… La réponse est, de toute évidence, dans la question… 

La mort de Nisman est la mort de la Justice en Argentine

La mort du procureur argentin Alberto Nisman marque aussi la mort de l’enquête sur l’AMIA. Que Nisman se soit suicidé ou ait été tué par ceux qui souhaitaient l’empêcher de présenter au Congrès les preuves qu’il a recueilli ces trois dernières années importe peu. Il s’agit dans tous les cas de la triste fin d’une longue tragédie.

Le 18 juillet 1994, au cœur de Buenos Aires, une voiture remplie d’explosifs détruit le bâtiment de l’AMIA, l’Association mutuelle israélite argentine. Depuis, 1,5 million de documents qui ont été étudiés dans le bureau de Nisman et des milliers de conversations téléphoniques enregistrées. Celles-ci ont mené le procureur à une seule et même conclusion : les plus hauts membres du gouvernement iranien de l’époque étaient directement impliqués dans l’attaque.

Vingt ans d’enquête, dont dix avec Nisman comme procureur, se retrouvent aujourd’hui dans l’impasse. 85 personnes ont été tuées et toujours personne n’a été traduit en justice. Comment cela est-il possible? Que s’est-il produit la semaine dernière pour que l’affaire en arrive à ce stade?

Pendant 18 ans, le gouvernement argentin a suivi le chemin « légal » classique pour traduire les coupables en justice. Nisman a porté l’affaire devant les tribunaux en 2004 et a réussi à présenter suffisamment de preuves à la Cour pour désigner l’Iran comme Etat terroriste responsable de l’attentat.

Il a également convaincu Interpol d’émettre contre huit membres du gouvernement iranien​ des « notices rouges », un dispositif visant à renforcer la traque des personnes recherchées pour crime. Bien que de nombreuses théories du complot aient été envisagées en Argentine (mettant notamment en cause les Syriens, les Etats-Unis et le Mossad, etc), Nisman en était certain : toutes les preuves menaient l’Iran.

Or, il y a deux ans, l’Argentine et l’Iran ont signé un mémorandum à l’origine d’une Commission d’enquête permettant au juge et au procureur de procéder à l’audience des suspects. Le protocole a été approuvé par le Congrès argentin en 48 heures. L’Iran n’a pas fait si vite.

J’ai rencontré Alberto Nisman dans son bureau. Il m’a alors dit sans détour: « Nous n’avons pas besoin de cette Commission, nous savons qui l’a fait, je suis certain que les responsables seront déférés devant un tribunal. Je ne peux pas dire quand pour le moment, mais nous sommes à deux doigts d’atteindre notre objectif. Il est difficile de comprendre pourquoi la présidente Cristina Kirchner a décidé de changer le traitement de l’affaire en optant pour une procédure politique. Je suis sûr qu’il y a une raison à cela et je découvrirai laquelle ».

A ce moment, nous ne savions pas de quoi il s’agissait. Désormais, nous savons.

La semaine dernière, Nisman a révélé que le gouvernement argentin a utilisé le « Mémorandum » comme couverture pour un accord commercial avec l’Iran : du blé en échange de pétrole à bas prix pour atténuer la crise énergétique du pays. Téhéran a posé toutefois une condition: le retrait des « notices rouges » d’Interpol.

Les ordres sont venus directement de la présidente Cristina Krichner, tandis que l’instrumentalisation de l’accord politique a été mené par le ministre des Affaires étrangères Hector Timerman. Les contacts avec l’Iran, qui ont mené directement auprès de Mohsen Rabbani, accusé d’être le cerveau de l’attentat, étaient eux établis par des opérateurs politiques liés au gouvernement.

Ils ont d’abord accusé Nisman d’être un menteur, avant de le traiter de fou et de finalement déclaré qu’il était dépourvu de valeurs morales.

Nul doute que beaucoup en Argentin sont heureux que sa voix soit maintenant réduite au silence=. Surtout ceux qui pensent que le pays doit se comporter comme le Venezuela où les valeurs démocratiques et les institutions (que ce soit la justice, les médias ou l’opposition) sont censurées et persécutées.

Après 31 ans de gouvernements démocratiques en Argentine, on assiste aujourd’hui à une dégradation de toutes les institutions, accablées par un État qui agit davantage comme un Etat totalitaire plutôt qu’une démocratie.

20 années se sont écoulées depuis que la bombe a explosé à Buenos Aires. Justice n’a pas été rendue, et elle ne le sera probablement jamais avec la mort de Nisman.

Carlos Gurovich, d’origine argentine, est le producteur du magazine de la rédaction i24news « Reportage/Insight »

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