LA PÉRIODE AVANT CHAVOUOTH ET CELLE QUI SUIT A ALGER

Alger: souvenirs de la vie juive avant Chavouot (1/3)

Caroline Elisheva REBOUH le 22.05.2020 43e jour du Ômer

Lorsque nous étions enfants, nos camarades de classe non-juifs nous faisaient partager l’effervescence dans laquelle ils se trouvaient car, alors que chez nous, les garçons allaient à « l’Alliance » (ou Talmud Torah) chez les catholiques, ils allaient au catéchisme pour se préparer en vue de leur communion solennelle.

Au mois de mai, les communiantes vêtues de jolies robes en organdi blanc, telles de petites mariées, venaient se faire admirer des camarades de classe. Je me souviens que je demandais à mes parents pourquoi chez nous, les Juifs, il n’y avait pas de cérémonie pour les filles qui entreraient dans une période intermédiaire entre l’enfance et l’âge adulte tout comme on le faisait pour les garçons avec la Bar Mitsva.

On m’avait répondu que cela ne se faisait pas et je ne comprenais pas pourquoi on nous privait de porter une si jolie robe et d’une fête, à célébrer entre copines, d’autant plus que, déjà, avant Pessah, les grandes confiseries suspendues dans leurs boutiques surtout chez Angelot – sur des fils de fer étirés parallèlement au plafond – des « rameaux » sorte de petites branches d’arbre recouvertes de papier d’étain doré ou argenté et plein de fleurs ou de plumes et surtout de confiseries de toutes sortes (ce qui nous faisait saliver d’envie) et, nos parents nous disaient que cela ne nous été pas destiné et, même si nous comprenions ou croyions en comprendre les raisons, nous le ressentions comme une privation. ….

Après Lag BaÔmer, les jours devenaient un peu plus longs et cette période – où nous n’étions invités à aucune réception – prenait fin et nous nous en réjouissions car la fête de Chavouoth approchait avec ses délices et se profilaient enfin les grandes vacances, promesses de baignades et autres loisirs entre cousins.

 

A Chavouoth, mon Père, pour l’office du matin, se dirigeait avec mon frère et moi vers la synagogue de St Eugène où officiait le Rabbin Ben David qu’il affectionnait tout particulièrement.

Après la lecture des 10 Paroles (les dix commandements) ; des fidèles se partageaient cette lecture en judéo arabe que l’on intitulait pompeusement la « dissertation homilétique » des commandements par Saadia Gaon. Lorsqu’un jeune garçon excellait au Talmud Torah, souvent, en accord avec la famille, bien entendu, le professeur faisait apprendre l’une de ces dix paroles en judéo-arabe et, après la prestation, généralement appréciée de l’assistance, la maman faisait circuler des dragées dans les rangs des fidèles et, à la fin de l’office était offerte une collation qui était accueillie favorablement d’autant que la plupart des personnes n’avaient eu le loisir de prendre un solide petit-déjeuner et qu’avec toutes les montées au sefer torah il était plus de midi. Pour notre part, nous avions encore une bonne route à faire à pied jusqu’à notre domicile à Bab-el-Oued.

Pour l’office du soir du deuxième jour et le lendemain matin, mon père préférait se rendre chez son ami le Rabbin André Abib qui officiait à l’ancienne synagogue de la rue Suffren. Ils étaient amis et ils avaient formé un quatuor d’amis depuis leur enfance : lui, le Rabbin Abib, le Rabbin Elie Zerbib et le Rabbin Marcel Achouch. Seul mon père avait opté pour un métier puisqu’il avait opté pour une orientation dans l’enseignement puis vers le commercial…..

J’évoque ici le début des années 50 où le cimetière, dit rabbinique, situé à l’angle de la rue Suffren et de la rue Montaigne existait encore adossé si l’on peut dire à l’école communale de la rue Franklin.

Ce cimetière fut transporté à St Eugène en 1954 car, la communauté d’Alger – sous le couvert d’une aide financière conséquente du Joint (American Joint Committee) – avait décidé de construire sur cet emplacement la nouvelle école rabbinique qui, d’ailleurs, après son inauguration connut un certain succès avec tout l’apport spirituel, intellectuel et humain de la famille de Aizer Cherqui ז »ל et de Simon Darmon(הי »ו) qui y enseignait et de Jacquot Grunewald) (הי »ו qui, à l’époque, effectuait son service militaire dans l’aumônerie et, dispensait des cours de Torah et de Guemara à qui voulait y assister au centre communautaire de la rue Michelet. J’y reviendrai plus tard et plus en détail. Mais à chaque office des jeunes de la nouvelle école rabbinique, il nous entretenait de la parasha et des fêtes qui s’annonçaient….

Chez nous, nous avions l’habitude de consommer pendant les deux jours de fête des mets lactés. Une semaine avant la fête et à nouveau un jour ou deux avant Shavouoth, Maman achetait beaucoup de lait à partir duquel elle confectionnait du fromage blanc, puis des yaourts et du lait caillé. Pour l’allumage, elle confectionnait deux veilleuses dans lesquelles elle plaçait un bijou en or une noix de beurre et une cuillerée de miel puis du lait et par-dessus de l’huile d’olives.

Ce lait, d’ailleurs, sous l’effet de la chaleur des veilleuses caillait lui-même. La symbolique de ces lumières était entièrement centrée sur le fait que la Torah est plus précieuse que l’or, et que la Torah est plus douce que le miel. De plus s’ajoutait à cette symbolique celle de notre jeune pays d’Israël Eretz zavat halav oudevash – le pays où coulent le lait et le miel. Nous nous délections de ce lait caillé et de ces yaourts dans lesquels on ajoutait de la confiture faite à la maison et des gâteaux confectionnés dans la nouvelle gazinière.

Pour Chavouoth, Maman confectionnait de délicieux clafoutis aux cerises-bigarreaux ou aux abricots, des flans pâtissiers mais nous savions apprécier également le couscous au beurre et aux fèves fraîches, des quiches ou des « manchons » au fromage et aux champignons.

à suivre : Des vacances jouissives pour tous

Caroline Elisheva REBOUH 

MA Hebrew and Judaic Studies
Administrative Director of Eden Ohaley Yaacov

 

ILLUSTRATIONS :

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PLAGE POINTE PESCADE

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ENTREE DU PARC DE GALLAND

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LE MILK BAR

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Bonaparte

Pour les nostalgiques :

aller sur :

 » rue d’isly alger photos milk Bar  » .

Bonaparte

Attentat du Milk-Bar à Alger (Algérie)

Une bombe est déposée par deux femmes du FLN, Djamilah BOUHIRED et Zohra DRIFF, un dimanche en fin d’après-midi au “Milk-Bar”, un glacier fréquenté par des enfants revenant de la plage à cette heure là.

Les deux attentats conjoints du Milk-Bar et de la Cafétéria,survenus le même jour à quelques heures d’intervalle ont fait 5 morts et une soixantaine de blessés, dont Nicole GUIRAUD qui a accepté de témoigner lors du Congrès International des Victimes du Terrorisme organisé les 18 et 19 septembre 2009 à Paris par notre association.

En cette semaine de septembre 1956, les différents attentats ont fait 11 morts et une centaine de blessés.

Lire le témoignage de Nicole Guiraud, victime de l’attentat à la bombe.

Bonaparte

La photo du Milk Bar nous rappelle de mauvais souvenirs .

Rappel

 » Alger le 30 Septembre 1956 par Nicole Guiraud victime de l’attentat  » .

Extraits ;

 » Les meilleures glaces d’Alger, c’était au Milk Bar qu’on les trouvait, un glacier réputé de la ville.
Là aussi, il y avait beaucoup de monde. Des jeunes gens, mais surtout des familles avec leurs enfants.
Impossible de trouver une table libre, mon père avait donc commandé pour moi un cornet, afin de le déguster sur le chemin du retour
Je me souviens encore que nous nous trouvions près de l’entrée, à la caisse.
J’avais la glace à la main et nous nous apprêtions à sortir, lorsque l’explosion eut lieu Il était 18h35.
Ce fut un bruit assourdissant, un brouillard de fumée et de poussière jaunâtre si épais qu’il m‘aveuglait, des objets fracassés qui volaient de tous les cotés, et surtout un souffle si puissant qu’il me souleva et me projeta hors du local. Partout autour de moi, le chaos, une panique indescriptible
Je me retrouvais à l’extérieur, allongée sur le trottoir devant le petit square qui existait alors sur la place Bugeaud, au milieu d’une foule hurlante et affolée qui s’enfuyait. Les gens me piétinaient sans me voir, et j’essayais de me relever en appelant “papa, papa !”, car je ne savais plus où était mon père, etc….. etc……  » .

Bonaparte

 » Pour Chavouoth, Maman confectionnait de délicieux clafoutis aux cerises-bigarreaux ou aux abricots, des flans pâtissiers mais nous savions apprécier également le couscous au beurre et aux fèves fraîches, des quiches ou des « manchons » au fromage et aux champignons  » .

Pour nous tunisiens , ça manque un peu d’harissa .

Hocdin

Nostalgie quand tu nous tiens, Merci Caroline REBOUH POUR CE PARTAGE !
QUE DE BON SOUVENIR.