Encore un an d’abus des comparaisons avec la Shoah

 

Dans un monde devenant de plus en plus chaotique, l’abus des comparaisons avec la Shoah et l’emploi d’un vocabulaire issu de cette période ont continué d’augmenter au cours de ces douze derniers mois. Les fausses comparaisons morales d’événements et de questions relatives à Auschwitz, à Hitler, aux Nazis ou à la souffrance des Juifs sont devenus tellement communs qu’à la différence d’il y a quelques années, il n’est désormais plus possible d’en restituer un compte-rendu exact.

Ces comparaisons correspondent à un phénomène de dégénérescence. Ceux qui les manipulent tentent d’attirer l’attention publique sur eux, de gonfler leur ego ou de favoriser leur cause personnelle. C’est ce dont on se rend compte en observant les comparaisons avec Hitler. L’élection de Donald Trump comme Président des Etats-Unis a débouché sur une série d’insultes de ce genre. « Comparer Trump à Hitler est le pire type de discours d’appel à la haine », est le titre d’un article de l’éditorialiste et auteur James Marshall Crotty. Il écrit : « Ces comparaisons avec Hitler et la Shoah sont grossièrement irresponsables[1]« . C’est en fait une sous-estimation de la gravité du geste. Sont comparaisons sont malfaisantes.

Le Président du Mexique, Enrique Pena Nieto, a comparé Trump, avant qu’il ne soit élu, à Hitler et à Mussolini. Quelques mois plus tard, Nieto a déclaré qu’il n’avait fait cette comparaison « uniquement » (sic) comme un rappel de la dévastation semée parle passé[2]. Deux anciens Présidents du Mexique ont aussi comparé Trump avec Hitler. Felipe Calderon, qui a été président entre 2006 et 2012, a déclaré que « Trump exploite les ressentiments comme Hitler l’a fait à son époque ». Son prédécesseur Vicente Fox a affirmé sur CNN que Trump « me rappelle Hitler[3]« .

Au cours de sa campagne électorale pour devenir le candidat Républicain, le gouverneur de l’Ohio John Kasich a publié une publicité comparant la rhétorique de Trump au Nazisme. Si ses affirmations, consistant à dire que Trump diabolisait les Musulmans et les Mexicains tout comme Hitler diabolisait les Juifs, étaient vraies, alors ces deux groupes parmi la population américaine auraient dû, à présent, avoir perdu une bonne partie de leurs droits civiques[4].

Un membre de l’Administration Trump a soulevé un tollé à cause d’une autre comparaison encore avec Hitler. Le Secrétaire et porte-parole de la Masion Blanche dans ses relations avec la presse a suggéré que le Président syrien Bachar El-Assad aurait agi pire que ne l’aurait Hitler quand il a utilisé des armes chimiques. Spicer a prétendu qu’Hitler lui-même n’aurait pas fait de telles choses. Il a ainsi ignoré l’usage massif des gaz chimiques dans le meurtre des Juifs principalement, au sein des camps de concentration allemands. Spicer a, plus tard, présenté ses excuses[5]. Sur Twitter, Trump a comparé les services de renseignements américains aux Nazis : « Les services de renseignements n’auraient jamais dû autoriser ces fausses informations de fuiter en direction de l’opinion publique. Un dernier mauvais coup contre moi. Vivons-nous dans l’Allemagne Nazie?[6]« 

Le Président turc Tayyip Recep Erdogan est un producteur considérable de déformations à propos de la Shoah et du Nazisme. En novembre 2016, Erdogan a déclaré à la télévision israélienne qu’il ne parvenait pas à se décider pour savoir si la Shoah ou les offensives de l’armée israélienne à Gaza étaient les « plus barbares[7]« . Depuis, il a propagé ses déclarations insultantes à d’autres pays, appelant l’allié de la Turquie dans l’OTAN, les Pays-Bas, de « vestige des Nazis[8]« .

L’Allemagne, un autre allié de la Turquie dans l’OTAN, n’a pas échappée aux comparaisons malsaines d’Erdogan avec les Nazis. En mars, le gouvernement allemand a empêché des rassemblements politiques turcs, en prévision du référendum sur l’extension des pouvoirs du Président turc. Erdogan a déclaré : « Vos méthodes ne sont pas différentes de celles des méthodes nazies du passé[9]« .

A propos de l’Union Européenne, Erdogan a déclaré : « De façon éhontée, en ignorant que leurs propres mains sont couvertes de sang et sans même prendre en considération leurs cœurs insensibles, ils tirent des comparaisons entre nous et les Nazis. Si jamais il  a des Nazis, vous êtes ces Nazis! ». Il s’agissait alors d’une réaction à la déclaration du Ministre Luxembourgeois des Affaires étrangères,  Jean Asselborn, qui comparait les actions d’Erdogan contre les médias turcs et l’opposition aux événements dans l’Allemagne nazie[10]. Les propres abus d’Erdogan en matière de comparaisons déformées avec le Nazisme n’ont pas manqué de rivales, avec des Artistes projetant son image sous les traits d’Hitler sur les murs de l’Ambassade turque à Berlin[11].

Il  a aussi les fausses comparaisons avec les victimes du Nazisme. La Présidente Dilma Rousseff a comparé les tentatives de la destituer pour scandales de corruption à la persécution nazie des Juifs[12].

La Shoah était un programme complexe et sophistiqué d’extermination à l’échelle industrielle qui a fondamentalement pris les Juifs pour cibles. Un genre d’abus fréquents de la Shoah consiste à critiquer une question particulière de la comparer ensuite aux méthodes nazies. La comparaison peut en elle-même être déjà fausse, mais au-delà de cela, impliquer les Nazis dans cette question permet des distorsions supplémentaires. On en a un bon exemple, quand Christina McKelvie, la porte-parole pour les Droits de l’Homme du Parti National écossais, a déclaré qu’une proposition du Gouvernement britannique, de disposer de listes des travailleurs étrangers au sein des entreprises du Royaume- Uni rappelait la politique nazie des années 1930[13].

Une autre députée du SNP, Mhairi Black a rédigé un éditorial dans un journal, dans lequel elle prétendait aussi que la politique d’immigration du Parti Conservateur rappelle l’Allemagne nazie du début des années 1930[14]« .

Après une visite à Auschwitz, le Pape François a dérapé sur une pente glissante quand il a mis à égalité la cruauté général et la violence dans le monde avec celle de la Shoah. Il a déclaré : « Quand je regarde la cruauté des camps de concentration, je pense à la cruauté d’aujourd’hui, qui est identique. Pas aussi concentrée qu’en cet endroit, mais tout autour du monde[15] « . Il s’agit d’un exemple majeur de manipulation de la Shoah comme outil censé convoyer un message, tout en ignorant le fait qu’il s’agissait alors d’un programme systématique d’extermination. La cruauté contemporaine n’a pas de dimension comparable. [16]

La banalisation de la Shoah est une question récurrente et elle ne se restreint pas au seul domaine de la fausse équivalence morale, de la part de dirigeants et d’hommes politiques. En mars 2017, onze personnes se sont déshabillées à Auschwitz et ont sacrifié un mouton. Un porte-parole du Mémorial d’Auschwitz a déclaré que leurs motivations n’étaient pas claires, alors qu’elles se sont brièvement tenues debout puis se sont assises par terre à côté de la Porte notoire portant l’inscription « Arbeit Macht Frei » dans la ville du sud de la Pologne d’Oswiecim.

Ce qui se trouve ci-dessus n’est qu’une courte sélection d’exemples sur un sujet qui peut facilement s’étendre dans un essai. Ce qui est le plus inquiétant est la multiplication de la fausse équivalence morale utilisant la Shoah et les questions afférentes comme outils.

Par Manfred Gerstenfeld

 

Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski.

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[1] www.huffingtonpost.com/james-marshall-crotty/comparing-trump-to-hitler_b_9334668.html

[2] www.reuters.com/article/us-usa-canada-pena-nieto-idUSKCN0ZF2JD

[3] www.reuters.com/article/us-mexico-trump-idUSMTZSAPEC2S8JNRJU

[4] http://www.politico.com/magazine/story/2016/03/trump-hitler-comparisons-213711

[5] www.nytimes.com/2017/04/11/us/politics/sean-spicer-hitler-gas-holocaust-center.html

[6] https://www.nytimes.com/2017/01/11/us/donald-trump-nazi-comparison.html?_r=0

[7] www.independent.co.uk/news/world/middle-east/erdogan-turkish-president-israel-hitler-more-barbarous-gaza-interview-palestinians-decide-holocaust-a7431311.html

[8] www.independent.co.uk/news/world/europe/recep-tayyip-erdogan-europe-facist-cruel-turkey-president-powers-referendum-a7641171.html

[9] www.theatlantic.com/news/archive/2017/03/turkey-erdogan-nazis/519528/

[10] ibid

[11] www.independent.co.uk/news/world/middle-east/turkish-president-erdo-an-projected-with-hitler-suit-and-moustache-onto-embassy-in-berlin-a7033191.html

[12] http://www.jta.org/2016/04/01/news-opinion/world/brazils-president-likens-impeachment-calls-to-nazi-treatment-of-jews

[13] www.heraldscotland.com/news/14801471.SNP_MSP_sparks_Nazi_row_at_conference/

[14] www.telegraph.co.uk/news/2016/10/18/can-leftists-please-stop-comparing-everything-they-dont-like-to/

[15] https://cruxnow.com/vatican/2016/08/03/francis-says-violence-auschwitz-ongoing/

[16] www.independent.co.uk/news/world/europe/naked-group-kill-sheep-auschwitz-death-camp-nazi-a7649306.html

 

 

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Cela persiste, non pas depuis un an, mais à peine moins bruyamment depuis plus de 35 ans, et les intellectuels, penseurs de toutes extraces (locution de Raymond Queneau), y compris les « psys », ne furent pas les moindres à influer, à interpeller, du « nazi » à l’adresse de leurs supposés émules, prétendûment par « humour » (facilité psittasciste, en toute ignorance délibérée de la signification sémantique réelle du vocable) .
Après la reprise du vocabulaire de la Shoah par les pro-palestiniens ouvertement antijuifs (la « catastrophe », etc.), l’adoption du terme « génocide » comme 1er massacre des Arméniens dans l’histoire (!?), ne fut, malgré l’opposition de Simone Veil, Claude Lanzmann … …. … … …, qu’un funeste sophisme (CNTRL = argument, raisonnement ayant l’apparence de la validité, de la vérité, mais en réalité faux et non concluant, avancé généralement avec mauvaise foi, pour tromper ou faire illusion.)

Abraham

Abraham BRAMI
Souffrance indicible
Alors, que nous vivions dans les ténèbres, dans les larmes, le sang et les clameurs d’épouvante. Entourez de nos morts, nous n’entendîmes que le vide de l’absence et le silence de l’indifférence. (De nos frères chrétiens et musulmans)
Ce monstre déchaîné et terrifiant du paganisme primaire sorti tout droit de l’Apocalypse, que le christianisme avait lui-même consacré en jouant à l’apprenti sorcier.
Le triomphe éphémère de la bête immonde impose l’image de la matière animale déchaînée dans l’homme, aboutissant à ce monstre du despotisme, qui foule tout à ses pieds et inflige à l’Humanité stupéfaite le règne du plus implacable destin par sa hideuse apothéose.
Le silence assourdissant de l‘humanité face aux atrocités perpétrées par la bête ignominieuse pendant la plus grande tragédie de l’humanité ou l’Antéchrist sévissait où le monstre hideux du paganisme le plus bestiale avait resurgi du fond des abîmes pour faucher les âmes devant les portes du sanctuaire de Dieu.

Ce n’est pas sur les tombes où près des ossements que nous avons retrouvé nos morts. Ils sont partis en volutes de fumée en compagnie de nuages blancs qui faisaient une danse macabre sous le ciel noir de l’obscurantisme. Ce n’est pas là qu’ils nous attendent, ils sont dans chacun de nous dans le souvenir de tous et de chacun. Si, il faut pardonner ; Il ne faut pas oublier. La mort des nôtres, est comme une blessure mal guérie. Elle saigne à chaque agression verbale ou physique produite par ce sous-monde ; Nous n’y pouvons rien. Nos mort nous ont nourris, non pas de haine, ni de rancœur, mais d’une énergie que rien ne pourra briser. Maintenant, dit le père à ses fils et filles de quoi auriez-vous peur ?