées certains prétendent en avoir. C’est un leurre, car la quarantaine d’agences agréées (une quarantaine en France) m’a précisé qu’ils avaient tous été vendus”.

Une année à haut risque selon lui car plusieurs agences parisiennes lui auraient annoncé que plus de 2000 pèlerins se retrouvent actuellement “sur la paille”. Pour éviter ce genre de désagrément, les autorités musulmanes de France conseillent aux candidats au pèlerinage de se méfier des formules douteuses et de ne surtout pas laisser son passeport et de l’argent sans retour contractuel

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