FRANCE 2 Un an après les attentats de Barcelone et Cambrils, les liens entre les terroristes et la France restent mystérieux

TERRORISME – 11 septembre 2017, à la prison d’Alcalá-Meco, près de Madrid. Mohamed Houli, 21 ans, suspecté de faire partie de la cellule jihadiste responsable des attentats de Barcelone et Cambrils les 17 et 18 août, a demandé à parler à un fonctionnaire.

Il veut dire « tout ce qu’il sait ». Alors que lui et les autres terroristes s’apprêtaient à frapper la Catalogne, confesse-t-il notamment, un autre groupe « de huit ou neuf personnes » se tenait prêt en France.

« Pensant venir en Espagne par Andorre, acheter des armes et faire un attentat à Lloret de Mar, contre la mairie et la police ».

Moins qu’une révélation, cette confidence pourrait être une confirmation, se disent alors les enquêteurs. Depuis les attaques, plusieurs éléments les mènent à étudier la piste de complicités en France, en Belgique ou au Maroc: des déplacements, des contacts supposés, des photos… et pourtant.

Alors que l’Espagne commémore ce vendredi le premier anniversaire des attentats, les enquêteurs cherchent encore à établir si cette cellule avait véritablement des liens avec l’organisation jihadiste État islamiquequi a revendiqué ses actes, et si elle a pu recevoir des instructions de l’étranger.

« Aucun des éléments dont nous disposons à ce jour (…) ne nous permet d’identifier un facteur extérieur lié aux attentats », a expliqué à l’AFP ce 9 août le lieutenant-colonel Francisco Vázquez, de la Guardia Civil. « À part le témoignage de Houli, nous n’avons rien ».

Des photos au pied de la Tour Eiffel

Pourtant, en reconstituant la genèse des attentats, les enquêteurs ont retrouvé les traces des jihadistes en Suisse, en France, en Belgique et au Maroc, dans les 18 mois qui ont précédé les attaques.

Les 11 et 12 août 2017, une Audi A3 utilisée par les terroristes à Cambrils se trouvait en France, « notamment en région parisienne », selon le procureur de la République de Paris, François Molins.

La voiture « a été flashée » confirme le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, en Essonne, selon Le Parisien qui révélait l’information. « Ce groupe est venu travailler à Paris mais ce fut un aller-retour rapide », a expliqué Gérard Collomb sans plus de précisions.

Cinq jours après leur passage en France, le 17 août 2017, à 16h30, une camionnette fonce dans la foule sur l’avenue de Las Ramblas, au cœur de Barcelone, faisant 15 morts et plus de 100 blessés.

Dans sa fuite, le conducteur, Younes Abouyaaqoub, un Marocain de 22 ans, tue une autre personne, le conducteur d’une voiture qu’il vole pour fuir. Il est abattu par la police après 4 jours de cavale.

Entre-temps, cinq de ses complices l’ont imité dans la nuit du 17 au 18 août, fauchant les passants sur la promenade de la station balnéaire de Cambrils, au sud de Barcelone, avant de les attaquer au couteau. Une femme est poignardée à mort. Les cinq assaillants sont tués par la police.

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Début août, la presse espagnole a publié des photos montrant certains jihadistes en pleins préparatifs avant les attentats.

Elles ont été récupérées par les enquêteurs dans les décombres de la maison d’Alcanar, non loin de Barcelone, qui a explosé accidentellement la veille de l’attaque de Barcelone, alors que des explosifs y étaient confectionnés. Sur l’un de ces clichés, un futur assaillant pose sous la Tour Eiffel.

S’agissait-il d’un repérage? D’après La Vanguardia, ce symbole parisien était effectivement l’une de leurs cibles. Une vidéo enregistrée par les terroristes les montrerait même repérer les positions des forces de l’ordre et des touristes. « Fais bien le point sur la voiture de police, qu’on la voie bien », dit l’un des hommes au cameraman, selon le quotidien espagnol.

Dans ses confidences, Mohamed Houli confirme que plusieurs membres de la cellule jihadiste ont voyagé à Paris quelques jours avant les attentats, et ajoute aussi un voyage à Marseille.

Devant lui, ses complices ont évoqué l’existence de « deux hommes » entretenant une relation étroite avec l’imam Abdelbaki Es Satty, 44 ans, suspecté d’avoir endoctriné les jeunes du groupe avant de mourir dans l’explosion accidentelle de la villa d’Alcanar.

« Ces (deux) hommes lui ont donné des ordres, ils avaient de l’argent et allaient nous aider. D’eux je ne sais rien », a expliqué Houli depuis sa prison, selon le compte-rendu confié à la justice et dont El Pais a eu connaissance.

En février dernier encore, un homme a été arrêté en France pour ses liens étroits avec l’un des membres de la cellule, et mis en examen à Paris pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle ».

Il avait été interpellé à Albi (Tarn). Deux autres personnes avaient également été interpellées, dont au moins une à Pont-Saint-Esprit (Gard), mais ont vu leur garde à vue levée « en l’absence d’éléments incriminants à ce stade ».

Le cerveau toujours en fuite?

Malgré tout, ces éléments ne suffisent pas à la police pour attester que la cellule « de Ripoll », du nom de la commune catalane dont sont issus six de la dizaine de jihadistes liés aux attaques, ont reçu une aide logistique ou financière quelconque venant de l’étranger, et notamment de France.

Ce qu’ils ont fait durant leur passage à Paris -acheter un appareil photo de qualité médiocre et passer la nuit dans un hôtel de banlieue– n’a pas non plus permis d’éclairer précisément leurs intentions.

D’autant plus que leur radicalisation était passée inaperçue, « y compris pour leur cercle le plus intime », selon le porte-parole de la police régionale de Ripoll Albert Oliva. Les recherches se poursuivent, notamment dans le cadre de l’enquête ouverte dès le lendemain des attaques par le parquet de Paris, pour « tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste ».

Début août, le journal El Periodico révélait que l’homme qui aurait planifié les attentats circulait toujours librement en Europe.

« Le terroriste est localisé, il change régulièrement de pays (ils ne précisent pas s’il passe par l’Espagne) et ‘continue à entrer en contact avec d’autres groupes’ radicaux », écrit le quotidien catalan, citant des sources proches de l’enquête.

Ces sources n’ont cependant pas indiqué « la nationalité ni l’âge du cerveau des attentats, ni dévoilé s’il avait vécu à un moment donné en Espagne ».

« Nous n’avons trouvé aucune preuve de cela », a simplement réagi auprès de l’AFP le lieutenant-colonel Francisco Vázquez, de la Guardia Civil espagnole.

Huit membres de la cellule incriminée sont morts, dont les six responsables matériels tués par la police et deux -dont l’imam- dans l’explosion accidentelle d’explosifs à Alcanar. Deux autres sont en prison dans l’attente de leur jugement à Madrid, et deux ont été libérés sous caution.

Le roi d’Espagne Felipe VI et le Premier ministre Pedro Sanchez doivent assister ce vendredi à un hommage aux victimes dès 10h30 sur la Place de Catalogne à Barcelone, à quelques pas des Ramblas.

Par Claire Digiacomi

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