Après les critiques d’Arnaud Montebourg sur la politique économique du gouvernement, Manuel Valls va procéder mardi 26 août à un remaniement de son équipe. Un gouvernement plus en phase avec les choix du chef de l’État mais qui risque de disposer d’une majorité de plus en plus fragile au Parlement.

L’ancien ministre de l’économie Arnaud Montebourg et Manuel Valls en avril.

La réaction ne s’est pas fait attendre. Après avoir laissé entendre dimanche soir qu’Arnaud Montebourg avait « franchi la ligne jaune », le premier ministre Manuel Valls a présenté lundi 25 au matin la démission de son gouvernement et le chef de l’État lui a confié le soin de former une nouvelle équipe qui sera présentée aujourd’hui.

« Consensus absolu » sur la démission

Une décision qui a fait l’objet « d’un consensus absolu » entre les deux têtes de l’exécutif, a immédiatement fait savoir l’Élysée. Le but est de constituer un gouvernement « en cohérence avec les orientations qu’il (François Hollande-NDLR) a lui-même définies pour notre pays ».

Fini donc les « couacs » à répétition qui avaient marqué le gouvernement de Jean-Marc Ayrault et les atermoiements sur la ligne politique. « Il y avait une nécessité pour l’exécutif de constituer ce qu’il avait annoncé dès la nomination de Manuel Valls à Matignon, un gouvernement de combat, pas de débats » analyse Stéphane Rozès, président de CAP conseil et professeur à Sciences-Po et HEC.

Après l’entretien accordé au Monde la semaine dernière dans lequel le président de la République réaffirmait avec force le cap choisi, celui de la priorité donnée à la réduction du déficit et au soutien à la compétitivité des entreprises, ce remaniement sonne donc comme une clarification.

Montebourg préconisait « un autre chemin »

Après les députés socialistes « frondeurs » qui avaient remis en cause le bien-fondé de cette orientation, allant jusqu’à voter contre le pacte de responsabilité, le doute avait gagné ces dernières semaines les rangs du gouvernement, exacerbé par les mauvais indicateurs économiques de la rentrée.

Arnaud Montebourg, dont les positions sur le sujet ne sont pas nouvelles, avait dès juillet préconisé « un autre chemin pour le rétablissement de nos comptes publics » selon la règle des « trois tiers » : un tiers des 50 milliards d’économies attribué à la réduction des déficits, un tiers au soutien aux entreprises et un tiers aux mesures en faveur du pouvoir d’achat, afin d’atténuer les effets récessifs de la rigueur budgétaire. Quitte à engager un bras de fer avec l’Allemagne pour obtenir un assouplissement des règles budgétaires européennes.

Mais en affirmant le week-end du 23 au 24 août que « les choix politiques n’étaient pas figés » et qu’il y avait « toujours une alternative », Arnaud Montebourg s’est clairement placé en opposition au chef de l’État. Tout comme le ministre de l’éducation nationale Benoît Hamon, qui lui a emboîté le pas, se jugeant « pas très loin des frondeurs ».

Filippetti et Taubira vers la sortie ?

Les deux ministres, dont les positions ne sont pas exemptes de calculs politiques dans la perspective du congrès du PS en 2015 et de l’échéance de 2017, devraient donc en toute logique quitter le gouvernement. Ainsi que ceux qui ne seraient pas en accord avec la ligne fixée par l’exécutif. Ce sera le cas de la ministre de la culture Aurélie Filippetti, qui l’a fait savoir lundi après-midi, et peut-être aussi de la garde des sceaux Christiane Taubira.

« Pour François Hollande, le chemin est étroit entre redressement économique du pays et réorientation de la politique européenne en faveur de la demande, estime Stéphane Rozès. Il ne pouvait être dans une situation de débats perpétuels ».

Le président prend toutefois le risque de se couper un peu plus de la base du PS et de voir sa majorité au Parlement s’éroder un peu plus. Surtout dans la perspective du débat budgétaire sur la loi de finance pour 2015 qui doit avoir lieu début octobre.

« Une crise politique n’est pas complètement exclue »

« Au fond, ils n’échappent pas à ce à quoi tous les dirigeants du PS ont échappé depuis 1983 : une clarification du PS sur sa ligne politique, décrypte le politologue Gérard Grunberg. Ce serait une bonne chose si le gouvernement était capable de maîtriser son parti et son groupe parlementaire. Mais là, une crise politique n’est pas complètement exclue ».

L’opposition, par la voix du secrétaire général de l’UMP Luc Chatel, considère que la crise est déjà ouverte, tandis que Marine Le Pen, la présidente du FN, appelle purement et simplement à la dissolution de l’Assemblée.

Un remaniement utile pour forcer la main à Merkel ?

« Les institutions de la Ve République donnent les moyens au chef de l’État de poursuivre sa mission », relativise Stéphane Rozès, qui minimise par ailleurs les divergences entre Arnaud Montebourg et le couple exécutif.

« C’est plus une opposition sur les moyens de faire qu’une opposition idéologique, explique-t-il. Le couple exécutif pense qu’il faut d’abord réaliser les réformes structurelles sur l’offre pour tenter ensuite d’obtenir d’Angela Merkel une politique de relance au niveau européen. Arnaud Montebourg, lui, pense que la politique d’austérité va droit dans le mur et conduit à la déflation en Europe. »

Il n’est pas impossible d’ailleurs que ce « coup de gueule » et ce remaniement servent les intérêts de François Hollande dans la perspective du prochain Conseil européen prévu à Bruxelles le 30 août. « S’il doit y avoir soutien de la demande, il doit se faire au niveau européen et c’est ce que la France va porter dans le débat qui s’engage avec nos partenaires » avait indiqué jeudi le chef de l’État.

CÉLINE ROUDEN – LA CROIX Article original

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