AUNG SAN SUN KYI : UNE ICONE BRISÉE

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Depuis soixante ans, les dictatures militaires se succèdent au Myanmar, plus communément appelé Birmanie en référence à Bama, nom de l’ethnie majoritaire. Après dix ans de partage du pouvoir avec les civils, l’armée a repris totalement le contrôle de la situation en écartant le 1er février dernier Aung San Sun KYI.
L’instauration de la loi martiale dans Rangoon a entraîné une répression policière, des affrontements entre opposants et militaires ou policiers, avec des centaines de morts, des milliers d’arrestations et l’exode de plus de deux des cinq millions d’habitants de la capitale économique. Tout récemment, l’armée a même bombardé des zones où des opposants avaient refuge.
La Birmanie a cinq voisins, Bangla Desh, Chine, Inde, Laos et Thaïlande. Mais les Birmans vont se réfugier principalement en Thaïlande qui partage une frontière de 1 800 km et accessoirement en Inde ; en revanche, malgré les facilités offertes par une frontière de 2 185 km, ils ne vont pas en Chine trop liée à la junte.
Forte de son prix Nobel de la paix obtenu en 1991, Aung San Sun KYI était devenue une icône de la communauté internationale. Elle a pu mener son combat contre les militaires qui ont été obligés de faire appel à elle en 2011 et d’associer les civils à la conduite des affaires. La Birmanie a alors réintégré le concert des Nations. Pour développer ses relations, la France avait décidé de permettre à l’Agence française de développement (AFD) de travailler en Birmanie et d’ouvrir une agence à Rangoon.
Mais l’image de marque d’Aung San Sun KYI s’est dégradée à cause de :
  • La répression des Rohingyas engagée depuis août 2017. Cette minorité musulmane est l’objet d’exactions de l’armée et de milices bouddhistes qui ont entrainé plusieurs milliers de morts et mis sur les routes du Bangla Desh près de 740 000 personnes sur une population d’environ un million de Rohingyas. De nombreuses personnalités internationales ont lancé des appels pour la cessation des persécutions religieuses à l’égard des musulmans et l’organisation du retour des exilés. A la tête de l’Organisation de coopération islamique (OCI), la Gambie a dénoncé la Birmanie pour violation de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression de crime de génocide. Aung San Sun KYI a eu le courage, voire la témérité, de diriger la délégation birmane devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour défendre la position de son pays. Par sa participation au pouvoir elle était volens nolens complice des événements des deux dernières années. Mais, en se mettant en avant de cette façon à la Haye, sa responsabilité dans les massacres s’est accrue.
  • Certains comportements ne sont pas au-dessus de tout soupçon. Elle est accusée d’avoir obtenu des pots-de-vin par l’intermédiaire de sa fondation qui porte le nom de sa mère. Les militaires ont engagé des procédures contre elle, et il est vraisemblable que la chronique judiciaire va accentuer la détérioration du climat politique.
  • Une concentration des pouvoirs, en devenant quasiment le Premier ministre du pays, fonction qui n’existe pas selon la Constitution. L’armée lui a martelé cet argument pour créer des dissensions dans son camp.
Cette évolution ne va pas améliorer la situation d’une économie marquée par :
  • Une croissance démographique déclinante. D’une superficie de 676 578 km², la Birmanie compte moins de 55 millions d’habitants ; depuis 60 ans, le taux de croissance naturel de la population diminue régulièrement pour se situer aujourd’hui à moins de 1 %. 80 % des habitants sont bouddhistes, 8 % des chrétiens et 4 % musulmans.
  • Une importante production de pierres précieuses, jades, perles, rubis, saphirs ; le pays assure 90 % de la production mondiale de jades et saphirs principalement exportés, sans transformation locale, vers la Chine et la Thaïlande. Les conditions d’extraction par des centaines de sociétés dirigées par des Chinois et des parrains de la drogue se caractérisent par
Une grande dangerosité ; la chronique rapporte régulièrement des éboulements et accidents.
Une précarité de la main d’œuvre souvent composée de clandestins totalement à la merci de patrons peu scrupuleux.
Une absence totale de préoccupations écologiques, ce qui a entrainé de véritables catastrophes naturelles.
Une absence de tout contrôle de l’État. Les zones d’extraction semblent être des régions de non droit.
Cela explique le refus de grands groupes mondiaux de la bijouterie d’utiliser les pierres birmanes, en respect avec leur démarche de responsabilité sociale et environnementale (RSE).
  • Une petite production pétrolière, démarrée en 1853, fait de la Birmanie un des plus vieux pays pétroliers. Le produit est destiné pour les centrales électriques du pays ou le voisin thaïlandais. Des pipelines et gazoducs ont été construits pour le marché chinois avec des confiscations de terres et le recours à une main d’œuvre forcée. En revanche, le pays dispose de grandes capacités hydroélectriques ; de nombreux barrages sont en construction pour une énergie à destination de la Chine.
  • Une prépondérance de l’agriculture et du riz qui occupe environ les deux tiers de la surface cultivée et la quasi-totalité de la production céréalière. Se situant dans le triangle d’or, la Birmanie est le deuxième plus grand producteur d’opium avec près de 10 % de la production mondiale.
  • Une faible industrialisation. Les conditions de travail ainsi que les faibles salaires ont entrainé depuis une dix ans la création d’usines sous-traitantes de groupes chinois notamment dans le secteur textile ; dans leur quête de bas salaires, les industriels chinois ont transféré des unités de production du Cambodge vers certains pays comme la Birmanie.
  • Une corruption omniprésente, alimentée par une très forte implication de l’administration. Le pays est en 176ème position sur les 178 qui composent l’indice de Transparency International. Parallèlement, la Birmanie est un pavillon de complaisance.
Depuis son indépendance le 4 janvier 1948, le pays n’a pas réussi à assurer un véritable développement économique. Le changement politique de 2011 a entrainé un afflux d’aides et de capitaux étrangers et facilité une croissance plus élevée ; mais elle s’inscrit dans une forme d’anarchie sans perspective de développement durable. Au total, malgré ses nombreuses richesses naturelles, la Birmanie est un pays pauvre avec, selon le Fonds monétaire international (FMI), un PIB par habitant de 1 298 $ en 2020, classant le pays à la 160ème place sur 193 pays.
La situation politique ne va pas améliorer les perspectives économiques, même si les sanctions imposées par les États-Unis, l’Union européenne et le Royaume-Uni ne risquent pas d’avoir beaucoup d’effets dès lors que la Chine soutient le régime et fait le nécessaire pour que le pays ne soit pas asphyxié. Dans sa stratégie pour la primauté et la défense de sa dictature, la Chine n’hésite pas à soutenir les régimes autoritaires birman, iranien, nord-coréen, vénézuélien… Cette posture chinoise met à mal de par le Monde toute politique de défense des droits de l’homme et de promotion des valeurs de démocratie. Et Aung Sans un KYI est obligée de reprendre son combat après avoir largement écorné son image !
Dov ZERAH

N°249 : Aung San Sun KYI : une icone brisée

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