Les réseaux sociaux n’ont pas de mots assez durs pour dénoncer Goldman et sa bande d’enfoirés. Vieux, nantis et connus, ils ont osé exhorter des jeunes, pauvres et anonymes à se prendre en main. Au lieu de faire amende honorable, de se repentir pour avoir gagné de l’argent, en avoir dépensé et avoir acquis une trop voyante notoriété, ils ont le culot de rappeler qu’ils ont trimé pour en arriver là. Pire, ils ajoutent que malgré les temps difficiles que nous traversons, il y a en France une lueur d’espoir pour qui veut bien «se bouger»…

Tous les réseaux sociaux, tous les forums s’enflamment donc, hurlant à l’irrespect et à la stigmatisation: «Contentez-vous de donner à bouffer aux pauvres et laissez les jeunes face au déterminisme social!». J’imagine le désarroi de Goldman et de tous ceux qui après des années d’engagement pour les restos du cœur pensaient pertinent d’en appeler à la volonté, à l’énergie et à l’ambition de la jeunesse française en espérant que leurs exemples susciteraient des vocations, inspireraient des engagements. Ils ont tout faux!… Et on leur balance en pleine figure la tarte à la crème du manque de respect et du mépris des jeunes. Aujourd’hui, sous le prétexte démagogique d’éviter la stigmatisation, on est sommé de maquiller les détresses sociales d’un fard culturel et même de cacher certains handicaps douloureux sous un masque identitaire.

Ainsi, pour être politiquement correct, il faut se complaire à décrire, faussement admiratif et un brin amusé, les astucieuses stratégies de jeunes français qui s’échinent douloureusement à contourner les obstacles quotidiens que leur imposent leurs difficultés de lecture et d’écriture. Il faudrait, au nom du droit à la différence (et à l’indifférence), accepter avec une sorte de complicité malsaine que certains jeunes soient privés de mettre en justes mots leurs pensée. S’ils ont droit à notre respect et à notre solidarité, reconnaissons tout de même que l’illettrisme rend difficile l’exercice de leur citoyenneté et que ceci n’est en rien acceptable. La description ethnologique de ce phénomène ne lui confère aucune lettre de noblesse socioculturelle. Avoir du mal à lire et encore plus à écrire n’a rien d’identitaire; cela aggrave la marginalisation sociale et rend plus improbables les chances d’en sortir.

Dans la même perspective, ils sont nombreux ceux qui, linguistes, sociologues, journalistes bien pensant, soulignent le dynamisme, la créativité et la valeur identitaire de la langue des cités en feignant d’ignorer l’enfermement auquel cette réduction linguistique condamne ceux qui la subissent. Tous refusent d’analyser les préjudices subis par ceux à qui fait défaut la maîtrise de la langue et tous se laissent complaisamment séduire par l’écume d’une parole dont le pittoresque cache bien mal l’inquiétante approximation. Ils clament à qui veut l’entendre que tous les langages sont égaux alors que certains livrent les clés du monde et que d’autres ferment les portes du ghetto.

La «culturisation» de l’inculture est ainsi devenue une posture intellectuelle et idéologique que prennent avec infiniment de complaisance un bon nombre de ceux dont les enfants risquent «moins» l’échec scolaire et social que les autres. Dans l’éducation en effet, la non prise en compte de l’erreur comme fondement de l’apprentissage conduit aujourd’hui à des comportements de complaisance qui pénalisent toujours les enfants les plus en difficulté. C’est très jeune qu’il faut faire prendre conscience aux enfants de la façon dont ils fonctionnent, les aider à reconnaître qu’ils se sont trompés et ainsi chercher à s’améliorer. Ils doivent constater que les autres aussi se trompent, font des erreurs et que c’est en les acceptant qu’ils parviennent à se dépasser. Un éducateur doit avoir pour tous les élèves de grandes ambitions; pour les plus brillants comme pour ceux qui ont plus de mal. En aucun cas il ne doit se laisser aller à un apitoiement qui est synonyme de renoncement et d’abandon.

Même les handicaps sont aujourd’hui couverts du voile pudique de la spécificité identitaire. La surdité par exemple serait ainsi pour certains un signe d’identité culturelle alors que c’est à l’évidence un handicap que l’on doit tenter d’améliorer. L’oralisation par implant cochléen est parfois considéré par certains comme la trahison d’une loi tribale, alors que pour la plupart des enfants sourds c’est une libération. Faire de la langue des signes un signe de ralliement identitaire est une bêtise. Ce système sémiologique est certes essentiel pour ouvrir aux petits enfants sourds le monde de la communication mais en aucun cas on ne doit les enfermer dans un cercle de mutisme. Je me souviens de cette phrase qui fut adressée par un jeune trisomique à son professeur qui, avec dévouement et obstination, lui apprenait à lire. «Don’t accept me as I am!»: «Ne m’accepte pas tel que je suis!»lui dit ce jeune handicapé; voulant signifier à son professeur: «Respecte mon humanité mais certainement pas mon handicap! Aies pour moi des ambitions à la hauteur de l’humanité que tu me reconnais!». Et c’est en refusant la résignation et la complaisance que dans certains centres éducatifs qui équilibrent exigence et bienveillance on parvient à apprendre à lire et à écrire à des jeunes gens mentalement très handicapés.

Alors, disons-le clairement! Inciter des jeunes à aller plus haut même si c’est difficile et parce que c’est difficile, c’est avoir du respect et de l’ambition pour eux. Inciter à reprendre l’ascension ceux qui, en tentant de grimper, ont fait des chutes douloureuses, ce n’est ni du cynisme ni de la condescendance. Leur raconter les difficultés de nos propres parcours, la douleur de nos échecs, notre fierté de les avoir surmontés, ce n’est pas nécessairement jouer au vieux con. Le diable est dans la complaisance, la compassion et la connivence. Alors, Jean-Jacques Goldman, surtout, surtout n’allez pas vous excuser sur les plateaux de télévision!


 

Alain Bentolila est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages concernant notamment l’illettrisme des jeunes adultes et l’apprentissage de la lecture et du langage chez l’enfant, il est professeur à l’université Paris-Descartes.

  Jugé «réac» voire «insultant» sur la Toile, le nouvel hymne interprété par la troupe d’artistes et composé par le chanteur français provoque une polémique sur Internet depuis jeudi. La personnalité préférée des Français a réagi en publiant un communiqué.

  

La dernière chanson des Enfoirés, Toute la vie, est vivement critiquée depuis jeudi sur les réseaux sociaux. Le titre composé par Jean-Jacques Goldman est accusé d’opposer les «jeunes» aux «vieux», en diffusant un message paternaliste jugé insultant par certains internautes, voire complètement «réac».

L’auteur-compositeur français est sorti de son silence vendredi en publiant un communiqué sur le site internet des Enfoirés. «C’est une chanson dans laquelle des adolescents reprochent aux générations qui les ont précédés l’état du monde qu’ils leur laissent: pollution, chômage, violence, dette, misère (c’est un sujet qui n’est pas si fréquent…)», déclare la personnalité préférée des Français.

«Les Enfoirés jouent le rôle des adultes qui leur répondent comme trop souvent: en se dédouanant et avec mauvaise foi, mais en espérant qu’ils feront mieux. Le fait que la jeunesse nous demande des comptes me semble la moindre des choses. Le fait que la chanson se termine en faisant confiance à l’avenir aussi», a ajouté Jean-Jacques Goldman.

Figarovox

Affecté par les récentes attaques contre son dernier titre pour les Restos du cœur, « Toute la vie », Jean-Jacques Goldman a évoqué samedi son intention de « préparer l’avenir », de l’œuvre de bienfaisance créée par Coluche.

« Cette émission a 25 ans. Ceux qui font ça depuis le début, maintenant, ils ont entre 60 et 65 ans. Le grand chantier, c’est de préparer l’avenir, c’est-à-dire d’impliquer les nouveaux, non pas uniquement sur le plan de la participation, mais aussi celui de la conception et de nous effacer petit à petit », a déclaré l’artiste français dans une rare interview accordée à TF1.

« C’est ce qu’on est en train de faire, en particulier cette année: il y a des tableaux qui sont pris en charge entièrement par des nouveaux. On va voir si le miracle continue », a ajouté celui qui avait composé en 1986 l’hymne des « Restos ».

Accusé de texte « anti-jeunes », le titre « Toute la vie » a suscité l’indignation des jeunes internautes français, alors que de nombreux artistes français ont pris la défense de Jean-Jacques Goldman.

Ces attaques contre l’artiste français interviennent après celles contre l’animateur Arthur et l’humoriste Gad Elmaleh.

Deborah Partouche – © Le Monde Juif .info | Photo : DR

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3 Commentaires
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dafiduck

Ce non-événement est stupide tant par sa teneur que par ses intervenants

richard

les conflits de generation, franchement rien de nouveau:
http://youtu.be/zMALuEYxK6U

Cependant quand il y en a qui sont reduit qu’a « nique ta mere » comme solution, et puis la grand mere, le poisson rouge dans le bocal etc…etc…. on peut dire qu’ils ont atteint le sommet de la connerie.

Armand

Ils gagnent du fric tant mieux mais un peu dé décence . Tous ces chanteurs me tapent sur les nerfs avec leur cirque chaque année . Deux secondes aprés ils en ont rien à foutre de ceux qui crèvent de faim .