Une méthode pour détecter le cancer du col de l’utérus avec un téléphone portable.Crédits: Venance Konan
Comment parler d’Israël ? Un séjour d’une seule semaine est trop court pour décrire un pays aussi complexe, aussi diversifié, et aussi riche, tant sur les plans touristique, culturel, historique, spirituel que technologique. Pays de diversités, la nation israélienne suscite l’admiration de tout visiteur.

Sur le plan touristique, peu de pays au monde possèdent autant de sites et de diversités géographiques qu’Israël. Il y a tous les sites mentionnés dans la Bible, ainsi que l’église abritant le tombeau de Jésus Christ, qui font le bonheur des croyants chrétiens et juifs, la mosquée d’Al-Aqsa et le Dôme du Rocher qui font celui des musulmans.

Pour ceux qui sont peu sensibles aux choses religieuses, il y a les stations balnéaires de Tel-Aviv, de Haïfa ou d’Eilat, le désert du Néguev avec ses cirques et canyons, la mer Morte, située à moins 429 mètres sous le niveau de la mer, qui est l’endroit le plus bas de la terre, et dont le taux de salinité est tel que l’on y flotte à la surface de l’eau, des sites tels que ceux de Massada où les Sicaires, des insurgés juifs, choisirent de se suicider en l’an 73 après Jésus-Christ, plutôt que de vivre sous la domination romaine, Safed, la ville la plus haute d’Israël perchée à 900 mètres d’altitude où se réfugièrent de nombreux érudits juifs après leur expulsion d’Espagne en 1492, et où l’on trouve aujourd’hui de nombreuses synagogues vieilles de plusieurs siècles.

Sur le plan spirituel, il y aurait de quoi écrire de nombreux livres. Israël n’abrite-t-il pas à Jérusalem, dans un espace d’à peine un kilomètre carré, les lieux saints des Juifs, à savoir le Mur dit des Lamentations, des Chrétiens, en l’occurrence l’église du Saint Sépulcre et des Musulmans, la mosquée d’Al-Aqsa et le dôme du Rocher ? Mais il s’agit là d’une affaire de croyance religieuse, de foi.

On pourrait aussi parler d’Israël par rapport au conflit qui l’oppose à ses voisins arabes et surtout aux Palestiniens, avec qui il est censé partager le territoire qu’il occupe. C’est un conflit qui date du premier jour de l’existence d’Israël en tant qu’état. Mais la question est trop délicate et passionnelle pour être abordée avec un minimum d’objectivité. Le peu que nous avons pu comprendre est que chacun des protagonistes a sa raison, le problème étant que les différentes raisons ne se sont pas encore rencontrées, et qu’il faut surtout éviter les visions manichéennes qui voient tout en noir et blanc et placent les bons d’un côté et les mauvais de l’autre.

Développement: Israël, terre promise de l’Afrique…

Alors, comment parler d’Israël ? Prenons le parti d’en parler seulement à travers le prisme des relations que cet état entretient ou aimerait entretenir avec nos pays africains. Rappelons que du 4 au 7 juillet dernier, le premier ministre israélien, M. Benyamin Netanyahou a effectué une visite très remarquée en Afrique de l’est, notamment en Ouganda, au Kenya, au Rwanda et en Éthiopie. Et il est prévu l’organisation d’un sommet Israël-Afrique au Togo l’année prochaine.

Lorsque les pays africains au sud du Sahara ont accédé à l’indépendance, principalement en 1960, ils ont presque tous établi des relations diplomatiques avec l’état d’Israël. Ainsi, au milieu des années 1960, l’état hébreu avait des relations diplomatiques avec 33 pays africains. Mais après la « guerre de six jours » qui vit l’occupation par Israël de Jérusalem-est, de la Cisjordanie, de Gaza, du Sinaï, et du plateau du Golan, et surtout après la guerre de Kippour en 1973, presque tous les pays africains rompirent avec Tel-Aviv, par solidarité avec les pays arabes qui leur avaient promis du pétrole à bas prix, et aussi à cause des relations entre Israël et l’Afrique du sud de l’apartheid. « Un voyage comme celui-ci est très important d’un point de vue diplomatique, économique et sécuritaire, et je suis ravi qu’Israël retourne en Afrique par la grande porte » avait déclaré le Premier ministre israélien avant de quitter son pays, en compagnie de 80 personnes représentant une cinquantaine d’entreprises de son pays.

À Jérusalem, les officiels israéliens que nous avons rencontrés ne nous ont pas caché l’intérêt que notre continent présente pour l’État hébreu, sur les trois plans énumérés par M. Netanyahou, à savoir la diplomatie, l’économie et la sécurité. Ainsi, M. Yoram Elron, directeur de la division Afrique au ministère des Affaires étrangères nous dira qu’Israël avait besoin du soutien de ses amis africains pour contrecarrer les résolutions anti-israéliennes dans certaines instances internationales, et aussi pour lutter plus efficacement contre le terrorisme qui frappe de plus en l’Afrique, domaine dans lequel l’état hébreux a une vraie expertise. Ils sont nombreux, les pays africains qui coopèrent déjà, ouvertement ou discrètement, avec Israël sur le plan de la sécurité.

Sur le plan économique, il est indéniable que l’Afrique a beaucoup à gagner à coopérer avec Israël. « La chance d’Israël est de n’avoir aucune ressource naturelle, nous dira M. Emmanuel Nahshon, porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Cela nous a obligés à investir dans les technologies pour faire face à tous les défis, y compris sécuritaires.  Nous avons développé un état d’esprit qui pousse toujours à chercher des solutions. Nous sommes excellents en improvisation. Nos parents sont sortis des fours crématoires et sont arrivés ici les mains et les poches vides, en sachant qu’ils n’avaient pas le choix. »

Que ce soit dans l’agriculture,  la santé, la lutte contre la désertification, la maîtrise de la technologie, Israël a indéniablement beaucoup à offrir aux pays africains. Au cours de notre séjour, il nous fut donné de visiter le Kibboutz Kalia, près de la mer Morte, en plein désert, où l’on fait pourtant pousser des légumes, des dattiers et autres arbres fruitiers, et où l’on produit aussi du lait, et celui de Shefayim où un groupe venu du Burkina Faso était en formation agricole dans le cadre de la coopération. Les vaches israéliennes sont parmi celles qui produisent le plus de lait au monde. « Ce ne sont plus des animaux, mais des machines à produire du lait, » nous dira un responsable du Kibboutz Kalia devant notre regard admiratif sur les vaches numérotées aux énormes pis.

Un éleveur en Israël doit parfaitement savoir manier l’outil informatique, car tous les animaux sont suivis au jour le jour par ordinateur, avant même leur naissance, afin de détecter toute maladie qu’ils pourraient avoir, leur donner tout ce dont ils ont besoin et améliorer en permanence leurs rendements. L’eau utilisée pour l’agriculture dans le Kibboutz provient du recyclage des eaux usées déversées dans les égouts. L’agriculture israélienne est connue dans le monde entier par le système dit du « goutte à goutte », qui consiste à donner à chaque plante la quantité exacte d’eau dont elle a besoin au moment précis ; ce qui évite les gaspillages et permet de mieux contrôler le cycle de chaque plante.

Un Kibboutz, précisons-le, est une communauté sociale et économique au sein de laquelle les décisions sont prises par l’assemblée de ses membres et où les biens et les moyens de production sont propriété collective. Le Kibboutz est le pilier traditionnel de l’agriculture d’Israël. Il nous fut donné aussi d’apprécier à Beit-Yanai une unité de production de gaz et d’engrais à partir des restes d’aliments et autres déchets organiques, de découvrir à Tel-Aviv comment l’on peut détecter le cancer du col de l’utérus à partir d’un simple téléphone portable, de visiter à Holon le projet « sauvez le cœur d’un enfant » qui reçoit des enfants malades venus du monde entier, principalement d’Afrique. Nous devions aussi visiter  à Rishon Letzion une unité qui transforme l’air en eau, mais un contretemps nous en empêcha.

Mashav est l’agence de coopération internationale de l’État hébreu qui fournit assistance aux pays en voie de développement tels que les nôtres. Elle pilote de nombreux projets en matière médicale ou agricole dans de nombreux pays africains. Selon nos interlocuteurs israéliens, la balle est tout simplement dans le camp des pays africains. C’est à eux de  la saisir ou non, en se tournant vers Israël ou en lui tournant le dos.

Quand Israël soigne les Syriens

L’homme est assis dans son lit d’hôpital, la bouche un peu déformée. Il n’a plus de mains et ses deux moignons de bras sont entourés de bandages. Merveille de la médecine israélienne, il arrive à écarter les deux os du bras droit, pour saisir des objets. L’homme qui a à peine 20 ans, était un combattant de l’opposition qui se bat contre le président syrien Bachar Al-Assad.

Une bombe lui a arraché les deux mains et une partie du visage. Et il s’est retrouvé dans cet hôpital israélien baptisé Ziv, situé à Safed, dans le nord du pays, presqu’au pied du plateau du Golan. Ils sont plusieurs Syriens, essentiellement des combattants des deux camps en guerre en Syrie à être soignés dans cet hôpital. Mais il y aussi des civils, parmi lesquels des enfants, qui ont perdu un ou plusieurs membres, parfois une partie du ventre ou du visage.

L’histoire a commencé en 2013, deux ans après le début de la guerre civile en Syrie. Un jour des soldats israéliens ont découvert sept soldats syriens blessés sur la frontière qui sépare leur pays de son voisin. Leurs supérieurs hiérarchiques à qui ils ont demandé des instructions leur ont ordonné de les envoyer à l’hôpital, en Israël. Il faut savoir que l’état hébreu est théoriquement en guerre contre son voisin syrien, et même si aucun coup de feu n’est tiré entre les deux pays depuis de longues années, leurs soldats sont des ennemis les uns pour les autres et aucun soldat syrien ne pouvait imaginer se faire soigner en Israël, et il devait en être de même pour les soldats israéliens.

Sans doute à la faveur du bouche à oreille, ou du tam-tam arabe si l’on veut, les blessés syriens ont commencé à affluer vers les centres de santé israéliens situés près de la frontière, principalement l’hôpital de Ziv, qui est spécialisé dans les soins aux blessés de guerre. « Nous ne demandons pas aux blessés à quel camp ils appartiennent, nous dit le médecin en charge des opérations réparatrices. Notre devoir est de soigner des blessés, c’est tout. »

On nous parle de quelques milliers de personnes soignées ainsi en Israël depuis le début de la guerre en Syrie. M. Fares Issa, l’assistant social de l’hôpital de Ziv, lui-même arabe israélien, nous explique que les Syriens ont eu beaucoup de mal à accepter d’être soignés par les Israéliens qu’ils voyaient comme des ennemis. « Nous avions reçu une petite fille à qui ses parents avaient demandé de ne jamais parler à un Israélien. Il nous a fallu beaucoup de patience avant de l’amener à s’ouvrir à nous », nous dit M. Fares Issa. Et bon nombre d’adultes blessés qui arrivent à Ziv restent silencieux pendant longtemps.

Presque tous les blessés ont un seul rêve, qui est de rentrer dans leur pays aussitôt qu’ils sont guéris. Souvent, pour continuer leur guerre. Accepter d’être soignés par des Israéliens est déjà un grand sacrifice qu’ils ont consentis. Il ne saurait surtout pas être question pour eux de demeurer chez l’ennemi, au risque de passer chez eux pour des traîtres. Lorsqu’il s’agit d’enfants, des recherches sont faites pour trouver des membres de leurs familles. Souvent ce sont ces parents qui les amènent à l’hôpital.

Cette partie du nord d’Israël est peuplée de populations druzes qui se retrouvent des deux côtés de la frontière et ont des liens familiaux souvent très imbriqués. Ces milliers de blessés syriens soignés par Israël seront-ils un jour des artisans de paix entre les deux pays ? C’est peut-être le rêve secret caressé par l’État hébreu.

FRATMAT.INFO

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andre

Un conflit qui date du premier jour de l’existence d’Israël en tant qu’Etat ? pas vraiment. Souvenons-nous, pour ne parler que de Hadj Amin el Husseini, des massacres de Hebron et Jerusalem de 1920-1929, et de la collaboration, en 1940-43, avec les nazis, en particulier en Yougoslavie, dont le but etait d’aider a l’eradication ou, de preference, au massacre, de la presence juive au Proche-Orient.