Wikipédia De gauche à droite: Raghib al-Nashashibi, Mohammed Amin al-Husseini, Ahmed Hilmi Pasha, directeur général de la Jerusalem Arab Bank, Abdul Latif Bey …

Le lutte des clans en Palestine

30 juillet 2019

guerre clans.jpgOn trouve dans les archives du Grand Orient de France qu’un certain Ragheb Mashashibi a été initié franc-maçon palestinien[1] dans la loge Barkaï de Jaffa, le 26 avril 1914. Il y avait à cette époque un leader important nommé Ragheb Nashashibi. La similitude des patronymes entre Mashahibi et Nashashibi n’était pas fortuite. Les recherches ont montré qu’il s’agissait du même homme.

Les archives du Grand Orient sont parfois approximatives dans les orthographes des noms étrangers manuscrits mais les détails ne laissent aucun doute.

Les questions religieuses et ethniques ne se posaient pas en loge ; en 1915, sur 157 membres connus on estime qu’il y avait à Barkaï 70 musulmans, 52 chrétiens et 34 juifs qui réfléchissaient et travaillaient en commun sur le vivre ensemble, sur les problèmes de santé (ils furent à l’origine de la construction d’hôpitaux), sur le tramway à Jérusalem qui verra le jour cent ans plus tard, sur l’électrification du pays, sur l’éducation alors monopolisée par les congrégations religieuses.

Ragheb Nashashibi, chef du clan Nashashibi à l’époque a été un personnage politique influent tout au long de la période du mandat britannique, et au-delà. Il avait été député de Palestine dans l’empire ottoman, il était maire de Jérusalem en 1920, il a formé le Parti National Arabe Palestinien en 1928 et le Parti de Défense Nationale en 1934.

En 1936, il a rejoint le Comité Arabe Supérieur, formé à l’initiative d’Amin al-Husseini, cependant il en démissionna très vite avec le Parti de la Défense nationale et ses alliés des clans Khalidi et Dajani.

La famille Nashashibi a eu une forte influence dans les affaires palestiniennes pendant la période du mandat britannique, de 1920 à 1948. Les Nashashibi ont rivalisé avec le clan Husseini pour la direction des affaires politiques arabes palestiniennes. Les opinions de ces deux familles étaient opposées.

Les Husseini étaient appelés majlisin, terme dérivé de al-majlis al-islami al-a’la, le Suprême Conseil Musulman. Ils représentaient les grandes familles de propriétaires terriens et la hiérarchie religieuse. Ils étaient surnommés par la gauche palestinienne « féodaux-cléricaux ». Ils étaient partisans de l’Allemagne nazie.

Les Nashashibi étaient les mu’aridin ce qui veut dire opposants. Représentant la bourgeoisie arabe, ils étaient modérés, nationalistes mais humanistes. Ragheb Nashashibi était favorable à une fédération jordano-palestinienne qui inclurait le foyer juif. Ils respectaient le mandat britannique.

Les prises de positions anglaises en faveur des Husseini ont été déterminantes.

En Palestine mandataire, l’armée britannique assurait la gestion du territoire. Ses sentiments à l’égard du mouvement sioniste étaient très ambigus.

Le Colonial Office qui craignait une alliance judéo-arabe, avait fait capoter l’accord de coopération Fayçal-Weizmann[2]. Il s’est allié au pronazi Amin el Husseini[3] qui a fait assassiner le roi Abdallah de Jordanie.

Comme Fayçal, comme la Première Conférence Palestinienne de 1913, Abdallah considérait que : « c’était la Providence qui avait dispersé le peuple juif à travers le monde occidental, pour lui permettre d’assimiler la culture européenne et de la rapporter au Moyen-Orient afin de redonner vie à cette partie du monde »[4].

Le haut-commissaire anglais, Sir Herbert Samuel libéra de prison Amine el Husseini qui avait organisé des violences contre les Juifs et contre les Anglais. Husseini avait servi comme officier turc pendant le génocide arménien[5], contribué au coup d’état nazi en Irak.

Bien qu’il n’en n’ait pas eu les qualifications religieuses et qu’il n’ait pas remporté les élections, Sir Samuel le nomma Grand Mufti de Jérusalem à la place du consensuel député-maire de Jérusalem, Ragheb Nashashibi, chef de la famille rivale, nationaliste palestinien modéré.

Il est manifeste que nommer Al Husseini à ce poste, avec tous les titres religieux qu’il accumulait, représente une stratégie britannique pour transformer en guerre de religion la lutte entre les Arabes et les Juifs de Palestine[6].

Cette nomination fut une catastrophe qui a laissé des traces jusqu’à aujourd’hui. Les Britanniques qui « penchaient pour l’exclusion du Sionisme en Palestine » encouragèrent les Arabes à attaquer les Juifs[7].

Le mufti lança la rumeur qui accusait les Juifs de vouloir détruire les lieux saints musulmans (elle a toujours cours de nos jours), Il appela à la violence contre les juifs, les francs-maçons et les familles palestiniennes rivales. C’est lui qui lança la croyance disant qu’« un musulman qui tue un juif ira au paradis »[8].

Ce fut la lutte des majlisin, les partisans du mufti contre les mu’aridin. Des centaines de leaders appartenant à onze clans palestiniens furent assassinés par les Husseini.

Il y eut des émeutes et des massacres, les premiers bus sautèrent avec leurs passagers, des temples maçonniques furent incendiés, de nombreux francs-maçons arabes et juifs furent assassinés[9] par les Husseini. Les hommes de main des Husseini pendirent et mutilèrent les francs-maçons arabes, laissant exposés leurs cadavres avec un écriteau « Vendu aux Juifs ».

C’est à cette période que se constitua une alliance entre les juifs et les modérés arabes qui formèrent les « Unités Nashashibi » appelées aussi « bandes de paix » (fasa’il al-salam). Elles furent désarmées par les Anglais et arrêtées[10].

Le clan Nashashibi fut décimé. Le chef des bandes de paix, l’avocat Fakhri el Nashashibi, a été assassiné. Les troubles firent 5.800 tués, 15.500 blessés et 112 condamnés à mort exécutés par les Anglais.

Les Husseini tentèrent à plusieurs reprises d’assassiner Ragheb Nashashibi. Il se réfugia en Jordanie et fut nommé ministre d’Etat par le roi Abdallah. Il est décédé en 1951. Une rue de Jérusalem porte son nom, étrange coïncidence, au n° 15 de cette rue se trouve le consulat britannique.

Le mufti devint un allié fidèle d’Hitler. Il fut nommé par le führer premier ministre du gouvernement panarabe. Il a recruté deux divisions SS musulmanes dont les atrocités selon Bat Ye’or choquèrent même les allemands[11].

On a « oublié », aussi bien en Israël qu’en Palestine, le combat des clans palestiniens, le rôle perfide de l’Allemagne nazie, de la Grande Bretagne et même de la France. Recherché comme criminel de guerre, Husseini fut arrêté par la 1ère armée française le 5 mai 1945.

Il obtint le statut de réfugié politique. Placé en résidence « surveillée » il prit l’avion régulier pour le Caire le 28 mai 1946, exactement comme cet autre disciple des Frères Musulmans et de Sayyid Qubt[12], l’iman Khomeiny.

Führer auto proclamé du monde arabe, il poursuivi son combat contre les juifs. Le 30 Septembre 1948, un état palestinien a été créé à Gaza par la ligue arabe sous la présidence d’Husseini alors que la guerre avec Israël faisait rage. Etat fantoche, ne représentant qu’un clan, il fut dissous par l’Égypte qui envahit Gaza.

Pourquoi revenir maintenant sur cette histoire ?

L’américain Jared Kushner a présenté le premier volet d’un plan de paix entre Israéliens et Palestiniens. Projet de « plan Marshall » avec un investissement de 50 milliards de dollars sur dix ans.

Selon les États-Unis, c’est le minimum pour relancer l’économie de la région et bâtir des infrastructures décentes. Il prévoit de réaliser un état palestinien prospère, une sorte de nouveau Singapour.

Ce plan a été par principe rejeté d’office par les dirigeants palestiniens. Ceux-ci, du Hamas et de l’Autorité Palestinienne, sont les continuateurs du mufti, des majlisin, des féodaux-cléricaux. Yasser Arafat, neveu d’Husseini était son disciple et son héritier.

Les dirigeants palestiniens ont continué sur sa lancée, refusant d’examiner toute solution qui apporterait bien être, prospérité et paix à leur population. Ils préfèrent maintenir celle-ci dans la misère, l’insécurité, le martyre et la dépendance.

Ils ont assassiné tous les leaders palestiniens qui voulaient le bonheur de leur peuple, ceux qui voyaient plus loin que le bout de leur kalachnikov : le roi Abdallah de Jordanie, Fakhri el Nashashibi, Saïd Hammami, Ezzedin Kalak, le docteur Issam Sartaoui, Abu Iyiad[13], Anwar el Sadate et tant d’autres partisans du dialogue.

Un meilleur avenir pour le Proche-Orient doit passer par un « Printemps Palestinien », le retour aux affaires des mu’aridin, des tribus palestiniennes plus ouvertes. Il faut des élections libres telles qu’elles auraient dû se tenir depuis dix ans.

Ces élections ont été supprimées par les dictatures de l’Autorité Palestinienne et du Hamas, soutenues par la France et l’Union Européenne. Lesquelles dictatures ont été attaquées à la Cour Pénale Internationale par leur propre population pour répression soutenue de l’opposition pacifique, tortures et exécutions sommaires[14].

Il est temps que revienne le temps où Juifs et Palestiniens pouvaient s’entendre, et même combattre ensemble contre le nazisme.

S’il y avait une réelle volonté de paix, la France et l’Union Européenne cesseraient d’apporter un soutien sans faille à ces dictatures et aiderait les humanistes et démocrates arabes, en particulier à l’ONU[15]. Mais ça … KF♦

Klod FrydmanKlod Frydman, MABATIM.INFO

[1] Palestinien de la Palestine du mandat britannique.
[2] Cet accord signé en 1919 marque l’approbation de l’émir pour la déclaration Balfour et pose les jalons d’une coopération entre les Juifs et les Arabes au Proche-Orient, mais l’émir Fayçal y mit une condition : que la grande nation arabe soit formée. Or les territoires arabes du Levant ne seront jamais réunifiés. Britanniques et Français ont dépecé la région à la conférence de San Remo d’avril 1920 et au Traité de Sèvres d’août 1920. Ayant récupéré le mandat sur la Syrie et le Liban, les Français chassèrent l’émir Fayçal de Damas.
[3] La société palestinienne est une structure tribale. C’est une hiérarchie basée sur la famille, le clan et la tribu. Les tribus étaient souvent rivales, pouvant aller jusqu’à la guerre. Globalement, face aux juifs, les tribus ont eu des attitudes différentes, les Husseini par exemple étaient antisémites et partisans du panarabisme et de l’hitlérisme, les Nashashibi étaient modérés et recherchaient le compromis, les Abu Gosh ont privilégié leurs terres que voulaient s’approprier les Husseini. Ils ont aidé le jeune état israélien. (Hélène Jaffiol – Slate, 24 mai 2012).
[4] Golda Meir : Ma vie – Robert Laffont, 1975. Elle avait longuement négocié avec le roi Abdallah et noué avec lui une vraie amitié. Abdallah considérait qu’Husseini était l’ennemi commun, l’avenir a prouvé qu’il avait raison.
[5] http://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/. A son retour en Palestine, Amin Al-Husseini ramène avec lui la leçon du génocide et la vision de diriger un Empire Panislamique, où Juifs et Chrétiens ne seraient pas tolérés.
[6] Cette stratégie avait déjà été employée par Lawrence durant la révolte Arabe, il avait choisi les Hachémites comme chefs, car ils étaient descendants du prophète (Les mémoires d’Issa al-Issa – p.114).
[7] Journal du colonel Richard Meinertzhagen, ancien chef du service de renseignements britanniques au Caire, et plus tard principal représentant politique en Palestine et en Syrie.
[8] « Mémoires du Mufti ». P.164.
[9] Roger Nicolet – Historique G.L. Palestine, n° 17. Parmi les francs-maçons assassinés on trouve Ahmed Nahif, Mohamed Saïd al-Chanti, Mustapha Darwish et Abraham Arwatz, Haïm Zelikow, Walter Mouftah, Jacob Eliahu Mizrahi.
[10] Le soutien britannique au mufti était réel : dès juin 1936, plus de 9 internés sur 10 du camp d’internement du Sinaï étaient membres du Parti de la défense, fondé en 1934 par le clan des Nashashibi, alors que les proches du clan Husseini étaient systématiquement relâchés.
[11] Bat Ye’or, Juifs et chrétiens sous l’Islam, Les dhimmis face au défi intégriste, p.209-210. Ed Berg international.
[12] Sayyid Qubt (1906-1966). Frère Musulman, théoricien du djihadisme. Son but était d’islamiser la société. Ses préceptes sont toujours appliqués par les mouvements islamistes radicaux. Il fut pendu sur ordre de Nasser.
[13] Saïd Hammami, journaliste, représentant l’OLP en Grande Bretagne, militait pour une solution à deux états. Il fut assassiné par Abu Nidal le 4 janvier 1978. Ezzedin Kalak assassiné à Paris le 3 août 1978. Issam Sartaoui, assassiné le 10 avril 1983 par le Fatah-CR, participa avec Pierre Mendès-France au Conseil pour la Paix. Uri Avnery lui a consacré un livre « mon ami l’ennemi ». Abou Iyiad, chef des services de renseignements, responsable du tournant de l’OLP pour la reconnaissance d’Israël, fut assassiné le 14 janvier 1991.
[14] Voir Chronique PalestineHuman Rights WatchAmnesty International
[15] Le 26 juillet 2019, la France avec l’Iran, le Yémen, le Pakistan, l’Arabie Saoudite et tous les pays où règne la charia a voté à l’ONU une résolution surréaliste qui condamne Israël comme étant le seul pays au monde qui ne respecte pas le droit des femmes.

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David

Intéressant certes mais reste la confusion concernant le terme « palestinien » . Avant le mandat britannique il n’existait pas de peuple « palestinien » mais des Arabes de l’empire Ottoman. Après 1919 ils sont devenus des Arabes de la Palestine mandataire comme les juifs de Palestine. Il n’y a jamais eu de peuple palestinien. Pas un seul « palestinien » n’est venu plaider sa cause à la Conférence de la Paix de Paris en 1919. Le 27 février 1919 Haim Weitzmann y a défendu la cause des sionistes. Depuis le vote des Nations Unies le 29 novembre 1947 le terme « palestinien » est inapproprié. Ce vote signifiait la fin du mandat britannique donc de la Palestine mandataire. Restent des Arabes de Judée Samarie, de Jérusalem et de Gaza.

Charles Kamoun

Cet article dénote une profonde méconnaissance de l’histoire voire un pacifisme béat.
Comme en attestent de nombreux documents relatifs à la démographie de la Palestine jusqu’à la fin du 19ème siècle, le pays était quasiment désert et désolé (voir par exemple les écrits de Lamartine à ce sujet). Le célèbre démographe hollandais Adriano Relandi mentionnait même au début du 18eme siècle dans son « Palaestina ex Monumentis » une majorité juive en Palestine, les chrétiens venant en second et les musulmans étant de très loin minoritaires voire inexistants. Même Gaza était en majorité juive. Les familles arabes mentionnées dans cet article ont été déplacées en Palestine par les Ottomans pour contrer le retour des juifs sur leur Terre (les Husseini par exemple ont été déplacées d’Egypte).
Il n’y a jamais eu d' »âge d’or » entre arabes et juifs et cela vaut pour la Palestine autant que pour l’Espagne des Omeyyades. Il n’y en aura jamais car cela est contraire au culte coranique de la mort et du jihad. De même qu’ill n’y aura jamais de paix en Israël tant que ces colonisateurs arabes ne seront pas renvoyés vers leur pays d’origine (Egypte, Iraq, Albanie,…).

Klod Frydman

Merci Schlomo de ce témoignage vécu. Allons nous enfin sortir de cet héritage du mufti ?

thierry amouyal

excellent texte tres instructif, Israel doit agir pour aider les arabes pacifiques

Shlomo Khalifa

Tout à fait d’accord, Thierry Amouyal. En effet, en tant qu’ancien élève du « Collège des Frères » à Jérusalem, puis du « Lycée Saint-Georges », – au temps du mandat britannique -, j’ai connu de nombreux élèves portant les différents noms signalés dans l’article.
Effectivement, certains étaient amicaux à l’égard des Juifs, tandis que d’autres affichaient en permanence, envers ces derniers, un regard sévère voire haineux.
Contrairement donc à ceux des Israéliens qui n’ont pas eu l’occasion de connaître des Palestiniens pacifiques AVANT la re-naissance de l’Etat d’Israël le 15 Mai 1948, j’éprouve, depuis cette date, du chagrin envers ceux de mes anciens camarades de collège et de lycée qui auraient éventuellement subi des dommages graves liés aux bouleversements socio-politiques provoqués à l’époque par le Mufti de Jérusalem et ses militants, tous alliés des Nazis hitlériens.