Les cohanim devront en faire «monter» les lumières, les nérot, très précisément «en face de la Menora». Par Raphaël Draï Z’l

Tandis que les parachiot précédentes étaient consacrées à la configuration du camp d’Israël, ainsi qu’à la définition des tâches et des missions incombant à toutes les composantes du peuple, celle-ci commence par une adresse particulière aux cohanim, aux prêtres et grands prêtres, en ces termes:  « C’est vis à vis de la face du Candélabre (el moul pnei Haménora) que les sept lampes doivent projeter la lumière».

Suivent des précisions que l’on pourrait juger redondantes sur la forme du Candélabre et notamment sur l’obligation qu’il  soit  façonné d’une seul tenant.

Cette traduction, celle de la « Bible du Rabbinat », doit servir de point de départ.

Ce n’est pas la première fois qu’il est question de la Ménora dans la Thora. Le livre de Chemot a traité abondamment des modalités de sa confection. Comme il n’est pas de répétition dans le récit biblique, il faut tenter de comprendre cette nouvelle disposition scripturaire.

Jusqu’à présent, en effet, c’est surtout l’anatomie du camp d’Israël dont il a été question.

A présent, le livre de Bémidbar, des Nombres, évoque l’influx qui doit l’invigorer: la lumière. Celle-ci n’est pas celle, naturelle,  qui provient du soleil et de la lune.

Il s’agit d’une lumière faite pour ainsi dire de main d’homme, à partir d’une huile particulièrement pure et qui devra être disposée dans les sept branches du Candélabre.

Car si celui-ci doit bien être d’un seul tenant, il prend ensuite la forme d’une arborescence, toujours symbole de pluralité et donc de liberté.

Cet Arbre de lumière est lui même disposé de manière particulière,ce que donne à entendre finement le texte hébraïque.

Les cohanim devront en faire «monter» les lumières, les nérot, très précisément «en face de la Menora».

Ce qui ne signifie pas qu’eux mêmes aient à se trouver  physiquement, en face du Candélabre mais que les lumières de celui-ci correspondent, face à face, aux lumières d’un autre Candélabre: de la Ménora  céleste.

Il n’y a, en l’occurrence, aucun risque de fétichisation de la Ménora se trouvant dans le Sanctuaire. Le sens de celle-ci ne se renferme pas en elle même. Il se rapporte à un autre élément qui le constitue effectivement.

Il faut se représenter le dispositif mis en place de la manière suivante: les cohanim face à la Ménora du Sanctuaire, elle même faisant face à la Ménora céleste.

Dès lors en quoi celle-ci consiste t-elle? Il ne s’agit justement pas d’une Ménora où se retrouveraient le soleil et la lune, avec d’autres étoiles ou planètes mais d’une Ménora cognitive et spirituelle, celle qui est évoquée notamment par le prophète Esaïe d’abord dans cette parole d’espérance: « Le peuple qui marchait dans la ténèbre voit une lumière grande (or gadol),  ceux qui habitaient dans une terre mortifère une lumière  irradiante (or naggah) (sera) sur eux  » ( Es, 9, 1);  et ensuite dans cette vision d’avenir: «Or un rameau sortira de la souche de Jessé, un rejeton poussera ses racines. Et sur lui reposera l’esprit du Seigneur, esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de science et de crainte  de Dieu» ( Es, 11, 1, 2).

A chacune des lumières, des orot, de la Ménorah d’en bas, mais à la direction ascensionnelle, correspond une des facultés éminentes de l’esprit humain liée à l’esprit divin.

Par là même l’on est amené à comprendre que la liturgie sacerdotale décrite dans  la présente paracha n’est pas relative à l’éclairage optique du Sanctuaire, et plus tard du Temple, mais à la mise en lumière des dimensions et facultés de l’esprit humain en tant qu’il est corrélé à l’esprit divin, conformément à ce qui est qualifié dans le livre de la Genèse, dans le sépher Beréchit, de tsélem Elohim, expression littéralement intraduisible que l’on peut rendre par la  formule: « corrélation divine».

Ces mêmes dimensions spirituelles et facultés cognitives ne sont pas vouées à demeurer théoriques ou purement conceptuelles.

Elles sont activées par les conduites et le comportements qui leur correspondent, et cela par le biais de l’accomplissement des mitsvot. Dans la symbolique hébraïque, le mot ner se rapporte à celui de mitsva  et celui de or à Thora, selon le verset: «Car la chandelle ( ner) est la mitsva et la Thora, lumière (or) ».

On sait qu’il est 613 mitsvot. Plusieurs classifications en ont été proposées au cours des siècles. Une autre, fondée sur la présente paracha, deviendrait concevable regroupant ces 613 mitsvot au regard cette fois de chacune  des dimensions évoquées dans la vision d’Esaïe.

Pourquoi insister enfin sur le fait que la Menora doit être confectionnée d’un seul tenant, alors que nous le savons déjà?

Le contexte est différent  et l’enseignement aussi. Certes,  il est question ici d’arborescence, de 613 mitsvot, de sept nérot, de sept dimensions de l’esprit.

Cependant, la pluralité ne doit pas se transformer en dispersion puis en inévitable extinction.

Les branches ne méritent ce nom que reliées solidement à un tronc, lui même figure et symbole de l’unité vivante. Utile rappel avant la description qui ne va guère tarder des crises qui secoueront le peuple des Bnei Israël en mettant  précisément à l’épreuve son unité et la configuration de son camp, de son mahané, réceptacle de la Présence divine.

Raphaël Draï zatsal 22 mai 2013

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