Est-ce que la règle du jeu a changé avec l’Iran ?
Le déploiement du système THAAD américain marque un tournant dans la défense israélienne et renforce la dissuasion contre l’Iran
L’arrivée récente d’une batterie THAAD, un système de défense antiaérienne avancé déployé par les États-Unis en Israël, constitue une étape cruciale dans la stratégie de défense de l’État hébreu. Cette installation, appuyée par une centaine de soldats américains, a été rapidement suivie par une attaque de représailles majeure menée par Israël contre l’Iran. Cette opération de grande ampleur a impliqué environ cent avions israéliens, opérant de nuit et ciblant des sites militaires stratégiques en Iran.
Les frappes, qui ont duré plusieurs heures, ont visé des installations militaires sensibles, notamment à Téhéran, touchant des infrastructures de fabrication de missiles et de systèmes sol-air. Ces actions témoignent de la capacité israélienne à coordonner des attaques de précision sur plusieurs fronts, soutenue par des renseignements détaillés. Cette transition d’une « guerre de l’ombre » à des opérations plus visibles démontre la détermination d’Israël à réduire les menaces militaires iraniennes tout en exploitant la nouvelle protection offerte par le THAAD. D’après Sharona Shir Zablodovsky, experte en sécurité nationale, cet événement pourrait bien redéfinir la relation déjà tendue entre les deux pays.
Le message implicite de ce déploiement est également destiné à l’Iran. Danny Citrinowicz, chercheur spécialiste de l’Iran, souligne que le soutien américain, bien que conditionnel, réaffirme son engagement envers la défense israélienne, tout en encourageant Israël à cibler uniquement des infrastructures militaires. Il décrit cette intervention comme un jalon historique dans la dynamique de dissuasion qui régit les rapports irano-israéliens.
L’incertitude persiste quant aux réponses futures de l’Iran. Le guide suprême Ali Khamenei a minimisé l’ampleur des dégâts causés, sans préciser si des représailles seraient envisagées. Cependant, l’attitude modérée de Téhéran ne masque pas les objectifs stratégiques de longue date de l’Iran, dont l’appui militaire au Hezbollah libanais reste central. L’affaiblissement actuel du Hezbollah, résultat de récentes frappes israéliennes, pourrait toutefois offrir à Israël une liberté d’action accrue pour des opérations directes en territoire iranien.
Cette montée en puissance des hostilités trouve ses racines dans le conflit de longue durée entre Israël et des groupes alliés de l’Iran, comme le Hamas à Gaza et le Hezbollah au Liban. Depuis plus d’un an, Israël fait face à des tirs de drones et de missiles provenant de plusieurs fronts, orchestrés par des groupes que Téhéran soutient activement. Au-delà des pertes humaines et des destructions, cette guerre de basse intensité a remodelé le paysage de la sécurité au Moyen-Orient, poussant Israël à adopter une posture plus agressive, quitte à envisager une frappe préventive sur les infrastructures nucléaires iraniennes.
Les récents évènements ont aussi des implications sur le plan géopolitique, notamment à l’approche des élections américaines. En effet, selon Shir Zablodovsky, les États-Unis auraient exercé des pressions pour limiter l’ampleur de l’opération israélienne. Israël a ainsi évité de frapper des infrastructures sensibles comme les installations pétrolières, susceptibles de provoquer des hausses de prix aux États-Unis.
Dans ce contexte, Israël semble désormais déterminé à affirmer sa position militaire et stratégique. Le « bris de la barrière de la peur » pourrait être un signal d’alerte pour l’Iran, laissant présager la possibilité de frappes contre ses installations nucléaires à l’avenir. Pour Zablodovsky, cette dynamique actuelle n’est pas une guerre conventionnelle mais plutôt une « partie d’échecs » géopolitique, où chaque mouvement pourrait redéfinir l’avenir du Moyen-Orient.
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