Shoah: des lycéens havrais rendent hommage aux déportés

VIDÉO – Douze « pavés de mémoire » ont été déposés au Havre en hommage aux familles juives déportées

Douze « Stolpersteine » ou « pavés de mémoire » ont été déposés dans les rues du Havre ce lundi 28 mars par Gunter Demning, l’artiste allemand qui les a conçus, en hommage aux familles juives havraises déportées pendant la Seconde Guerre mondiale. Des lycéens havrais ont été associés au projet.

Au Havre, douze « pavés de mémoire » ont été installés ce lundi 28 mars 2022, en hommage aux familles juives havraises déportées pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces pavés, appelés « Stolpersteine », ont été encastrés dans les trottoirs par Gunter Demning, l’artiste berlinois qui a les conçus, en présence du maire du Havre Édouard Philippe et de lycéens associés au projet.

Ces douze pavés ne représentent pas douze personnes au total, car un pavé peut parfois représenter une famille entière. L’artiste Gunter Demning a été invité par la mairie du Havre, mais ce sont deux professeurs d’histoire havrais, Camille Duparc et Pierre Charrel, qui ont initié le projet et proposé à leur élèves de travailler dessus.

 

« Sur ces pavés, sont gravés les noms et dates de déportation des personnes », explique Nesrine, en classe de terminale au lycée François Ier au Havre et élève de Camille Duparc. « Ces pavés sont déposés devant les anciens domiciles des déportés et notre rôle à nous, les élèves, ça a été de se renseigner un peu plus sur eux », continue Nesrine. « La classe s’est divisée en petits groupes », complète Dan, « et chaque groupe devait creuser sur une famille pour connaître ce qu’ils ont fait avant d’être déportés. »

« Le génocide, c’était aussi au sein de notre ville ! »

Alexandre, lui aussi élève au lycée François Ier, juge la démarche des « Stolpersteine » pertinente : « Quand on les voit sur les trottoirs dans la rue, ça permet de se souvenir et de comprendre que le génocide, ce n’était pas que lointain, c’était aussi au sein de notre ville ! »

Pour Marie-Paule Hervieu, historienne havraise et elle aussi associée au projet en tant que présidente du Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah, ces pavés de mémoire sont une excellente initiative car la ville du Havre a un énorme retard en matière de travail de mémoire sur le génocide des juifs. « Il n’y a pas si longtemps », rappelle l’historienne, « la ville ignorait combien de Havrais et Havraises avaient été déportées, il n’y avait pas de plaque, pas de trace physique, ces pavés correspondent donc à un besoin ! »

« À une époque, on me disait qu’il n’y avait aucun juif au Havre pendant la guerre, c’est totalement faux » – Marie-Paule Hervieu, historienne

Et Marie-Paule Hervieu de rappeler : « J’ai entendu dire à une époque qu’il n’y avait pas de juifs au Havre pendant la Guerre, or c’est faux ! Moi, en cherchant un peu, j’en ai comptabilisé 300 mais il y en a certainement beaucoup plus ! »

« C’était un enfant et pourtant, la police est venue le chercher »

Les professeurs d’histoire Camille Duparc et Pierre Charrel ont donc proposé à leurs élèves de travailler sur les familles déportées, en étudiant notamment les archives de la ville, les archives départementales, les dossiers du SHD (Service historique de la défense) à Caen et les archives nationales.

Pendant six mois, les élèves de Camille Duparc ont cherché tout ce qu’il pouvait trouver sur ces déportés. L’histoire de Jean, qui avait 8 ans au moment de son arrestation au Havre, a beaucoup marqué Jade : « C’était un enfant et pourtant, la police est venue le chercher dans son école pour le déporter vers un camp d’extermination. » Iliès acquiesce : « C’est assez terrorisant de ce se rendre compte de quoi l’humain est capable. »

Pour retracer toutes ces vies, les terminales se sont plongés dans les archives et ça n’a pas toujours été simple. Lisa s’est fait mal aux yeux à force de parcourir les vieux papiers administratifs : « Ce qui était difficile, c’était de déchiffrer l’écriture qui est très différente, en mode calligraphie. C’était assez illisible ! » Mathilde, elle, a relevé des erreurs dans les documents : « On s’est rendu compte qu’il y avait des dates qui ne correspondaient pas, donc on a dû faire tout un travail de recoupement et de croisement des sources. »

« On avait le sentiment d’entrer presque dans le quotidien de ces familles »

Leur professeur d’histoire, Camille Duparc, était là pour les guider : « Quand ils ont eu des difficultés de ce type, je leur ai dit qu’il fallait agir comme un historien, c’est-à-dire confronter les sources et essayer de regarder ce qui était le plus cohérent, et ils s’en sont bien tirés, ils ont bien travaillé ! » Toutes les informations récoltées ont permis aux élèves de concevoir une exposition, à découvrir dans le hall de la mairie du Havre à partir de ce lundi.

Ce projet a également servi à rendre concret le thème « Histoire et mémoires des génocides des juifs et des tziganes », qui figure au programme du baccalauréat. Léna a travaillé sur la famille Abraham, des petits commerçants qui ont été dépossédés de leur brûlerie havraise : « C’était super intéressant, car plus on en apprenait sur eux, plus on avait le sentiment d’entrer presque dans leur quotidien, de découvrir leur vie de famille. » Sirine ne peut s’empêcher de faire un lien avec le présent : « C’est horrible parce que ça se passe encore aujourd’hui avec beaucoup de peuples. »

REPORTAGE – Avec les élèves de terminale de Camille Duparc au lycée François Ier au Havre

« Ce projet était facultatif mais tout le monde a participé », confirme leur professeur Camille Duparc. Son collègue Pierre Charrel et elle avaient déjà travaillé avec des élèves sur ces familles déportées, lors de l’année scolaire 2016/2017, en réalisant notamment une carte interactive pour retracer de la manière la plus exacte possible le destin d’une quinzaine de juifs et de juives du Havre face aux persécutions. « On aimerait reprendre cette carte, l’enrichir et la corriger, car toutes les archives n’ont pas encore été parcourues, il nous reste encore plein d’informations à découvrir », conclut Camille Duparc.

Camille Duparc, professeur d'histoire-géographie au lycée François Ier du Havre

Camille Duparc, professeur d’histoire-géographie au lycée François Ier du Havre © Radio France – Olivia Cohen

 

Par Olivia Cohen, France Bleu Normandie 

L'un des douze pavés de mémoire ou "Stolpersteine" déposés ce lundi dans les rues du Havre

L’un des douze pavés de mémoire ou « Stolpersteine » déposés ce lundi dans les rues du Havre © Radio France – Olivia Cohen

 

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