En temps de crise, la mécanique démocratique semble dangereusement encline à tourner dans le vide : à peine des Grecs ont-ils voté le 7 mai qu’on prévoit qu’ils devront illico retourner probablement aux urnes pour réélire leur ingouvernable Parlement.

La France n’en est pas là. Elle s’est choisi en tout bien tout honneur un nouveau président pour cinq ans.

Il n’empêche, on devrait s’étonner car pendant de longs mois le pays s’est passionné pour des présidentielles qui semblaient tout remettre en question – le libéralisme, les socialismes, la viande halal, les mariages homosexuels, le chômage, l’école, la jeunesse, les traditions, les religions…

Néanmoins, frottez-vous les yeux, une fois le nouveau président désigné l’indécision n’est pas levée.

Combien d’austérité ?

Combien de relances ?

Lesquelles ?

Comment s’entendre avec l’Allemagne ?

Faut-il sauver l’euro ?

Où va l’union européenne ?

Hier comme aujourd’hui, la gauche est divisée, la droite tout autant, les extrêmes parient plus que jamais sur un protectionnisme surréaliste au pire à l’échelle de la France, au mieux à celle d’une Europe illuminée par les flambeaux parisiens.

Laissons les commentateurs spéculer sur les choix de François Hollande, leurs incertitudes prouvent que l’élection n’a rien décidé.

Pourtant aucun camp ne s’est privé d’appeler à la rescousse les grands mots et les idéaux suprêmes – le Peuple, la République, les Valeurs, la Culture, la Nation… Que sais-je ?

On a agité alternativement les drapeaux (souvent les mêmes), puis chanté l’hymne national en invoquant les pères fondateurs (souvent les mêmes), quitte à s’accuser mutuellement d’usurpation d’héritage.

Loin de se dissiper, la confusion fut aggravée, le débat strictement franco-français n’éclairait aucune lanterne.

Pendant six mois, l’affrontement respecta le huis clos ; rarement évoqué, le monde extérieur fonctionnait comme un épouvantail.

Regardez la Grèce, l’Espagne et l’Italie… !

Sans entrer dans les détails, on exorcisa bravement la désindustrialisation et les petits malins rêvèrent démondialisation et fermeture des frontières.

Le déni de réalité battait son plein, la France se réfugia derrière une ligne Maginot mentale en réinventant le capitalisme dans un seul pays.

Au lendemain des festivités électorales, elle a la gueule de bois.

Hollande ou pas Hollande, les crises mondiales se succèdent.

« M. Yes-We-Can » semble ne « pouvoir » qu’une seule chose : imprimer des dollars, au bénéfice de la consommation américaine et au détriment de la planète.

Les autocrates chinois, pas dupes, utilisent ces liquidités pour acheter l’Afrique et se réarmer.

Poutine, fidèle à lui-même, réprime, corrompt tous azimuts, tient la dragée haute aux amateurs de gaz, modernise son armée et se promet un trône quasi perpétuel.

L’Europe affolée se souvient parfois que la précédente crise générale, 1929-1930, accoucha de la Seconde Guerre mondiale, soit 50 millions de morts.

Silence, n’évoquons pas les spectres indécents !

Reste que le monde « extérieur », que les présidentielles françaises ont remisé au magasin des accessoires, demeure un « Chicago » planétaire où les despotes, les corrupteurs, les mafias, les terroristes jouent avec des allumettes parfois nucléaires.

Les élections peuvent être une formidable occasion de confronter le citoyen à des choix clairs et à des engagements décisifs.

Cette fois, la clarté ne vint pas au rendez-vous.

L’actualité mondiale évacuée en coulisse, divers fantômes se disputèrent l’estrade.

On eut droit à la réincarnation de Robespierre (10 % des voix), de Jeanne d’arc (18 %), pour au second tour tomber au plus bas, dans le ridicule et l’ignominie, en fustigeant la moitié des votants (48,3 %) censée se vouer à un remake de Pétain, l’homme qui livra la France aux Allemands.

L’histoire de France recouvrit de ses exhalaisons mythologiques la réalité brute et brutale d’un aujourd’hui occulté.

Le plus triste – à la différence des présidentielles de 2007 – fut l’absence de prise en compte des droits de l’homme, cet étendard que la France se targue de relever.

L’autisme en la matière fut tel que pas un candidat n’évoqua les récents sauvetages de peuples en danger à Tbilissi, Benghazi, Abidjan, ni celui qui aurait pu en tirer gloire, ni son adversaire bien entendu.

La maladie atteint son comble dans la forclusion partagée d’un crime qui venait de faire la une de la presse : oubliée l’épouvantable tuerie de Toulouse, oubliées les victimes, oublié son auteur, oubliée la menace d’un terrorisme international.

Pourquoi un tel mutisme ?

S’imagine-t-on que notre Europe se serait émancipée du partage de Yalta sans la lucidité et le courage des révoltes dissidentes qui firent chuter le mur de Berlin ?

Peut-on supposer un seul instant que sans les libertés d’information et d’expression on puisse contenir la corruption mondialisée – ce fléau plus dangereux que la dissémination nucléaire, selon Khodorkovski ?

Les despotismes de tous poils, qui étouffent et ensanglantent notre monde, s’engraissent de notre indifférence.

Ne méritent-ils pas que les peuples heureux, qui décident démocratiquement de leur destin, s’en préoccupent ?

La fête est finie.

Les drapeaux repliés.

Je pense le cœur serré à mes amies et amis de Damas, de Grozny, de Moscou, de Pékin, de Tunis, du Caire ou de Téhéran, qui risquent chaque jour leur vie pour arracher une liberté dont nous faisons un si égoïste et myope usage.

Il n’y eut pas un mot pour eux.

André Glucksman/ Le Figaro.fr Article original

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