Le film « Salafistes » de François Margolin et Lemine Ould Salem doit sortir en salles ce mercredi 27 janvier. Mais le ministère de l’Intérieur l’accuse… d’apologie du terrorisme ! Les plus grandes menaces pèsent sur la diffusion de ce document courageux. Et la décision finale appartient à Fleur Pellerin, ministre de la Culture.Omar Oul Mohamed, un des leaders du groupe Ansar Dine, à Tombouctou, en 2012.

Un procès orwellien s’orchestre contre la sortie, ce mercredi 27 janvier, de l’extraordinaire document réalisé par les cinéastes François Margolin et Lemine Ould Salem. Le film « Salafistes », auquel Marianne avait consacré plusieurs pages en décembre dernier (), a fait l’objet d’un avis négatif du ministère de l’Intérieur lors de la commission de classification des films qui délivre les visas d’exploitation.

Présenté la semaine dernière au Festival des programmes audiovisuels de Biarritz, il a été mis à l’index avec des projections publiques d’abord interdites, puis finalement, devant le tollé suscité, ouvertes à un nombre restreint de spectateurs. Si la censure totale s’avère difficile — elle est utilisée dans des cas rarissimes — c’est au mieux une interdiction aux moins de 18 ans qui se profile. Ce serait tuer le film dont les distributeurs ne se presseraient pas au portillon pour le présenter. Il ne pourrait plus être diffusé par la télévision alors qu’il a été réalisé en collaboration avec France 3 et Canal +.

Devant cette affaire, que seule la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, peut trancher, le vertige nous saisit. « Salafistes » est une œuvre majeure, tournée en prenant des risques considérables. On y voit le djihad filmé de l’intérieur, au Mali, à Tombouctou au printemps 2012, avant l’intervention française, puis en Mauritanie, près des idéologues du salafisme, en Tunisie au cœur du discours des extrémistes du groupe Ansar al Charia. Grâce à la rigueur et à la détermination des enquêteurs, on découvre l’articulation des discours de mort, leur phraséologie de l’extermination de l’autre et sa mise en pratique.
Combien faudra-t-il de morts pour qu’on cesse, dans la coulisse, d’inverser la réalité ?
Cette planète folle des criminels qui nous menacent, au loin et tout près, tirent sur nos rédactions, nos policiers, sur les juifs, sur les jeunes attablés aux terrasses, cette planète a sa logique. Elle est un contre-monde, basé sur la haine et aujourd’hui renforcé, hélas, par le déni bêtifiant et lâche que Marianne dénonce inlassablement. Combien faudra-t-il de morts pour qu’on cesse, dans la coulisse, d’inverser la réalité ? Comment le représentant du ministère de l’Intérieur à la commission du visa a-t-il pu conclure, noir sur blanc, dans les attendus, à « l’apologie du terrorisme » pour un film qui combat ce même terrorisme avec une efficacité qui mérite la diffusion à grande échelle ?

Avons-nous déjà plongé dans le monde d’Orwell où le bien est devenu le mal et l’amour la haine ? En sommes-nous à la phase 1 du « 2084 » de Boualem Sansal, l’écrivain algérien qui a vécu naguère, dans les années 1990, avec tous ses compatriotes, l’infamie du « Qui tue qui ? », la campagne médiatique visant à transformer les victimes des Groupes islamiques armés, les GIA, en coupables en blanchissant les islamistes de leur barbarie ? Comment la détermination du gouvernement à lutter contre le fanatisme peut-elle s’accommoder de tels errements ? La soumission et la peur rampent-elles dans les coulisses ? On espère que Fleur Pellerin, ultime décisionnaire, lèvera au plus vite ces ambiguités nauséabondes. La ministre de la Culture doit reconnaitre à « Salafistes » le droit d’être vu par le plus grand nombre.  

marianne

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