Sur les réseaux sociaux, l’ordre de censure passe mal
L’Identification des détails concernant le lieutenant-colonel M., tué lors d’une mission à Gaza, s’est rapidement répandu sur les réseaux sociaux en dépit du black-out médiatique ; Alors que les responsables de la sécurité condamnent ce qu’ils considèrent comme un phénomène ignoble, les experts des réseaux sociaux affirment que c’est une bataille perdue d’avance pour ceux qui tentent de dissimuler des informations, de nos jours.

C’est déjà devenu un fléau : un ordre de censure couvre un incident tragique, mais sur les réseaux sociaux, la rumeur tourne à toute vitesse. La mission bâclée des Forces spécialkes de Tsahal à Gaza dimanche soir, au cours de laquelle un officier a été tué, a prouvé une fois de plus que la loi ne s’appliquait apparemment pas aux utilisateurs de WhatsApp, de Facebook et de Twitter.

Alors que les avions de combat et les hélicoptères de l’IAF survolaient toujours Gaza et que des bruits d’explosions faisaient trembler les airs, de nombreux utilisateurs de réseaux sociaux avaient déjà été informés des détails de la bataille. Comme dans le passé, le bruit a commencé par une rumeur au sujet d’un soldat enlevé (NDLR : lors d’un combat dans un souterrain, selon les premières versions de cette rumeur auxquelles nous avons eu accès), ce qui a incité l’unité du porte-parole de Tsahal à réagir afin de calmer la situation. Mais dans les heures qui ont suivi, elle a été remplacée par des détails biographiques sur la vie du lieutenant-colonel M. tombé au combat. Les photos de sa famille, de ses enfants et de sa femme se répandent sur les médias sociaux comme une traînée de poudre. [On doit aussi s’interroger sur les premières sources de détails connus uniquement d’un cercle assez rapproché et mieux protéger la vie intime des proches des soldats et officiers].

Les forces de Tsahal à la frontière de Gaza (Photo: AFP)

Les forces de Tsahal à la frontière de Gaza (Photo: AFP)

Même les députés Shelly Yachimovich et Ksenia Svetlova ont publié les détails identifiant le soldat sur leurs pages Facebook respectives, malgré les instructions de la censure.

« C’est comme ça à notre époque », disent les experts. « Vous ne pouvez pas l’arrêter et vous ne pouvez pas vous attendre à ce que des informations sensibles ne soient pas accessibles à tous. Nous devons comprendre que les temps ont changé et que c’est la réalité, il vous suffit de trouver comment y faire face. »

Les députés Yachimovich et Svetlova (Photo: Alex Kolomoisky)

Les députés Yachimovich et Svetlova (Photo: Alex Kolomoisky)

« Il existe un problème ici, qui se traduit par nos pulsions voyeuristes », déclare Etgar Shpivak, PDG de Fixel, une société spécialisée dans le domaine du numérique. «C’est un problème qui témoigne de notre manque de responsabilité en tant que société. Souvent, nous ne savons pas si l’information est vraie ou fausse, et à cause de cette nature voyeuriste, nous nous sentons porteurs de l’information, nous innovons. Il peut s’agir d’une publicité amusante et distrayante à partager ou d’informations confidentielles sur des soldats morts au combat. Ces dernières années, beaucoup plus d’informations ont été diffusées via WhatsApp ou Telegram plutôt que via Facebook « , a-t-il expliqué.

«Sur Facebook, psychologiquement, on a le sentiment d’être exposé, alors que WhatsApp se sent plus intime parce que vous ne partagez les informations qu’avec quelques amis. Les gens ne pensent pas au fait qu’un simple message qu’ils vont transmettre va arriver à des centaines de groupes de discussion. Cela se passe à un rythme fou « , a souligné Shpivak.

Lorsqu’on lui a demandé quelle était la différence entre le voyeurisme, la vie des célébrités et les incidents de sécurité, M. Shpivak a déclaré que les demandes pressantes qui nous poussent à partager des informations sensibles constituent un vaste phénomène.

« La psychologie est la même. Tout comme nous transmettons la vidéo d’une célébrité en maillot de bain, nous transmettons des informations sur un soldat blessé au combat. Notre attitude est la même. Plus les groupes de discussion sont intimes, plus cela devient problématique. Cependant, le problème n’est pas Facebook, mais un problème beaucoup plus vaste : c’est un problème de société, et pas seulement en Israël, mais dans le monde entier. L’état d’esprit de la génération des médias sociaux est la suivante : d’abord partager des idées, ensuite réfléchir. On doit les former afin de sensibiliser à la responsabilité sociale », a-t-il expliqué.

Une génération de voyeurs

Le censeur de Tsahal ne s’est pas encore rendu aux forces du temps et de la technologie. Ce phénomène inacceptable se pose à maintes reprises et, à l’heure actuelle, personne ne peut l’arrêter. Néanmoins, le censeur n’a pas l’intention de changer les instructions. L’incident survenu dimanche à Gaza n’était pas la première fois que ce type d’incidents survenait. Des familles endeuillées ont déclaré avoir été informées de la mort de leurs fils au cours d’opérations militaires après avoir lu à plusieurs reprises des messages anonymes sur WhatsApp. D’autres parents ont déclaré avoir eu un choc après avoir vu le nom de leur enfant apparaître accidentellement sur une liste de victimes réparties sur les réseaux sociaux.

Ce phénomène difficile et irresponsable a atteint son apogée lors de l’opération Bordure Protectrice, lorsque plusieurs soldats golani ont été tués après avoir été pris en embuscade et qu’une RPG a été tiré sur leur blindé. La liste des morts présumés a de nouveau été partagée par de nombreuses personnes sur WhatsApp, et, parmi eux, le nom d’Oron Shaul, dont le corps est toujours détenu par le Hamas à Gaza. Aviram Shaul, le frère d’Oron, a également reçu ce message alors qu’il se rendait lui-même à Gaza.

La mère du soldat de Tsahal décédé, Oron Shaul (Photo: Ohad Zwigenberg)

La mère du soldat de Tsahal décédé, Oron Shaul (Photo: Ohad Zwigenberg)

« J’ai arrêté de respirer pendant quelques instants et je me suis dit: » Ce ne sont que des mots, ce ne sont que des lettres qui composent le nom d’Oron Shaul «  », a déclaré Aviram dans une interview avec Yedioth Ahronoth.  » c’est de la désinformation entre ce qu’on nous a dit et ce qui s’est réellement passé « .

Maayn, la soeur de Hadar Buchris, assassinée lors d’un attentat terroriste à la jonction de Gush Etzion, a également été informée de sa mort via les réseaux sociaux. « C’est horrible. Vous êtes tellement confus, et sans aucune déclaration officielle, tout devient un gâchis », se souvient Maayan. « J’étais en train de faire les magasins, quand j’ai reçu un message WhatsApp à propos d’un attentat terroriste à Gush Etzion, et le nom de Hadar y était cité. Je tremblais, j’ai commencé à crier, j’ai perdu mon calme. Je ne me souviens pas exactement de ce qui s’est passé. Je me souviens avoir appelé le MDA [Magen David Adom], mais ils ont refusé de me donner des détails. « 

Hanan Cohen, fondatrice du site Internet « Irrelevant », spécialisée dans la détection des médias sociaux, a annoncé dimanche, alors que les événements à Gaza commençaient à se dérouler, que Twitter était inondé de publications sur un soldat kidnappé. « Dès l’instant où il y a un incident impliquant les forces de Tsahal, l’hypothèse immédiate est qu’un soldat a été kidnappé », a-t-il déclaré [Trauma Shalit à traiter].

« Les gens veulent savoir rapidement, ils sont impatients. En outre, ils ne font pas toujours confiance aux responsables qui fournissent les informations. C’est pourquoi des canaux de communication alternatifs sont créés, mais ils ne sont pas toujours dignes de confiance. Aussi, d’un côté, ils ne croient pas toujours les porte-parole officiels, en revanche, d’un autre côté, les informations obtenues par d’autres canaux ne sont pas toujours vraies », a ajouté Cohen.

« De plus en plus de personnes partagent l’information car cela leur fait gagner des points en ce qui concerne leur statut social, de sorte qu’elles puissent devenir les leaders d’opinion. Elles nous disent quelque chose qu’elles semblent être les seules à savoir, et ainsi, cela fait des autres personnes des partenaires de leur secret.  A partir de ce moment, ils deviennent une source d’information majeure pour ceux avec qui ils le partagent.

«Les messages des amis du soldat que j’ai reçus sur Twitter pourraient être caractérisés par une profonde tristesse et par une fierté. Je n’ai pas eu le sentiment qu’ils ont estimé que le fait que son nom ait été révélé constitue une menace pour la sécurité nationale », a-t-il expliqué.

Selon Cohen, le partage d’informations est caractéristique du changement de canal de communication intervenu au cours des dernières années. « C’était autrefois le courrier électronique, c’est aujourd’hui WhatsApp, les informations dépendent de la période pendant laquelle nous vivons. En période de tension, il y aura plus de messages liés à la sécurité, en fonction des préoccupations du public. De cette façon, les gens expriment leurs craintes en propageant ces rumeurs « .

Hadar Buchris

Hadar Buchris

Cohen ajoute qu’à son avis, cacher des informations au public, à notre époque, ne sert à rien.

« La panique entourant la diffusion d’informations n’a aucune pertinence à l’ère des réseaux sociaux. Lorsque les gens comprennent l’essence du secret, ils le gardent. Cependant, s’ils ne comprennent pas l’importance de garder quelque chose de secret, ils le partageront. Si vous demandez aux gens dans la rue pourquoi ils ne devraient pas connaître le nom du soldat tombé au combat, ils ne vous donneront pas de réponse déterminée, comme le Censeur de Tsahal, mais vous demanderont: « Pourquoi pas?« , conclut Cohen.

Noam Manella, chercheur en matière de prise de conscience numérique, partage l’affirmation selon laquelle les gens ne comprennent pas vraiment pourquoi il est faux de partager des informations sensibles sur les médias sociaux. « Les gens font une distinction entre la sphère publique de Facebook et WhatsApp, qui est perçue comme plus intime », a-t-il souligné.

« Ils pensent que s’ils affichent des informations sur WhatsApp, ils ne révèlent rien et ne commettent pas d’infraction. Plus ils le partagent, plus ils sentent qu’il est inutile de le cacher, et ils veulent en informer leurs amis sur Facebook, obtenir des points par la mise en réseau. Cela sonne vrai aussi bien pour les politiciens que pour les citoyens ordinaires – lors de la diffusion d’informations, tout le monde se sent connecté », a-t-il souligné.

Noam Barkan | Publié: 11.14.18, 00:26

ynetnews.com

Adaptaiton : Marc Brzustowski

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JRL

La censure est indispensable à la sécurité. Après sa participation aux cérémonies du 11 novembre, Netanyahu a donné une conférence de presse pour la presse israélienne dans son hôtel parisien. Le nom de l’hôtel était bien entendu sous embargo. Or, i24 News a rapidement diffusé en français sur internet le nom de l’hôtel alors que la délégation était encore sur place et que Netanyahu devait y passer la nuit pour un entretien avec Macron le lendemain matin (il est finalement reparti dans la soirée en raison des événements à Gaza). Le comportement de i24 News est intolérable et cette chaîne devrait être bannie des conférences de presse.