C’est une œuvre forte que l’on a pris en otage et dont on a fait la cible imbécile.

Jean-Noël Darde a révélé non pas l’emprunt qui aurait été fait dans un texte à l’œuvre de Jean-François Lyotard, mais la faculté mécanique qu’a la technologie actuelle d’identifier et de comparer deux textes pour en extraire des ressemblances.Au delà des maladresses éditoriales assumées par l’intéressé, la monomanie consistant à rechercher la copie dans le texte d’un penseur est une double ineptie.

Elle révèle par dessus tout l’inhumanité de la machine.

Cette méthode est une première fois inepte car elle ne peut permettre d’évaluer l’originalité de la pensée resituée dans son contexte et dans son sens.

Si un ordinateur peut par un algorithme comparer des suites de signes, il ne peut évidemment évaluer la portée de ceux-ci c’est à dire précisément l’expression de la pensée.

La méthode sur laquelle repose la dénonciation d’infamie, ne constitue pas une lecture du texte et encore moins une analyse de la pensée dont le texte ne se trouve qu’être le support.

Les textes concernés par la mécanique informatique utilisée sont pourtant des textes importants, pour ceux qui se donnent la peine de les lire ce qui n’est évidemment pas le cas de l’ordinateur de M. Darde.

Cette méthode est donc évidemment toute entière et au sens littéral du terme « inhumaine », elle est une pure mécanique qui ne permet pas de comprendre la pensée de l’auteur, mieux, elle la rend inaudible.

En revanche, elle permet à celui qui l’utilise comme un outil de jugement d’en faire un sujet de condamnation.

Par ce moyen, les textes ne sont rien d’autre que des suites de mots et de lettres, ils ne sont le support d’aucun sens doté d’une originalité particulière.

Il convient de s’arrêter un instant sur l’inhumanité de cette méthode, sur sa mécanique qui procède à un gommage de l’humain et de sa pensée au profit de l’alignement des similitudes emportant l’expression du discrédit.

Elle fait, me semble-t-il un écho terrible. Peu importe la pensée, hier certains parlaient de « romantisme de l’acier » (Goering), on pourrait parler aujourd’hui de « moralisme du logiciel »!

Cette méthode est doublement inepte, elle fait abstraction de ce pourquoi les textes sont faits.

Or les textes de Gilles Bernheim ne s’inscrivent pas dans un circuit mercantile.

La plaquette sur le mariage pour tous est une pensée offerte et non marchande.

Il est indiscutable que les Méditations, par la confidentialité de leur tirage, sont également des écrits donnés pour réfléchir.

Ces écrits sont dont l’expression d’une pensée offerte au débat et, qui peut le nier, une mise en risque de leur auteur qui prend parti gratuitement.

A l’instar des étudiants dans les écoles rabbiniques, il s’agit « d’ouvertures », de dons fait pour penser.

Les dénonciations de l’informaticien ne sont donc pas opérantes.

Il ne s’agit pas d’en tirer des profits de quelque nature que ce soit mais de livrer des contributions à la sagesse publique selon un éclairage particulier et précieux, une approche de certaines questions sous un angle rare, celui de la pensée juive.

Ainsi le sens du texte importe comme le sens de l’œuvre. Un livre n’est pas l’addition de signes et comme une parole le serait de bruits.

C’est de l’humain dont il s’agit et non de la machine.

Il y avait en vérité beaucoup à se réjouir de ce que la communauté juive se soit dotée d’un Chef qui avait lu Lyotard et qui ne cachait pas sa formation de philosophe !

D’un homme doté d’une telle valeur que le poids de sa parole et de ses mots font l’objet d’une écoute au delà des murs de la communauté, participe au débat inter-religieux et fixe une intuition pour ceux cherchent des repères dans une société aussi incertaine que la notre.

La pensée de Gilles Bernheim se situe à la confluence de la tradition judaïque et de la philosophie.

Elle est en ce sens une présence précieuse particulière dans le débat public.

Elle frappe par sa pertinence sur les questions importantes que sont notamment celles de la présence du judaïsme dans l’histoire de France en tant que composante indétachable de ses institutions républicaines et de sa culture.

C’est à bien des égards une pensée qui questionne la nécessaire restitution du rôle et l’utilité du sacré dans la République laïque.

Qui peut oublier la profondeur des mots prononcés après la tuerie de Toulouse et l’expression traduite de cette pensée qui veut que la République soit la garantie de la sécurité de toutes et tous, quelles que soient leurs croyances.

Gilles Bernheim, penseur de la contemporanéité du judaïsme français l’a placé dans le corps des institutions de la République et permis d’en tracer une partie de son inspiration historique, l’humanisme.

Il s’agit d’une pensée en opposition frontale avec les maurrassiens de tous bords.

Elle affirme que l’idée même de laïcité républicaine s’inspire d’un humanisme lui même consubstantiel à la tradition juive.

L’humain au centre de la pensée, objet de la pensée.

Avec Lévinas et d’autres, il affirme une œuvre tournée vers la préoccupation de l’autre.

C’est pourquoi il est indispensable que cette pensée demeure vive, l’enjeu de sa mise en cause dépasse de loin les questions de pouvoir.

Pour les questions qu’elle pose, elle doit être défendue avec ardeur.

Jean-Marc Fedida/ Huffington Post.fr Article original

TAGS : Gilles Bernheim Philosophie judaïsme français Lyotard

Lévinas laïcité républicaine France Consistoire

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betsalel

Tout d’abord sachez bien que si le grand rabbin de France s’appellait Bouzaglo au lieu de Berheim il y aurait eu des effets bien plus grand
Il faut savoir qu’un grand ou un petit rabbin n’est jamais elu, il ne vaut que par ses élèves qui l’ecoutent ou qui perpetuent son enseignement.
Dans quelle yeschiva Berheim enseigne? où est-elle?
La semaine dernière nous lisions dans Perkei Avot ( les maximes de nos pères) qu’il ne faut pas se servir de la Thora pour se faire valoir, c’est ce que Berheim a fait. Son titre ronflant de grand rabbin de France lui permettait de se pavaner dans les salons ministeriels et craner. Pourtant, il est écrit dans les Perkei Avots qu’il faut s’eloigner des honneurs et des flatteries, Berheim n’a pas appliqué cette maxime il courrait les redactions et les interviews .
Je pense que Berheim avait cette volonté d’arriviste depuis une trentaine d’années, je l’ai connu au centre E.Fleg où il donnait des cours aux étudiants, et il avait déjà un discours qu’il orientait en fonction de son auditoire, c’était déjà une girouette, il fallait qu’il plaise à son public
L’ORGEUIL!!!! GAHAVA!!!! voilà la profonde et juste raison pour laquelle il a menti.
Shabbat Shalom

Raphael DRAY

Cette réflexion salutaire arrive hélas tardivement compte tenu de la manière expéditive avec laquelle l’institution mère a cru devoir régler la question.