Au cœur des négociations sur le nucléaire iranien, la France se présente comme un partisan de la modération entre Washington et Téhéran par Alexandre Del Valle

Atlantico : Un article du Monde révèle notamment qu’en Juin, dans un Conseil de défense, il a été demandé aux services secrets français, pour faciliter le dialogue avec Téhéran, de mettre en sourdines leurs inquiétudes sur ce qu’il qualifie de « terrorisme d’Etat ».
Quel est ce « terrorisme d’Etat » iranien et dans quelle situation Téhéran l’utilise-t-il ?

Alexandre del Valle : Le « terrorisme d’Etat » iranien est piloté bien-sûr par le guide suprême, ensuite par les Pasdaran qui sont les gardiens de la révolution islamique, les brigades Al-Qods et bien-sûr les services secrets iraniens de la Vevak.

Ce sont de manière générale plusieurs structures qui sont liées au dur, du régime iranien au guide et aux Pasdaran.

Les structures paramilitaires des services qui pilotent le « terrorisme d’Etat » iranien sont les mêmes qui donnent des ordres au Hezbollah, le fameux Hezbollah libanais, mais également d’autres structures qu’on appelle parfois « Hezbollah international » et d’autres brigades qui peuvent faire du terrorisme pour l’Etat iranien mais sans en avoir l’air.

Par exemple, quand il y a eu des attentats en France, c’était par des terroristes plus ou moins liés au Hezbollah et quand il y a eu des attentats en Argentine contre la communauté juive et l’ambassade d’Israël – les plus grands attentats jamais commis en dehors du Moyen-Orient par l’Iran -, cela ne venait pas directement de l’Iran mais Imad Moughniyah et c’était donc lié au Hezbollah.

En bref, le « terrorisme d’Etat » iranien existe, mais le gouvernement iranien est suffisamment malin pour ne pas commettre directement d’attentats et, au cas où l’on remonte la piste, le délègue à des groupes plus ou moins autonomes officiellement de l’Iran. Ce n’est donc jamais l’Iran directement.

Le 30 juin, un attentat à Villepinte, attribué à Téhéran, et qui visait les Moudjahidines du peuple, a été déjoué. Est-ce un exemple du « terrorisme d’Etat » iranien ?

Exemple de « terrorisme d’Etat » iranien : oui et non. Il s’agit bien de « terrorisme d’Etat » mais pas contre la France : c’est un terrorisme d’Iraniens contre d’autres Iraniens.

L’idée de l’Iran c’est que les Occidentaux encouragent une secte qui est en même temps une milice terroriste, un peu comme les Kurdes du PKK pour les Turcs.

En effet, le fait que l’Europe, et en particulier l’Allemagne, défendent les Kurdes du PKK constitue pour la Turquie une immixtion très grave dans leurs affaires internes.

C’est un peu similaire dans le cas des Moudjahidines du peuple : les Etats occidentaux hébergent et aident les Moudjahidines du peuple depuis des années comme s’ils étaient des gens respectables alors qu’ils sont les ennemis du régime iranien actuel et n’est pas un ami de l’Occident. Il s’agit d’un mouvement très radical, totalitaire et dangereux.

Cela pose donc un vrai problème parce que le fait de défendre cette organisation, qui n’est pas militante des droits de l’homme de base mais un mouvement qui perpètre des attentats en Iran et qui a essayé de faire naître une contre-révolution, les pays européens se mettent en porte à faux avec le régime iranien.

En somme, il ne s’agit pas d’un « terrorisme d’Etat » iranien contre les intérêts français mais du fait que le régime totalitaire iranien a voulu intimider, en faisant exploser 500g de TATP, les Moudjahidines, leur faire peur, tuer des personnes présentes.

L’idée était donc de faire en sorte que les opposants proches des Moudjahidines aient peur de mener leurs activités de propagande anti-régime iranien depuis la France.

Cet attentat est tout à fait condamnable, et heureusement il a pu être déjoué grâce aux services du Mossad qui nous ont donné l’information, mais il ne faut pas croire ce sont des anges.

Les Moudjahidines du peuple ont organisé la révolution islamique avec Khomeini et ensuite ils ont eu une mésentente avec le régime : il s’agit même de l’aile la plus révolutionnaire de la révolution islamique, que l’on appelle les « islamo-marxistes ».

Aujourd’hui, non seulement il y a une opposition entre le régime iranien actuel et les Moudjahidines du peuple mais il y a aussi une opposition à l’intérieur du régime entre des plus ou moins réformateurs ou pacifistes, incarnés par le président Rohani, et de l’autre côté les durs, autour du guide et des Pasdaran.

Les Pasdaran et le guide n’étaient pas intéressés par l’accord sur le nucléaire tandis que le président iranien l’était.

C’est dans ce contexte que les renseignements français ont été priés de modérer leur discours sur le « terrorisme d’Etat » iranien, car dans le cadre des négociations les Iraniens étaient d’accord pour que la France serve d’intermédiaire pour trouver une autre solution mais demandaient à ce qu’elle n’évoque plus le « terrorisme d’Etat » iranien qui nuit au gouvernement parce que c’est une des raisons pour lesquelles les Américains ont renforcé les sanctions contre Téhéran.


Pourquoi les services français, qui n’ont pour seul but d’informer le gouvernement et les politiques, ont été priés par la France ne pas parler de « terrorisme d’Etat » ?

Il est peu probable que ce soit le cas en réalité. Pour plusieurs raisons. Premièrement, l’unique source de cette affaire est le journal Le Monde.

Ça se saurait si Le Monde était une bible de vérités. Il faut rester prudent. Que dit le président ? Qu’il est en train de négocier avec le régime iranien pour essayer de trouver une solution entre eux et les Américains ou pour sauver l’accord sur le nucléaire.

En ce moment, il ne faut pas trop charger le régime iranien. Un président n’empêche pas des services secrets d’émettre des rapports et des alertes.

Pour autant, dans le cadre des négociations, on peut comprendre qu’un président dise à tous les services administratifs au service de l’Etat que ce n’est pas le meilleur moment pour faire des déclarations tonitruantes contre l’Iran.

La France essaie de prendre langue avec le régime iranien pour essayer d’aplanir les choses parce qu’elle est aujourd’hui révoltée par la politique extraterritoriale judiciaire américaine qui empêche des compagnies, notamment françaises, d’investir en Iran.

On peut dénoncer le régime iranien : c’est un régime totalitaire, dangereux, qui déstabilise une partie du Proche-Orient et qui a un « terrorisme d’Etat ».

Mais il est aussi vrai qu’aujourd’hui le « terrorisme d’Etat » iranien vise surtout les opposants au gouvernement et des ennemis sunnites dans le Moyen-Orient et le Proche-Orient.

Depuis les attentats des années 1986 en France perpétrés par des antennes qui travaillent pour le régime iranien, il n’y avait plus de « terrorisme d’Etat » iranien contre les intérêts français, puisque le terrorisme iranien n’était motivé que par la dette que la France avait contractée à l’époque du Shah et qu’elle ne voulait pas rembourser.

La France et l’Iran ont fini par trouver un accord après la terrible vague d’attentats qui a eu lieu à Paris en 1986.

Cependant, ce terrorisme d’Etat pourrait revenir si les Etats occidentaux continuent à exercer une pression terrible sur le régime : il n’est pas impossible que les Iraniens essaient d’actionner des phénomènes terroristes dans une logique étatique et nationale.

En somme, il n’y a pas de terrorisme iranien islamiste comme il y a un terrorisme sunnite islamiste.

Ce dernier est un appel mondial à n’importe quel musulman à perpétrer un attentat contre des mécréants uniquement parce que ce sont des mécréants. Le terrorisme iranien d’Etat existe mais il est toujours lié à des intérêts nationaux et n’est jamais lié à du prosélytisme.

La grande différence avec le terrorisme islamiste sunnite est que celui-ci est perpétré par des organisations internationales qui veulent utiliser le terrorisme pour terrifier les mécréants et appeler à une révolution islamique mondiale, sorte de prosélytisme par la terreur.

Là où on peut être inquiet, c’est que la dernière fois où des Iraniens ont perpétré des actes terroristes dans des endroits du monde en Occident, c’était pour des raisons purement économiques. Si la France est du côté de Donald Trump à vouloir sanctionner l’Iran, on pourrait imaginer que le terrorisme d’Etat iranien pourrait réapparaître : ce n’est pourtant pas le cas.

Aujourd’hui, Emmanuel Macron veut se dissocier des faucons américains et se présenter comme celui qui pourra sauver le régime iranien de sanctions drastiques.

En réalité, il le fait pour une entreprise française et cela tout le monde l’a bien compris.

Il n’y a pas de « terrorisme d’Etat » iranien à redouter en France parce que justement la France est plutôt bien intentionnée avec le régime iranien en ce moment – même si cela peut ne pas durer – contrairement à l’époque de Fabius, qui était plus dur qu’Obama avec l’Iran. Aujourd’hui, l’Iran n’a pas d’agenda terroriste en France.

Source : www.atlantico.fr/decryptage


La piscine, le siège de la DGSE Boulevard Mortier .Paris

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Madredios

L’Eurabia a remplacé la France collabo.
Cette France qui a tellement la trouille de ses Z.R.B* qu’elle s’aplatit, tout comme pendant l’occupation.
Collabo est presque devenu un synonyme de français.
La Paix Sociale avant tout comme dirait le petit illuminé acnéique de l’Elysée.

(*) ZRB : Zones de Racailleries Banliounesques.

Pat

Le terrorisme de l’état iranien ne se limite pas à des opposants politiques, il vise aussi et largement les juifs qu’ils soient argentins, israéliens ou européens. On sait bien que dans le passé un gouvernement français n’en a nullement été gèné et à même fortement collaboré. L’histoire se répète ?

Pierre

Une France si proche de Vichy. Rien ne change

DANIELLE

Dans un conflit il faut un modérateur qui agit, pas un spectateur qui compte les points !
Mais pour être modérateur il faut être désintéressé, or ça n’est pas le cas de l’Europe.
Par contre pour être spectateur il faut être passif et attendre comme l’Europe.

Rosa SAHSAN

La France bien intentionnée envers Téhéran, mais comme la moitié de l’UE. Et cela ne vas pas s’arranger car celui qui arrive après Moghérini est encore pire.
ROSA