Le 9 Février se tient le traditionnel dîner républicain du CRIF et c’est l’occasion de se poser la sempiternelle question. A chaque campagne électorale du Consistoire de Paris revient une déclaration d’intention unanime des candidats : «Il faut réintégrer le CRIF.»
Et puis, passé le temps des votes et des résultats électoraux, cet engagement est perdu de vue et personne ne leur rappelle leur promesse.

Il faudra probablement attendre la prochaine échéance ( 2013 ) pour que cette question revienne sur le tapis et suscite à nouveau des débats dans la presse et la radio juives.

Le 20 janvier dernier, dans les colonnes d’Actualité Juive, le président Richard PRASQUIER revendiquait avec force le pluralisme du CRIF, ce qui m’incite à revenir sur quelques points fondamentaux :

A la fin de la période d’Occupation, la communauté juive française se trouvait dans une situation dramatique : des juifs cherchant à échapper aux rafles, aux arrestations, et à la déportation, d’autres entrant en résistance, et partout une immense détresse. Dans ce contexte désespéré, les responsables des organisations juives sentirent l’impérieuse nécessité d’une union sacrée. La naissance du CRIF pendant l’hiver 1944, avec le Consistoire et d’autres organisations ne partageant nullement la même vision du judaïsme, traduisait cette volonté d’unité, indispensable à la survie de la Communauté, et fondement d’une communauté juive moderne.

Par la suite, des problèmes nouveaux surgirent : comment appréhender la période post-Shoah, comment accueillir les frères venus d’Afrique du Nord, comment répondre à la promesse messianique de la renaissance de l’état d’Israël, comment combattre l’antisionisme, nouvelle forme d’antisémitisme, comment surmonter les crises économiques et morales. Il fallait adapter les structures de la Communauté à ces bouleversements, sans perdre de vue l’indispensable unité. Les responsabilités ont été réparties, de façon rationnelle entre trois principales institutions : Au Consistoire, la responsabilité du Culte, au Fonds Social, la responsabilité du Social et du Culturel, au CRIF, la lutte contre l’antisémitisme et toutes velléités discriminatoires, la responsabilité de veiller aux principes fondamentaux de la République française qui permettent le libre exercice du culte, le soutien aux Juifs persécutés ou menacés de par le monde. Sans oublier le rôle central de l’Alliance Israélite Universelle qui, depuis 1860, diffuse dans ses écoles en France et à l’étranger, la culture française et la culture juive.

Au fil des années, on assiste à une remise en cause de cette répartition des rôles, l’exercice de la mission dévolue à chaque institution posant de plus en plus de problèmes. Le FSJU gère la tsedaka alors que le Consistoire s’occupe du social de proximité. Autre objet de contentieux : le culturel qui est traité à la fois par le FSJU et par le Consistoire, lorsque le lien avec le patrimoine religieux est évident, ou encore l’A.I.U. dont les manifestations attirent un public nombreux. Quant à la relation avec les pouvoirs publics, elle est recherchée par chacune des organisations, à des fins spécifiques, créant fréquemment des embouteillages de visites chez les mêmes ministères.

Les débats de société devenant de plus en plus complexes sont susceptibles de susciter des conflits entre les uns et les autres. Chacune des grandes institutions a d’excellentes raisons d’agir, sans qu’il y ait obligatoirement rivalité ou concurrence, d’autant plus qu’on y rencontre localement les mêmes personnes. Il faut convenir qu’une seule institution, même majoritaire, ne peut pas représenter tous les juifs dans leur diversité idéologique, religieuse ou culturelle. Mais il n’en demeure pas moins que le CRIF constitue actuellement l’un des rares points de rencontre où des segments très divers de populations peuvent entretenir des dialogues directs.

L’institution consistoriale a, avec d’autres forces et d’autres courants de pensée, donné naissance au CRIF dans la période sombre de Vichy . Elle fait partie de l’armature morale qui légitime l’action du CRIF Dès lors que les Juifs de France ne sont pas homogènes, le lien entre eux est un lien spirituel ( leur adhésion familiale à un degré quelconque, à la religion juive). Qu’il soit pratiquant ou détaché de toute pratique religieuse, un Français se définit comme juif et est reconnu comme juif, à partir de cette adhésion.

Le CRIF ne peut exprimer ce lien, si l’Institution qui de tradition incarne cette spiritualité, se tient à l’écart du CRIF. Le CRIF est vidé d’une partie de sa substance si le Consistoire, qui symbolise le socle religieux et est reconnu comme tel par les pouvoirs publics, n’en fait pas partie. A titre d’exemple, le passage suivant de la Charte du CRIF lève toute ambiguïté en ce qui concerne la vision commune entre les deux institutions et rien ne justifie qu’on s’en écarte : «  Un attachement de près de 4000 ans lie l’âme juive à la terre d’Israël. Ce lien historique, spirituel et vital explique que la Communauté juive de France reconnaisse en «Israël», l’expression privilégiée de l’être juif. Toute menace à l’existence de l’état d’Israël est vécu par la Communauté juive comme une atteinte à son intégrité, à sa mémoire collective, à sa foi, à son espérance, à sa dignité.

Emile Touati écrivait avec juste titre : «Il est illusoire de prétendre rassembler tous les juifs de ce pays…il convient de créer et de maintenir un noyau solide et rayonnant, minoritaire certes, comme tout noyau, mais indispensable pour que la périphérie puisse avoir un sens, un quelconque dénominateur commun et des virtualités d’action coordonnée en cas de nécessité. 

Le fait de réintégrer le CRIF pour le Consistoire ne signifie nullement que l’institution politique a la primauté sur les autres, mais qu’une entente effective favorise des analyses communes et une véritable concertation. Tout le monde y gagnerait sans perdre «son âme». Finis les empiétements, finies les querelles byzantines, finis les conflits personnels stériles, finies les bousculades pour être les premiers face au pouvoir politique. Résultat : une heureuse harmonie qui encouragera les jeunes générations, qui veulent assumer le leadership de demain, à se présenter aux prochaines élections.

Alors, à quand le retour du Consistoire au CRIF ?

Moise COHEN

Président d’Honneur du Consistoire de Paris

Ancien Vice-Président du CRIF

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Haïm

Le Consistoire ne peut pas être un organisme au sein du Crif au même titre que certains groupuscules laïcs ou fort peu sionistes qui font parti de la nébuleuse.
J’ai cherché sans succès à comprendre comment le Crif est articulé et dirigé. Si quelqu’un peut m’expliquer ca m’intéresse. Mais franchement ca à l’air plus qu’opaque. Il y a bien une liste des associations affiliées mais rien sur la répartition, les nombres d’adhérents respectifs, … Et certaines de ces associations laissent songeur.