En Israël, nous avons eu droit à un incident politico-religieux suite à l’interdiction faite au service d’entretien des voies de chemins de fer en Israël le shabbat, ce qui a entraîné le lundi matin de graves embouteillages.

À la suite de cela Netanyahu a publiquement désavoué un de ses ministres, en lui rappelant qu’au titre des alliances politiques, il n’avait pas à contrarier les partis orthodoxes qui font partie de la coalition gouvernementale.

La contradiction politique vis-à-vis de l’application des lois religieuse tourne alors à la farce grotesque. D’un côté des millions d’Israéliens profanent le shabbat à commencer par les hommes politiques et d’un autre on se met à exiger du jour au lendemain un respect «strict» du shabbat alors qu’au même titre que d’autres sociétés qui travaillent le shabbat, celle des chemins de fer s’était crue autorisée à le faire.

Hors le problème est bien plus grave que cela. L’État d’Israël est en état de schisme profond vis-à-vis de sa propre nature. Ce schisme se traduit à différents niveaux

Ceux qui veulent un état respectueux de la Torah qui fonde le caractère juif du peuple d’Israël, et ceux qui veulent un état comme les autres États (non juifs).

Ceux qui au nom de la Torah rejettent l’État d’Israël et ceux qui préfèrent l’État d’Israël comme valeur première.

Au nom de la modernité tout devrait être permis, jusqu’au gay pride, à la profanation du shabbat de la cacherout etc…

D’un autre côté des orthodoxes discrédités par leur rejet de l’État font tout pour le combattre et exigent des applications strictes des lois, sans être pour autant des exemples de conduite et font que le schisme entre les deux mondes reste profond, voire irréversible. Au lieu de tendre vers une politique qui concilie les deux exigences fondamentales celle de la survivance de l’État et celle du respect des lois religieuses, on reste dans un statu quo fait de contradictions et de divisions.

Dès lors cet abandon quasi dans les faits des lois religieuses nous renvoie à d’autres abandons que nous rappelle Yeshayahou Leibowitz dans son commentaire de la Paracha de Shoftim relue hier et que nous vous offrons

Moshé COHEN SABBAN

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La Paracha de Shoftim ( les Juges)

«Si l’on trouve dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne en possession, un cadavre gisant en plein champ et que l’auteur du meurtre soit resté inconnu » 

La sidra Shoftim prolonge celle de Réeh. Elle renferme un ensemble de commandements qui, pour l’essentiel, concerne le groupe dont l’organisation juridique, gouvernementale et nationale est conforme aux principes de la Torah. Juges et policiers forment le système judiciaire auquel incombe également la compétence législative (il n’y a pas ici de séparation entre pouvoir législatif et pouvoir judiciaire). On trouve dans cette sidra des recommandations sur l’organisation judiciaire et la législation du témoignage. Puis elle aborde la grande question du pouvoir exécutif : est-elle reliée à l’institution de la royauté ?

La question de la monarchie est débattue dans le cadre de la Torah orale sous divers aspects et de différents points de vue, parfois contradictoires. La sidra revient sur les commandements relatifs à l’élimination de l’idolâtrie avec tout ce qu’elle charrie et qui n’a pas disparu dans notre société : sorcellerie, magie, nécromancie, divination, culte des morts et  toutes les autres superstitions qui parfois, de nos jours encore, revêtent des apparences religieuses alors qu’elles ne sont rien d’autre que des abominations idolâtres. Le texte aborde ensuite la législation qui régit la guerre question d’une importance capitale, mais que nous ne pouvons pas traiter dans le cadre imparti. La sidra toute entière insiste fortement (en immédiate contiguïté avec la législation sur la guerre) sur l’interdiction du meurtre : lois s’appliquant au criminel et en particulier à l’homicide involontaire avec la question des villes d’asile et celui du rite de la génisse sacrifiée quand on ignore l’identité du meurtrier (égla aroufa).

Je souhaite m’arrêter sur ce rite, qui semble n’être qu’un détail placé à la fin de la sidra. La situation est la suivante : un meurtre a été commis au sein d’Israël et, pour reprendre le langage de la police  moderne, il n’a pas été «  élucidé »   : « Si l’on trouve dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne en possession, un cadavre gisant en plein champ et que l’auteur du meurtre soit resté inconnu » (Dt 21,1). Au  sein d’Israël, sur la terre d’Israël, un homme a été assassiné. La culpabilité en retombe sur la communauté toute entière, celle dans le cadre de laquelle la chose s’est produite, et l’on organise une cérémonie angoissante et impressionnante pour que chacun prenne la mesure de la gravité du fait qu’une telle ait pu se produire dans le cadre de leur société. Les anciens des villes situées « autour du cadavre doivent s’assembler, organiser· la cérémonie appelée egla aroufa, et prononcer les paroles suivantes : « Nos  mains n’ont point répandu ce sang-là, et nos yeux ne l’ont point vu répandre » (Dt 21,7) et pourtant nous sommes coupables, c’est pourquoi l’on dit : « Pardonne à Ton peuple Israël » (Dt 21,8). Environ mille cinq cents ans après l’institution de ce commandement voici ce que nous dit la Mishna : «  Du fait que le nombre des meurtriers se soit multiplié, le rite de l’egla aroufa a été supprimé ». Cette cérémonie religieuse n’a de signification que dans une société où le meurtre est chose abominable et exceptionnelle. Dans une société dégradée dans son essence, au sein de laquelle le meurtre est chose banale, il n’y a pas lieu de se prétendre bouleversés par un meurtre non élucidé. Accomplir ce rite dans une telle société relèverait de l’hypocrisie. Il vaudrait mieux débarrasser cette  société d’une réalité où le meurtre est quotidien. Ce n’est qu’alors que l’on pourra réagir en présence de cas exceptionnels par une cérémonie d’expiation.

Le crime de sang et la fornication sont traités de façon analogue. La Torah a fixé la règle sévère de l’ordalie (Sota) à l’encontre de la femme soupçonnée d’adultère qui ne peut se disculper qu’à travers  l’épreuve de l’eau amère. Cette pratique, unique en son genre dans la Torah, par laquelle des hommes renoncent à soumettre un autre être humain au jugement terrestre pour s’en remettre au tribunal divin, ne peut avoir de sens que dans une société où des mœurs sexuelles décentes sont la norme. Les cas de soupçon d’adultère y sont alors intolérables. Aussi, dans cette Mishna que je viens de citer, il est dit : «  Depuis que l’adultère est devenue chose commune, le rite de l’eau  amère a été supprimé » Si la société est corrompue par l’adultère, s’il y règne une atmosphère de débauche, pourquoi serait-on scandalisé, quelle raison y aurait-il de s’indigner devant un cas particulier de  soupçon d’adultère. Il faut donc au préalable corriger la société. Dans une société qui aurait amendé ses  mœurs, où le meurtre et l’adultère redeviendraient l’exception, on peut réagir par une cérémonie devant  un meurtre non élucidé et par l’épreuve des eaux amères en présence d’un exceptionnel soupçon d’adultère. Mais dans une société dissolue, ces cérémonies n’ont plus aucun sens.

Ce sont des enseignements précieux pour notre propre réalité sociale. Certaines exigences de la halakha ne méritent d’être appliquées (et bien entendu, il faut  s’efforcer de les appliquer) que dans le cadre d’une société qui, en tant que telle, reconnaît la validité de  la halakha. Si elle ne la reconnaît pas, insister sur certains détails de cette halakha, relève de la caricature grotesque. Dans une société où les meurtriers sont nombreux et les adultères fréquents, quel sens y aurait-il à pratiquer les rites de l’egla aroufa et des eaux amères ? Dans une société et dans un État qui ne reposent pas sur la reconnaissance de l’obligation de pratiquer la Torah, discuter de certaines lois de l’État pour vérifier si elles concordent avec la halakha n’a aucun sens. Se montrer pointilleux justement à propos de certains détails, exiger que ceux-ci soient  réglés dans le respect de la halakha, alors que ni la société ni l’État ne vont dans le sens de la Torah et de la halakha, c’est transformer le combat pour le respect de la Torah et des commandements en une caricature.

Dans une société dont le fonctionnement collectif, le régime politique et la législation, permettent le fonctionnement des ports et des aéroports le jour du Shabbat, le travail de centaines d’usines avec autorisation des pouvoirs publics, les émissions de la radio et de la télévision gouvernementales le jour du Shabbat, la circulation sur les routes de milliers de véhicules le Shabbat, les matchs de football devant des dizaines de milliers de spectateurs le Shabbat, tout cela avec la participation à ce régime de l’institution religieuse juive officielle (dans le gouvernement comme dans les mairies)

dans une telle société, lutter contre  l’ouverture le Shabbat d’une salle de cinéma supplémentaire, c’est tourner la religion en farce et en parodie. Dans une société où pour de larges couches de la population, et ceci quels que soient les milieux sociaux, intellectuels et analphabètes confondus, les paroles « tu ne commettras pas d’adultère » ou bien  « il n’y aura pas de prostitués mâles ou femelles » ne sont plus reconnues, voire même comprises, vouloir imposer le mariage religieux selon la halakha à ceux qui la rejettent, constitue une profanation de l’ institution du mariage religieux, un outrage à la Torah, voire  entraîne la   multiplication   d’enfants   adultérins   (mamzerim) en Israël

Amendez la société, amendez l’État! Vous aurez  alors le droit, et même le devoir de vous occuper des détails de cette société et de cet État, pour que même  ceux-ci soient conformes aux exigences de la Torah. Tant que vous ne luttez pas pour changer la physionomie de la société juive, vous ne pouvez pas lutter contre des détails appartenant à la façon de vivre de cette société et encore moins contre certains points  mineurs de la législation d’un État que des gens qui n’acceptent pas le joug de la Torah et des commandements ont créé pour eux-mêmes.

  1. Toutes les activités énumérées constituent une profanation du Shabbat, institution religieuse à laquelle Leibowitz accorde la place centrale dans le judaïsme.
  1. Nous retrouvons l’important mode d’interprétation des textes par la << contiguïté » (smikhout) : deux textes contigus, apparemment sans rapport, sont néanmoins à rapprocher sur le plan de leur contenu significatif. Cf. note 1, p. 197.

Yeshayahou Leibowitz

 

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BENJAMIN

הס כל בשר מפני ה״
Quand la Tora se prononce alors nous n’avons le choix que de nous taire !
חכמה בגויים יש תורה בגויים אין
L’intelligence est une  » matière première » elle peut être au service du Bien ou du Mal עץ לדעת לטוב או ל
La direction a prendre , l’enseignement הוראה =תורה seul ISRAEL en est le détenteur dit le Talmud .
Le Judaïsme d’origine juive et le judaïsme authentique ne sont pas à confondre !
Les penseurs , les écrivains écrivent des livres , reçoivent des prix et pour la plupart d’entre eux vont dans le sens de l’Histoire et écrivent ce que leur public aime lire ou entendre dire …..

Les prophètes d’Israel ne craignaient pas le peuple et disaient les choses qui fâchent quand l’air du temps sembler séduire certains ….

Encore un principe de base ) י״ג מדות שהתורה נדרשת בהם
enseigne dans le Talmud et repris dans la פתיחה du matin
כלל ופרט וכלל לא אתה דן אלא כעין הפרט
« L’individuel, le collectif , l’individuel, tu ne peux trancher ( décider) que selon l’individuel ! »
Ainsi la Loi de Moshe est pour tous,(כלל) elle s’applique à l’individu (פרט)et la collectivité , (כלל) doit la faire respecter y compris à l’individu (פרט) !

On voit que la collectivité doit non seulement l’appliquer à elle même mais également veiller , organiser la société de telle sorte que la loi d’Israel s’applique à l’individu ! On y est pas encore arrivé malheureusement à ce stade .

La loi Juive , la Tora ne doit pas être représentée ou défendue par un parti , mais malheureusement en Israel on a bien été contraint de s’y résoudre ,

Si Israel est un Etat de juifs , l’approche est différente que si Israel est un Etat juif !
Seule la deuxième option nous protège de la force du nombre de la démocratie tant invoquée , c’est ce que veulent nos ennemis et depuis Nathanyaou Israel n’a pas 68 ans mais 3500 ans et il le dit à l’ONU haut et fort plus que tout autre avant lui .

La laïcité israélienne est une religion Anti judaïsme , rien à voir avec la laïcité française qui intègre ( en principe tout au moins) les différences .

Même les laïcs en Israel avecTomy Lapid ont eu 20% dont la moitié d’arabes . Donc 90% des Israéliens se sentent à divers degrés lies à la spiritualité juive a l’âme juive .

N’oublions pas comme le répète à volonté je Rav Dynovitsh , les totalitarismes se mettent en place avec une infime minorité et ne fleurissent que grâce à la majorité silencieuse et complice .

L’Etat d’Israel est l’âme du Monde à condition que la Tora reste son message vécu à tous les niveaux individuels et collectifs
Chalom TEMIM

Danielle

Dans tous les pays du monde je n’ai jamais encore compris l’intérêt de la gay pride.
On dirait que les homosexuels font exprès de nous emm……….., mais au nom de qui ou de quoi auraient-ils plus de droits que les autres citoyens ? Non ! la démocratie ça n’est pas tout et n’importe quoi ?
Celui qui veut se promener tout nu dans les rues en a-t-il le droit ? Pourquoi ? ou se situe la différence ?
Est-ce que les autres sectes défilent à moitié nues dans les rues d’Israël ?
Aucun maire de Jérusalem, religieux ou pas, n’a souhaité interdire la gay pride ?
Ma question, qui sont les organisateurs qui ont tant de pouvoirs sur le maire ??? quels sont les intérêts ???
C’est triste et regrettable !

martin54

pourquoi le peuple d’israel et juda a t’il perdu son pays pendant tout ce temps?????????????????
grâce soit rendu a dieu qui le ramène dans son pays aujourd’hui.
est-ce pour qu’il reproduise toute les abominations que les nations pratiquent comme la gay pride par exemple.???????????????????.
si des juifs veulent faire comme les nations , c’est bien dommage, car ils ne voient plus la richesse de leur héritage.
et, qu’on le croit ou non ,c’est par la seule volonté de l’eternel que les juifs aujourd’hui, sont rétablis dans leur pays.
puisse cette conscience envahir tous les esprits.