Le tashlikh (hébreu תשליך, « Tu enverras [au loin] ») est une coutume juive d’origine ancienne. Elle est pratiquée l’après-midi de Rosh Hashana (le Nouvel An civil selon le calendrier hébraïque). Les péchés de l’année écoulée sont symboliquement « envoyés », en jetant des bouts de pain, dans une rivière, un lac, la mer, l’océan, ou tout point d’eau courante, naturel de préférence.

La coutume et son nom sont dérivés d’un passage du Livre de Michée :

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« Quel Dieu est semblable à Toi, Qui pardonnes l`iniquité, Qui oublies les péchés du reste de Ton héritage ? Il ne garde pas Sa colère à toujours, car Il prend plaisir à la miséricorde. Il aura encore compassion de nous, Il mettra sous ses pieds nos iniquités; Tu enverras au fond de la mer tous leurs péchés. Tu témoigneras de la fidélité à Jacob, de la bonté à Abraham, comme tu l`as juré à nos pères aux jours d`autrefois. »
On se réunit donc près d’un courant l’après-midi de Rosh Hashana, et l’on récite ce passage, ainsi que des prières pénitentielles. La plupart des sources juives retracent l’origine de la coutume au rabbin allemand Jacob Mölin (décédé en 1425), qui y fait la première référence directe du dans son Sefer Maharil: il y relie le tashlikh à l’Akeda d’Isaaccar, selon un midrash, le satan aurait voulu les empêcher de se rendre sur le mont Moriah, en se transformant en un profond cours d’eau; cependant, Abraham et Isaac plongèrent résolument dans la rivière jusqu’au cou, priant pour l’aide divine, et la rivière disparut.

Cependant, des sources textuelles pourraient indiquer une origine plus ancienne au Tashlikh:

  • Flavius Josèphe évoque le décret des Hélicarnassiens permettant aux Juifs de « réaliser leurs rites saints suivant la loi juive, et d’avoir leurs lieux de prière près de la mer, selon la coutume de leurs ancêtres ».
  • le Zohar, référence en matière de mysticisme juif, écrit que « ce qui tombe dans les abysses est perdu à jamais; […] il remplit le rôle du bouc émissaire pour l’absolution des péchés ».

La coutume avait gagné force de loi chez certains Juifs, puisque le Rema, auteur de la Mapa, grâce auquel le Choulhan Aroukh devint la référence universelle des Juifs en matière de Halakha, écrit : « Les abysses de la mer virent la genèse de la Création; c’est pourquoi jeter du pain dans la mer à Rosh Hashana, qui est le jour anniversaire de la Création, est un tribut approprié au Créateur. »

Cependant, Jacob Mölin lui-même, s’oppose à la pratique de jeter des bouts de pain aux poissons  de la rivière, particulièrement le jour du Sabbath (pendant lequel il est interdit de porter). Actuellement, le tashlikh est déféré au second jour de Rosh Hashana si celui-ci tombe un Shabbat.

Par ailleurs, la pratique kabbalistique de secouer les coins des habits lors de la cérémonie, de façon à chasser les klippot, (« [démons] appendus »), a mené les opposants à la Kabbale, en particulier les Maskilim, à dénoncer la coutume, car elle pourrait selon eux inciter les gens simples à penser qu’en jetant « littéralement » leurs péchés, ils pourraient y « échapper » sans se repentir ou s’amender. Dans une satire populaire écrite dans les années 1860s par Isaac Erter  Samaël regarde les péchés des hypocrites tombant dans la rivière.

Le Gaon de Vilna ne souscrivait pas non plus au tashlikh. De nos jours, la coutume est jugée acceptable et encouragée par les grands courants juifs modernes, particulièrement le judaïsme orthodoxe, à l’exception d’un petit groupe de fidèles au Gaon de Vilna localisé à Jérusalem.

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Durant la première journée de Rosh Hashana (sauf quand cela tombe un shabbat, dans lequel cas on le fait le deuxième jour), les juifs ont pour coutume de s’approcher d’une source d’eau vive pour y jeter symboliquement leurs mauvaises actions, comme des miettes de pain que l’on jetterait aux poissons.

Je me souviens de longues marches, le livre de prières sous le bras, pour atteindre le point d’eau où la cérémonie pourrait se faire. Jusqu’à la Seine à Paris, jusqu’à la source du petit village de Lifta en ruine à l’entrée de Jérusalem, jusqu’à la mer à Nice. Les juifs du monde entier unissent tous les océans et les fleuves du globe terrestre ce jour-là.


L’essentiel de ce rituel consiste à aller au bord de l’eau, à sentir la présence de l’eau, à s’imprégner de cette présence. Le peuple du livre a bien entendu lié du texte à cette pratique, mais le texte est une illustration, l’essentiel demeure le lien spirituel à l’eau qui est essentiel pour la tradition juive.

L’eau représente la vie, vie biologique bien entendu mais également spirituelle, la Tora est comparée à l’eau et l’eau est la source de toute chose. L’eau des quatre fleuves arrosait abondamment le jardin d’Éden. L’eau est également celle du liquide amniotique, d’où un jour nous fûmes expulsés comme le furent avant nous Adam et Ève du jardin d’Éden.


Durant la cérémonie de Tashlikh nous nous inclinons sur les eaux dans lesquelles nous jetterons symboliquement nos fautes. On peut donc y voir une déconstruction du mythe de Narcisse. Celui-ci, amoureux de sa propre image, tombe dans l’eau et meurt après avoir prétendu s’être approprié son propre reflet.

Durant ces jours intenses de Yamim Noraim, où nous sommes confrontés à notre propre image, à la lumière du jugement divin. Loin de pouvoir nous satisfaire de notre image, nous devons la briser, tout comme notre ego, ce qui est le sens même des fêtes de Tishri.

L’eau purifie et il est clair que le rituel de Tashlikh forme une sorte de Mikve symbolique, psychologique et collectif.

Historique

Ce rituel n’est mentionné ni dans la Bible, ni dans le Talmud.

Certains ont voulu lui trouver des racines très anciennes en s’appuyant entre autres sur le texte du livre de Néhémie (8.1-3) décrivant une cérémonie de Rosh Hashana à Jérusalem à la porte des eaux :
« Alors tout le peuple s’assembla comme un seul homme sur la place qui est devant la porte des eaux. Ils dirent à Esdras, le scribe, d’apporter le livre de la loi de Moïse, prescrite par l’Éternel à Israël. Et le sacrificateur Esdras apporta la loi devant l’assemblée, composée d’hommes et de femmes et de tous ceux qui étaient capables de l’entendre. C’était le premier jour du septième mois. Esdras lut dans le livre depuis le matin jusqu’au milieu du jour, sur la place qui est devant la porte des eaux, en présence des hommes et des femmes et de ceux qui étaient capables de l’entendre. Tout le peuple fut attentif à la lecture du livre de la loi. »

Certains auteurs signalent de vieilles coutumes juives consistant à prier au bord de l’eau.

Il apparaît pour la première fois sous la plume de Rabbi Yaakov Molin (connu comme le Maharil, 1360 – 1427), qui lui trouve une allusion biblique dans les mots du prophète Mikha (7:19) :  » Et tu jetteras tous tes péchés dans les profondeurs de la mer « .

Le premier jour de Rosh Hachana en début de soirée, après le service religieux de min’ha (sauf quand le premier jour de l’année coïncide avec shabbat car dans ce cas l’on repousse la récitation du Tashlikh au jour suivant), nous les Juifs nous nous réunissons au bord d’une rivière, un ruisseau, un lac, la mer ou tout autre extension d’eau courante. La vue des poissons est censée nous évoquer un verset de Kohelet (Ecclésiaste 9.12) :

« L’homme ne connaît pas non plus son heure, pareil aux poissons qui sont pris au filet fatal, et aux oiseaux qui sont pris au piège ; comme eux, les fils de l’homme sont enlacés au temps du malheur, lorsqu’il tombe sur eux tout à coup. »

Pour des raisons de Halakha, le Maharil s’oppose à la coutume populaire de vider nos poches remplies de mies de pain et de les jeter dans l’eau aux poissons comme si elles incarnaient nos propres fautes, car il est interdit de nourrir un animal qui n’est pas le nôtre ce jour là (Yom Tov).
Ceux qui habitaient trop loin d’un cours d’eau avaient coutume de monter sur les toits les plus gros de la ville et de faire la cérémonie tournés dans la direction de la mer ou d’un lac.

Au Kurdistan, les juifs avaient coutume d’entrer tous dans l’eau pour réciter la formule, afin d’être nettoyés de leur péchés par les vagues.
En Galicie orientale, après avoir récité la formule, on posait des bougies allumées sur des planches ou des petits radeaux de paille afin de les laisser emporter par le courant du fleuve. Si la bougie s’éloignait en restant allumée, c’était considéré comme un bon signe pour l’année à venir.

Le Maharil rapporte une autre raison au Tashlikh.

Le Midrach Tanhouma (Parachat Vaiera) nous apprend que quand Abraham a été défié par l’ordre divin de sacrifier son fils Isaac, Satan avait alors carte blanche pour faire appel à tout moyen par lequel il pourrait arrêter Abraham dans sa dévotion.

Après des échecs réitérés, Satan prend, finalement, la forme d’une rivière profonde obstacle au chemin d’Abraham et d’Isaac. Cependant, père et fils s’enfoncent dans les eaux et seul Abraham demande de l’aide à Dieu quand, ayant de l’eau jusqu’au cou, il s’aperçoit qu’il ne pourra pas arriver à la destination fixée. Il clame alors le verset des psaumes
(69:2)

« Sauve-moi, ô Dieu ! Car les eaux menacent ma vie ».

Dieu intervint et la rivière disparut.

Rappelons que le récit biblique de l’Akeda (ligature d’Isaac) est celui que nous lisons le jour deRosh Hashana et que le shofar symbolise le bélier sacrifié à la place d’Isaac.

Le Rama (Isserles 16ème siècle) lie la coutume du Tashlikh avec la création du monde qui repose, croyait-on alors, sur les eaux de l’abime (mey tehom), les mêmes eaux invoquées par le verset du prophète Mikha. Rosh Hashana est l’anniversaire du monde, son jugement. Nulle surprise donc que l’on en invoque les fondements.

Si l’on trouve toutes sortes de raisons de raccrocher la coutume du Tashlikh au sens profond de Rosh Hashana, il n’en demeure pas moins que comme beaucoup d’autres coutumes, son origine et sa signification réelles restent mystérieuses.

Rien d’étonnant donc que le même Rama émet quelques réticences par rapport à cette coutume qu’il semble trouver un peu bizarre. À la fin du XVIIIe siècle, le Gaon de Vilna tenant du rationalisme, la réprouvera. Il n’y participera jamais personnellement et l’interdira à ses élèves (voir Sefer Ma’aseh Rav).

C’est ainsi que certains ont voulu abandonner cette pratique.
Nous avons cependant suffisamment invoqué de bonnes raisons de la garder. Le contact avec l’eau, même visuel, doit être pour nous une occasion supplémentaire de réfléchir et de faireTeshouva. De plus, vu la quantité d’aliments que nous ingurgitons à Rosh Hashana, une promenade digestive ne saurait nuire à personne.

Actualiser :

Par nature les coutumes sont faites pour être renouvelées. Tashlikh s’y prête parfaitement.

Voici une suggestion :

Prévoir quatre étapes sur la route qui nous mène au point d’eau.

A la première étape, penser à quelque chose que l’on veut rejeter par rapport à l’année passée. Quelque chose de très concret, que l’on peut même personnaliser dans un objet.

Deuxième étape : penser à quelque chose de positif que l’on a réussi à faire l’an passé et que l’on voudrait garder.

Troisième étape : prendre une résolution par rapport à l’année qui vient. Quelque chose que nous allons essayer d’accomplir.

Quatrième étape : le rituel classique, c’est-à-dire la prière que l’on peut accomplir en mangeant à nouveau des pommes et du miel (c’est toujours à l’heure du goûter après tout).

On peut également prendre une feuille de papier, écrire tout ce que l’on veut changer en soi et dans le monde (il faut seulement faire attention décrire avant la fête), ensuite on plie le papier en forme de bateau, on le pose sur l’eau à fin que le courant et le vent l’emportent.

Yeshaya Dalsace

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