A l’issue d’une rencontre avec les organisations syndicales des policiers, le gouvernement a annoncé une série de mesures. Si les policiers non syndiqués estiment avoir été entendus, la réponse n’est pas « totalement satisfaisante » pour eux.
250 millions d’euros vont être débloqués en faveur de la sécurité publique, a annoncé ce mercredi soir Bernard Cazeneuve. Modernisations des armes et des protections, renouvellement du parc automobile, réflexion autour du régime de légitime défense… autant de mesures énumérées par le ministre de l’Intérieur pour répondre à la colère des policiers qui se fait entendre dans la rue depuis plus d’une semaine. « Les policiers ont manifestement été entendus, expliquent Me Laurent-Franck, choisi pour représenter ce mouvement qui se veut hors syndicats. S’il y a une réponse, c’est qu’ils ont été écoutés. » Pour autant, l’avocat, spécialisé dans le traitement des cas de légitime défense attend de voir la « concrétisation de ces moyens ». « Ca ne répond pas à toutes les revendications de la base », prévient-il alors.
Le ministre tente d’apporter une réponse à l’une des principales demandes des policiers: l’élargissement des conditions de la légitime défense. Le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas y étant clairement opposé, une proposition, faite en coordination entre les deux ministères, sur les conditions de ce régime sera faite au Parlement d’ici fin novembre.
Cet examen se fera « dans un cadre juridique dans le respect de l’état de droit », promet le patron de la place Beauvau.
Dénonçant le manque de considération, les policiers ont été en partie entendus puisque le régime juridique pour outrage à personne dépositaire de l’autorité publique va être aligné sur celui fait aux magistrats passant ainsi de six mois à un an de prison ferme. « C’est indispensable car la République ne peut transiger à l’égard de ceux qui s’en prennent à ces hommes et ses femmes qui protègent nos concitoyens », prévient le ministre. Bernard Cazeneuve a également annoncé le renforcement de l’anonymisation des procédures afin de protéger enquêteurs, à la fois dans le cadre d’enquêtes qui le justifient mais également lors d’interventions sensibles avec le port de cagoule et ainsi tenter d’éviter de répéter le drame de Magnanville.
Fin des tâches indues
Depuis plusieurs mois, les policiers expriment également leur fatigue. Pour faire face aux tâches dites indues, les gardes statiques devant les préfectures et les tribunaux vont être supprimées immédiatement et remplacées par des gardes dynamiques. Le recours à des sociétés de gardiennage va être étudié pour assurer ces gardes statiques. Par ailleurs, une convention avec les médecins de ville devrait être signée. Ces derniers viendront dans les commissariats pour la prise en charge des personnes contrôlées en état d’ébriété. Les policiers n’auront plus en charge le transport de ces individus vers les hôpitaux.
Renforts des moyens
Côté moyens, le ministre de l’Intérieur a fait état de la formation de 4.600 gardiens de la paix en 2016. A ce chiffre, s’ajoutera 4.600 autres qui sortiront d’école pour l’année 2017. Ces nouveaux effectifs seront en priorité affectés à la sécurité publique. Au premier trimestre prochain, 21.700 gilets porte-plaques (destiné à protéger des balles et des traumatismes, NDLR) et 20.000 gilets par balles individuels seront livrés aux policiers et gendarmes. 8.000 casques, 4.730 boucliers balistiques souples, ainsi que 440 fusils d’assaut HK G36 et 5.500 « armes modernes, nouvelles, compactes et maniables » vont être également fournis aux forces de l’ordre.
Enfin, les compagnies départementales d’intervention, qui assurent des missions de maintien de l’ordre et de protection des biens et des personnes, seront dotés des mêmes équipements que les Brigade anti-criminalité (BAC). Par ailleurs, dès 2017, chaque véhicule de police-secours ou équipage de gendarmerie devra être équipé d’un extincteur, d’une couverture anti-feu et d’une trousse de secours d’urgence. Des tenues résistantes au feu vont également être commandées.
« Nous déploierons des véhicules protégés dans les quartiers les plus difficiles pour aller chercher les délinquants », promet Bernard Cazeneuve, annonçant la mise en circulation de 3.080 véhicules neufs.
Cet arsenal de mesures pourrait ne pas éteindre l’incendie déclenché après l’agression violente de quatre policiers à Viry-Châtillon en Essonne. Si ce mercredi les syndicats ont été reçus, les nombreux policiers participants aux cortèges non syndiqués attendent toujours un rendez-vous avec le ministre de l’Intérieur.
Assurant que les policiers ne vont pas « bouder ces annonces qui vont dans le bon sens », il réclame que des sujets « beaucoup plus techniques, beaucoup plus directs et beaucoup moins politiques » soient désormais aborder. « Les policiers ont des revendications très basiques », admet Laurent-Franck Lienard, évoquant le simple souhait pour les agents sur le terrain d’être muni d’une lampe de poche, par exemple.« Ils exposent leur vie tous les jours pour assurer la sécurité des citoyens, ils veulent juste pouvoir le faire tranquillement avec les moyens nécessaires mais des moyens très pratiques », poursuit l’avocat. Avant de réclamer, au nom des policiers non syndiqués, un rendez-vous avec le ministre de l’Intérieur place Beauvau. « Je pense que les policiers vont avoir envie de maintenir une certaine pression », prévient-il. « Le temps de la colère est terminé, le temps de la concertation commence », conclut-il, rappelant que le plan annoncé a été réalisé en coopération avec les syndicats dont les policiers ne se réclament plus.