Un historien hollandais prédominant et les Juifs des Pays-Bas

Manfred Gerstenfeld interviewe Hans Blom

 

« Mes activités de recherche concernant la Seconde Guerre Mondiale ont débuté dans la seconde moitié des années 1970. Le professeur Ivo Schöffer, mon directeur de recherches doctorales, m’a invité à m’exprimer sur les Pays-Bas dans la Seconde Guerre Mondiale, lors d’une conférence anglo-hollandaise sur le thème de « Guerre et Société ».

Hans Blom, historicus en schrijver Hans Blom historicus en schrijver

 

Hans Blom, un historien hollandais prédominant, est né en 1943 à Leiden. Il a vécu là durant presque toute sa vie. Il a étudié l’histoire à l’Université de cette ville et y a obtenu son doctorat en 1975. En 1983, Blom a été nommé comme Professeur d’histoire de la Hollande à l’Université d’Amsterdam. De 1996 à 2007, il a aussi servi en tant que Directeur de l’Institut des Pays-Bas de Documentation sur la Guerre (NIOD).

A l’époque, il y avait un énorme malaise aux Pays-Bas, à propos du fait que Pieter Menten, un important criminel de guerre hollandais, qui avait assassiné des Polonais et des Juifs, vivait une vie confortable dans la Hollande de l »après-guerre. Blom dit : « A la fin 1976, Schöffer m’a demandé de me joindre à une commission d’enquête concernant Menten. La question consistait à savoir comment il avait pu s’en tirer si longtemps avec tous les crimes de guerre qui lui étaient imputés, dans ces Pays-Bas d’après -guerre.

Comment se faisait-il qu’il n’y ait eu aucune commission d’enquête? Lors de la reconstitution de ce qui s’était passé, on a découvert comment des affaires complexes -et partiellement accidentelles – étaient survenues en réalité pour le tirer d’affaires ».

Pieter Menten, en uniforme nazi et en mai 1977, savourant une vie paisible aux Pays-Bas. 

Lors de sa conférence d’introduction en tant que professeur, Blom a plaidé pour une nouvelle approche dans l’étude des Pays-Bas au cours de l’occupation allemande. Il admirait le travail de Loe de Jong, qui était alors l’historien le plus important aux Pays-Bas, dans ce domaine et il disait que son travail était riche en faits historiques de vastes perspectives et facilement accessible. Blom considérait que les historiens hollandais injerctait trop de jugements moraux et politiques dans le cadre de leurs études de la période de la guerre, d’abord préoccupés de dire qui était le bon et qui le méchant. Il disait que le rôle de l’historien devait rester neutre et qu’il devait comprendre les gens dans leur propre contexte historique (et non le sien).

Blom affirme :  » Je préconisais que la poursuite des recherches devait prendre de nouveaux angles de vue universitaires. On devait mettre bien plus l’accent sur l’analyse, l’explication et la compréhension des événements historiques reconstitués. Comme exemples, je mentionnais les recherches sur les changements d’humeur au sein de la population au cours de l’occupation, les recherches comparatives internationales, les recherches sur les conséquences de la persécution des Juifs, et le fait de situer l’occupation dans le cadre d’une perspective historique plus longue ».

Peu de temps avant que Blom ne devienne Directeur de NIOD en 1996, le gouvernement lui a demandé si l’Institut voulait enquêter sur le rôle historique des Pays-Bas dans la protection et la chute de la ville bosniaque de Srebrenica et sur les meurtres de masse qui s’y sont propagés, contre les Musulmans, de la part des Serbes de Bosnie en 1995. A près d’intenses délibérations, le NIOD a pris ces recherches en charges sous sa direction.

En 1997, Blom est aussi devenu membre de la Commission Van Kemenade, qui enquêtait sur la restitution des biens spoliés par la Hollande d’après-guerre. Peu de temps après, il est devenu le directeur d’un projet de Recherche historique sur la période de l’immédiat après-guerre.

Blom est aussi l’un des trois éditeurs d’un livre essentiel sur l’histoire des Juifs aux Pays-Bas, qui est apparu en 1995[1]. Après l’édition néerlandaise, il est aussi paru en anglais[2]. Il faisait suite aux congrès périodiques couvrant l’histoire des Juifs aux Pays-Bas, qui ont début dans les années 1980.

Après que ses deux co-éditeurs soient décédés, Blom a pris l’initiative d’une nouvelle édition avec de nouveaux éditeurs. Ce livre est paru en 2017[3]. Certains des auteurs étaient nouveaux et plusieurs ont réécrit les chapitres qui les concernaient.

« Nous avons demandé aux auteurs d’inclure les résultats de nouvelles recherches concrètes,ainsi que des débats plus théoriques dans l’historiographie internationale plus récente, comme l’aspect économique de l’histoire juive. En particulier, nous avons demandé aux auteurs, d’analyser, à côté de l’histoire des Juifs en tant que minorité dans la société hollandaise, la position des Juifs des Pays-Bas dans le contexte international de la diaspora juive ».

Lorsqu’on interroge Blom sur l’incapacité des Hollandais à regarder en face leur propre histoire, concernant des questions comme les défaillances au cours des persécutions des Juifs en temps de guerre, et les nombreux crimes commis au cours des guerres de décolonisation en Indonésie, il déclare : « La Hollande est un pays où la nécessité de faire des compromis a été présente de façon intensive, très tôt dans le cours de son histoire ».

En plus de cela, on peut dire que les Pays-Bas des 19ème et 20ème siècles ont développé une tradition qui consiste à pense que « nous » sommes un pays doté de normes morales très élevées. Au cours du 19ème siècle, il est devenu inévitablement évident que les puissants Pays-Bas de la République Néerlandaise Unie ne représentait plus un facteur déterminant. Ceci en dépit du fait que nous avons encore conservé nos colonies durant un siècle et demi. Dans ces petits Pays-Bas rétrécis, une image de soi a commencé à émerger montrant qu’il était préférable d’être la nation la plus morale du monde, plutôt que la plus puissante.

« Dans ces circonstances, cette attitude s’alignait aussi sur les intérêts de la Hollande. En tant que petit pays, on avait plus à gagner par des arrangements pacifiques et le respect des lois internationales. Ainsi, jusqu’à un certain point, on pouvait se protéger contre la volonté de puissance des grands pays. Dans le cadre d’une telle tradition d’image de soi bâtie sur de hautes valeurs morales, il devient plus difficile de traiter comme il se doit, publiquement et proprement, des événements où celles-ci seraient, de toute évidence, pris en défaut et de la pire des façons ».

Manfred Gerstenfeld interviewe Hans Blom

Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski.

———————————–

[1] I. Schöffer, J.C.H. Blom, R.G. Fuks-Mansfeld (ed), De Geschiedenis van de Joden in Nederland, (Amsterdam: Balans, 1995)

[2] J.C.H. Blom, R.G. Fuks-Mansfeld and I. Schöffer (ed), The History of the Jews in The Netherlands, (Oxford: The Littman Library of Jewish Civilization, 2002).

[3] Hans Blom, David Wertheim, Hetty Berg en Bart Wallet (ed.), Geschiedenis van de Joden in Nederland, (Amsterdam: Balans, 2017).

 

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires