INTERNATIONAL – Après avoir annoncé le retrait des forces américaines présentes depuis 2014 sur le sol syrien, les États-Unis devraient procéder à « un important retrait » des troupes en Afghanistan, a dévoilé un haut-responsable sous couvert d’anonymat ce vendredi 21 décembre.

 Le HuffPost tente de faire le point sur les tenants et aboutissants de ces deux décisions majeures, qui pourraient bousculer les équilibres régionaux.

2000 militaires américains vont quitter la Syrie

La décision a été officialisée mercredi 19 décembre par le président des États-Unis. « Maintenant, nous avons gagné, il est temps de rentrer », a lancé le locataire de la Maison Blanche dans une courte vidéo postée sur son compte Twitter.

Le calendrier de redéploiement n’a, lui, pas été précisé. En revanche, les frappes aériennes devraient continuer, au moins à court terme, a indiqué le Pentagone, jeudi 20 décembre.

  • Comment Trump justifie-t-il ce retrait?

« Les États-Unis veulent-ils être le gendarme du Moyen-Orient, en n’obtenant rien d’autre que la perte de vies précieuses et des milliers de milliards de dollars en protégeant des gens qui, dans leur grande majorité, n’apprécient pas ce que nous faisons? Voulons-nous être là-bas pour toujours? », a-t-il asséné sur Twitter, jeudi 20 décembre.

Donald J. Trump

@realDonaldTrump

Does the USA want to be the Policeman of the Middle East, getting NOTHING but spending precious lives and trillions of dollars protecting others who, in almost all cases, do not appreciate what we are doing? Do we want to be there forever? Time for others to finally fight…..

43,2 k personnes parlent à ce sujet

« Cette décision n’est pas une surprise », affirme Brahim Oumansour, chercheur associé à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), spécialiste de politique étrangère américaine au Moyen-Orient, au HuffPost.

« Elle intervient en réponse à son électorat. De nombreux Américains expriment un certain ras-le-bol de la participation américaine dans des conflits. En outre, cela s’inscrit dans la continuité de la politique de Barack Obama ».

  • Pourquoi certains alliés des États-Unis s’indignent-ils d’une telle décision?

Les membres de la coalition perçoivent ce retrait unilatéral comme un danger dans la lutte contre l’État islamique. « Quand le président Trump dit que Daech est mort, nous considérons aujourd’hui que si le califat territorial n’est plus ce qu’il était en 2014 (…), s’il est réduit à peau de chagrin, il reste encore une poche dans laquelle les djihadistes de Daech sont repliés », a reconnu Florence Parly, ministre des Armées, au micro de RTL, ce vendredi.

« Nous considérons que ce travail là doit être terminé ». Des craintes qui ont également été formulées par la diplomatie allemande la veille.

« Cette décision va fragiliser l’OTAN sur le plan militaire et symbolique dans la lutte contre l’État islamique », analyse Brahim Oumansour.

Interrogé par l’AFP, Vincent Desportes, ancien directeur de l’École de guerre confirme: « L’ensemble du dispositif est organisé autour de la force américaine, qui fournit en particulier un support extrêmement important en termes de renseignement et d’appui-feu. Sans cela, il est extrêmement difficile d’agir ».

Les deux experts se rejoignent également sur le fait qu’une telle décision pourrait, à terme, « permettre à Daech de se renforcer ».

  • Quels sont les États qui sortent vainqueurs?

Le départ du pays de l’oncle Sam va permettre à trois nations majeures, alliées du régime de Damas, de peser, encore plus, sur le devenir de la région et de la Syrie: la Russie, l’Iran et la Turquie.

Les présidents turc et iranien ont d’ailleurs convenu de renforcer la coopération de leurs deux pays en Syrie, jeudi 20 décembre. Un changement de paradigme qui, selon Brahim Oumansour, pourrait « ouvrir une brèche et donc un conflit possible entre Israël et l’Iran ».

« La présence américaine freine les deux pays », explique-t-il.

La Turquie peut se frotter les mains. Le retrait des forces spéciales américaines ouvre un boulevard aux Turcs pour mener une offensive contre les Kurdes.

Le président Recep Tayyip Erdogan avait réaffirmé lundi sa détermination à « se débarrasser » des milices kurdes dans le nord de la Syrie. Or celles-ci sont soutenues par Washington.

Si le conflit avec les Kurdes ne date pas d’hier,Ankaravoit d’un très mauvais œil leur émancipation en Syrie.

L’instauration d’une région « fédérale » pourrait, de leur point de vue, encourager les velléités séparatistes de la minorité présente en Turquie. Pour rappel, Ankara a déjà mené deux offensives dans le nord du pays depuis 2016.

« Les Kurdes se sentent trahis », confirme Brahim Oumansour. « La présence américaine servait de parapluie contre l’État islamique et la Turquie ».

La décision de Trump de se retirer de Syrie aurait d’ailleurs été influencée par un entretien téléphonique avec Erdogan le 14 décembre, selon plusieurs médias américains et un journal turc.

Citant la transcription de l’entretien, Hurriyet a affirmé que le président américain a demandé à son homologue turc: « Allez-vous nettoyer ce qui reste des éléments de Daech (EI) si nous venons à nous retirer de Syrie? ». Recep Tayyip Erdogan aurait alors répondu: « On le fera ».

Un retrait « important » des troupes en Afghanistan

Sous couvert d’anonymat, un haut-responsable américain a indiqué qu’une partie des militaires américains vont quitter le sol afghan.

Les soldats étaient déployés dans le pays dans le cadre d’une mission de l’OTAN en soutien aux forces afghanes et pour des opérations de lutte contre le terrorisme. Selon plusieurs médias, dont le New York Times, 7000 des 14.000 soldats présents sur place sont concernés. Pour l’heure, Washington n’a livré aucun détail sur cette décision.

  • Pourquoi cette décision est-elle surprenante?

Elle intervient alors que des « pourparlers de réconciliation sont en cours entre les États-Unis et les talibans, Donald Trump souhaitant mettre un terme aux 17 années de guerre dans le pays. L’émissaire américain pour la paix a néanmoins formulé de sérieux doutes sur les intentions des talibans, jeudi 20 décembre, se demandant s’ils voulaient « vraiment la paix ».

Plusieurs réunions ont eu lieu, mais ils ont récemment refusé de rencontrer les membres de la délégation afghane.

Selon le porte-parole du mouvement fondamentaliste, « les pourparlers ont porté sur le retrait des forces d’occupation (…), qui mettrait fin à l’oppression exercée par les États-Unis et leurs alliés, et des échanges de vues ont eu lieu sur la paix et la reconstruction de l’Afghanistan ».

Les États-Unis désirent parvenir à un accord avant l’élection présidentielle le 20 avril.

  • Comment expliquer ce retrait?

Selon un officiel cité de manière anonyme par le New York Times, il s’agit de rendre les forces afghanes moins tributaires du soutien occidental. Un constat avec lequel s’accorde Brahim Oumansour: « On peut justifier un retrait armé pour encourager une solution politique ».

La décision aurait été prise mardi, le même jour que l’annonce du retrait des forces de Syrie.

  • Quelles peuvent être les conséquences?

« Un retrait précipité serait extrêmement dangereux », avertit le chercheur à l’Iris, qui rappelle que « pour des raisons logistiques » le retrait devrait « prendre plusieurs mois ».

« Le gouvernement afghan est fragile, tout comme la coalition anti-EI avec le retrait américain ».

Pour Brahim Oumansour, comme d’autres spécialistes, pareille décision américaine est une erreur. « Cela risque d’ouvrir un boulevard aux talibans, mais également aux combattants étrangers de l’État islamique venus d’Irak et de Syrie pour se réfugier », soutient-il.

« Ce retrait est une erreur, car les États-Unis ont tendance à oublier que la construction d’un État passe par un soutien militaire. L’imprévisibilité de Donald Trump réside surtout dans le fait qu’il n’annonce pas d’alternative ».

La présidence afghane a, évidemment, réagi, se voulant rassurante, ce vendredi 21 décembre.

« S’ils se retirent d’Afghanistan, cela n’aura pas d’impact sur la sécurité car depuis quatre ans et demi, les Afghans exercent déjà un plein contrôle sur la sécurité », a déclaré un porte-parole du président.

À Bruxelles, une porte-parole de l’Otan, Oana Lungescu, s’est refusée à commenter directement mais a rappelé l’engagement réitéré lors d’une récente réunion des ministres des Affaires étrangères des pays membres à « assurer la sécurité à long terme et la stabilité de l’Afghanistan » à l’AFP. « Notre engagement est important pour garantir que l’Afghanistan ne deviendra jamais plus un havre pour les terroristes internationaux qui nous menacent chez nous », a-t-elle ajouté.

Pauline Chateau

 Le HuffPost

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