Ce démocrate juif vient juste de devenir le meilleur espoir pour défier le 3ème sacre de Poutine

L’homme politique russe Grigory Yavlinsky, lors d’une cérémonie en l’honneur du chef de l’opposition, Boris Nemtsov -assassiné avec la participation probable du FSB de Poutine,avant de révéler des informations sur la présence russe en Ukraine-  au centre Saharovsky de Moscou, le 3 Mars 2015. (Sefa Karacan/Anadolu Agency/Getty Images)

(JTA) — L’interdiction faite au principal dirigeant de l’opposition, Alexei Navalny, de se présenter aux élections présidentielles est certainement un très mauvais point pour la caricature de démocratie régnant en Russie, mais c’est un avantage pour  Grigory Yavlinsky, un homme politique juif de tendance libérale, qui en ressort, à présent, comme le principal rival face au très (tout-) puissant Vladimir Poutine.

Yavlinsky est économiste et ancien vice-Premier Ministre, dont la mère, Vera Naumovna, était juive. Mercredi 17 janvier dernier, il a recueilli et soumis au comité central des élections les 100.000 signatures requises pour obtenir le droit de se lancer dans la course présidentielle en mars prochain.

Cela fait de lui la seule personnalité largement reconnue au sein de l’opposition, dans cette compétition électorale, à la suite de l’annulation de la candidature d’Alexei Navalny, figure nationaliste, disqualifié à cause d’accusations de fraude en 2014 – une condamnation que la principale Cour des Droits de l’homme en Europe a déclaré n’être qu’une manipulation du système judiciaire sous l’entier contrôle de Poutine.

Bien sûr, ce la ne veut pas dire que Yavlinsky, cofondateur du parti Yabloko, puisse avoir la moindre chance objective de devenir Président.

Les élections sont largement considérées comme truquées en Russie, un pays  classé comme plus restrictif que l’Iran et le Yémen, dans l’index de la « Maison des Libertés dans le monde en 2017 ».

Mais l’élimination de Navalny ne signifie pas que Yavlinsky, 65 ans, dont le meilleur résultat électoral était de 7, 4% lors du vote de 1996 pour les élections présidentielles, aurait maintenant une chance de rassembler l’opposition fractionnée et divisée derrière lui. Cela permet, au mieux, à Yavlinsky, de mettre à mal la victoire quasi-certaine et déjà acquise de Poutine, selon Roman Bronfman, un analyste israélien de la Russie, prédominant dans son domaine, qui, comme Yavlinsky, a grandi de ce qui est aujourd’hui, l’Ukraine.

« Si Navalny approuve la candidature de Yavlinsky, il pourrait bien réaliser un score important dans ces élections, parce que l’opposition contre Poutine reste forte, bien que réprimée », souligne Bronfman pour JTA.

Navalny était parvenu à un tel résultat, lors des élections de 2013 pour la mairie de Moscou, en terminant second à la candidature du parti majoritaire, avec 27% des votes. C’est probablement bien pourquoi il s’est retrouvé être la cible de cette élimination politique.

Boris Nemtsov, un autre dirigeant juif de l’opposition qui a aussi été vice-premier Ministre, a, quant à lui, été purement et simplement assassiné tout ès du Kremlin, en 2015, juste après avoir déclaré qu’il se présenterait contre Poutine en 2018.

Mais, s’il n’obtient pas l’adoubement de Navalny, Bronfman est beaucoup plus mitigé quant aux chances réelles de Yavlinsky.

« Il est trop libéral », déclare Bronfman à propos de Yavlinsky, qui s’est opposé à la guerre de la Russie en Tchéchénie et s’est même rendu dans cette zone à prédominance musulmane de la Russie pour négocier une trêve dans les années 1990. – s’offrant comme otage aux rebelles en échange de la libération d’autres Russes-. « Et il n’est pas charismatique. Il n’a pas cette aura dont bénéficie Navalny, lorsqu’il concourt pour lui-même ».

Boris Nemtsov, en 2014, autre leader juif de l’opposition. Il a été assassiné près du Kremlin en 2015 après avoir déclaré sa candidature contre Vladimir Poutine en 2018. (Alex Wong/Getty Images)

Comme Nemtsov, Yavlinsky, est un opposant constant de l’annexion de la Crimée en 2014, par la Russie – une position qui lui a valu des menaces de mort de la part de nationalistes qui le vilipende comme un traître. De ce point de vue, il est difficile à un nationaliste comme Navalny de soutenir ouvertement Yavlinsky.

Navalny appelle plutôt à un boycott de protestation de ces élections – une démarche qui ne va probablement pas bousculer  beaucoup l’emprise absolue de Poutine sur le pouvoir, mais qui aurait un potentiel très réel de paralyser la tentative de Yavlinsky.

L’appel au boycott divise l’opposition, selon Andreï Kalish, un homme politique russe, journaliste et militant des droits de l’homme.

« D’un côté des barricades, il y a les forces qui se réunissent autour de l’appel de Navalny », en vue d’un boycott, écrit-il dans un  éditorial publié jeudi sur le site internet Open Democracy. De l’autre côté, « il y a le parti dirigeant ainsi que le parti libéral Yabloko et Ksenia Sobchak,” une candidate indépendante, présentatrice de télévision qui a aussi des racines juives.

Ksenia Sobchak

 

Ksenia Sobchak fait partie des dizaines de personnalités ayant annoncé leur intention de concourir à la présidence, mais doivent encore soumettre leurs 100.000 signatures requises. Ils ou elles ont jusqu’au 31 janvier pour le faire.

Tous les candidats enregistrés qui défient Poutine lors de ces élections- dont Vladimir Zhirinovsky, ultra-nationaliste qui fulmine fréquemment contre les Juifs – ont déclaré avoir des origines juives.

Si la participation de Yavlinsky à ce scrutin est confirmée, il deviendra le troisième candidat inscrit pour ces élections de mars, après le candidat Pavel Grudinin, du Parti Communiste – un choix improbable pour beaucoup de Russes qui conservent la mémoire amère de ce qu’est le communisme- et Zhirinovsky, le provocateur ultra-nationaliste, qui, également, a probablement très peiu de chance de rallier les électeurs en quête de liberté et qui en ont assez du régime de Poutine.

C’est en partie pourquoi Bronfman pense que les origines de Yavlinsky ne sont pas nécessairement un obstacle électoral pour lui.

« Bien qu’il soit d’ascendance ukrainienne et d’origine juive, d’autres le sont aussi, autant dans l’opposition que du côté de Poutine, aussi n’est-ce pas un facteur déterminant », a déclaré Bronfman.

Cela peut aussi expliquer pourquoi Yavlinsky fait partie de ces politiciens juifs en Russie, – comme d’autres personnalités comme Yevgeny Roizman, Nemtsov et Sobchak — qui parlent ouvertement de leurs origines juives.

« Je n’ai jamais dissimulé le fait que la mère est juive », déclarait Yavlinsky dans une interview en 2001. « Comment quiconque pourrait-il renier sa mère? ».

L’ouverture est une marque de fabrique chez Yavlinsky, qui, de manière assez inhabituelle pour un homme politique russe, parle de manière candide de son enfance et d’autres aspects de sa vie.

Il ne présente pas d’excuses du fait que ses deux fils vivent au Royaume-Uni – un fait que les opposants citent parfois comme un signe qu’il manquerait de patriotisme.

Lors d’une interview en 2016, Yavlinsky disait qu’ils étaient partis pour raisons de sécurité à la suite de l’enlèvement de son fils aîné en 1994. Les kidnappeurs ont coupé certaines phalanges du doigt de son fils et l’avait envoyé par la poste à Yavlinsky, avec une note disant : « A moins que tu ne quitte la politique, on coupera la tête de ton fils ». Mais ils ont fini par libérer le captif, qui a pu bénéficier d’une chirurgie réparatrice de son doigt re-transplanté.

Yavlinsky aime aussi parler de boxe, un sport dans lequel il a excellé étant jeune, en étant champion d’Ukraine junior en 1968.

Pourtant, fréquemment, les origines juives de Yavlinsky ont été utilisées contre lui au cours de sa carrière politique.

Lors d’un rassemblement électoral – Yavlinsky s’était présenté à la présidence en 1996 et en 2000, et sa tentative a été rejetée en 2012, sur des allégations d’irrégularités dans sa liste des 100.000 signatures – un perturbateur lui a lancé : « Comment un Juif ose t-il même rêver de devenir président de Russie? ».

C’était une référence au sentiments antisémites persistants, axés sur rôle marginal des Juifs dans la révolution communiste et les régimes qui lui ont fait suite. Cela avait déclenché une réplique de Yavlinsky, qui était lancée comme une pointe d’humour.

« Les Juifs ont donc fait tellement de mal à la Russie que c’est bien pourquoi ils sont obligés de prendre un rôle actif pour en réparer les conséquences! « , se rappelle Yavlinsky d’avoir répondu à ce perturbateur. « Bien sûr, c’était une blague et l’auditoire s’est mis à rire et l’atmosphère est soudainement devenue beaucoup plus légère ».

En dépit de ce type de relents dans les échanges, Yavlinsky assure que la société russe n’est pas antisémite et que sa popularité chez certains électeurs le prouve.

« Après l’auto-destruction du système bolchevique, il est devenu évident que l’antisémitisme en Russie était principalement de nature étatique » et ne constituait pas une part de la culture sociétale, a t-il dit lors d’une interview en 1999 à CNN. Quant au niveau de sa persistance en Russie : « La création d’un nouvel état démocratique et fort endiguera l’antisémitisme ».

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joseph

Stipendier : Avoir à sa solde; payer quelqu’un pour accomplir une tâche