De l’influence du sage sur la bête (2ème partie)
LE CHAMEAU
A partir de la parasha Hayé Sara, l’attention de nos sages a été attirée par deux faits particuliers le premier étant que la Torah qui, nous le savons bien, n’utilise pas de mots inutiles, prend la peine de signaler qu’Eliezer, l’homme chargé par Abraham d’aller à Haran quérir une épouse de la maison de ses pères pour Isaac, a pris avec lui dix chameaux et, ces chameaux étaient attachés les uns aux autres et portaient une sorte de muselière pour les empêcher de musarder en chemin puisqu’il y avait un but précis à cette expédition et qu’Eliezer tenait à s’en acquitter promptement.
Cependant, à la lumière des commenta ires apportés à la rencontre d’Eliezer avec la famille de Rebecca, nous comprendrons que l’essence de ces chameaux était supérieure car, Abraham ne pouvait posséder des chameaux ordinaires tout comme nous l’avons vu pour la nature de l’âne de R’ Pinhas ben Yaïr….
Mais, avant tout, il nous faut souligner la différence qui existe entre l’âne en général et le chameau : les deux animaux sont « impurs » néanmoins, l’âne est totalement impur alors que le chameau ne l’est qu’à moitié ! Comment se peut-il ?
La Torah distingue les animaux « purs » ou consommables par nous (kasher) par le fait qu’ils sont ruminants et que leur sabot soit fendu et, l’âne n’est pas ruminant et n’a pas de sabot fendu il est donc totalement impur cependant que nos Sages ont statué sur 4 animaux qu’ils sont à moitié impurs : à savoir le lapin, le lièvre et le chameau car ils sont ruminants et ont un sabot qui n’est pas fendu et le quatrième animal est le cochon/porc qui n’est pas ruminant mais possède des sabots fendus.
Les Sages pensent que ces 4 animaux se rattachent aux 4 exils du peuple juif : sous la domination de Babylone, de la Perse, des Grecs et de Rome. Ainsi, le rav Yossef Irgass trace le parallèle suivant: le chameau celui de Babel, le lapin représente l’exil de Perse, le lièvre la domination des Grecs et le porc celui d’Edom.
A la question de savoir pourquoi Eliezer prit la précaution d’emmener avec lui dix chameaux alors qu’il lui en fallait bien moins pour son transport et celui de la « dot » et des bijoux, les exégètes répondent que le serviteur d’Abraham s’était entouré d’un minyane (10 hommes) pour pouvoir conclure immédiatement les « kidoushine » -fiançailles – de Rivka pour Isaac. Selon d’autres opinions, ce fut pour créer une forte impression sur la famille de Rebecca.
Pour quelle raison les patriarches utilisèrent un âne comme moyen de locomotion alors qu’existaient des chameaux? Seule Rebecca chevaucha un chameau jusqu’à sa rencontre avec Isaac et alors, elle descendit du chameau. Puis les femmes de Jacob voyagèrent à dos de chameau. Dans le Pirké dé Rabbi Eliezer, on trouve d’autres significations : lorsqu’Abraham rendait visite à Ishmaël, Sara l’exhortait de revenir très vite en insistant sur le fait qu’il ne devrait pas descendre de son chameau et, d’autre part, Joseph, involontairement fut transporté à dos de chameaux lorsque les Ismaélites le conduisirent en Egypte. Quelle est la cause de tout ceci ? Un midrash rapporte que lors de la faute d’Adam et Eve au Gan Eden, D. maudit la terre et de cette terre s’envolèrent des mouches, des puces et des moustiques mais aussi des chameaux. Il en ressort donc une certaine répulsion pour ce genre d’animal.
En mystique juive, néanmoins on insiste sur le fait que l’enseignement des patriarches influe sur les animaux : ainsi, le fait que les chameaux d’Abraham étaient muselés signifie que l’enseignement de la Torah était si important que l’on éduquait aussi les chameaux à ne pas manger n’importe où et, Lavan certifia à Eliezer qu’il avait ôté de la maison toutes les idoles et c’est alors que les chameaux furent délestés de leurs harnais de manière à leur permettre de se restaurer et de s’abreuver.
La mystique juive dit que le chameau est attaché par dix points différents à Isaac, Rebecca, Jacob, Rahel, au Beith Hamikdash, aux rêves, à l’Egypte etc…. Lorsqu’Abraham lie Isaac sur l’autel improvisé, il attache son fils en nouant ensemble jambe et bras comme on le fait généralement pour les animaux. Cette position s’appelle עקוד de la racine ligaturer ayin-kouf-daleth. Les Sages voient ainsi une connexion entre Isaac et le chameau : (מעלה גרה) le mot « guéra » en hébreu totalise 208 tout comme Isaac (Ytshak) 208 de même que l’on découvre un lien entre Moïse et l’âne qui transporta sa famille : ainsi Moshé = 345 tout comme le sabot non fendu de la bête (parsa)= 345.
Le chameau est présent dans des scènes bibliques telle la scène où Jacob envoie des cadeaux à son frère Esaü, ou lorsque Rahel a pris les pénates de chez son père et les cache dans la selle du chameau sur lequel elle est assise.
La présence du chameau inspire la miséricorde et la bonté ainsi lorsque Jacob envoie des chameaux à Esaü c’est dans le but de voir le regard de son frère se charger de bonté. Les Sages disent ainsi que si quelqu’un voit des chameaux dans ses rêves c’est qu’il a été jugé favorablement.