Quelques réflexions (inquiétantes) sur le match opposant la France au Maroc…

Ce que nous avons vécu hier soir n’était pas un simple sacrifice à l’engouement footballistique de la population mondiale. C’était, pour reprendre une métaphore de la sagesse chinoise, un seul lit pour deux rêves… Opposés l’un à l’autre. Il y eut, pour commencer, les craintes, la fébrilité des autorités françaises devant les exactions et les prédations commises par certains supporteurs (marocains, évidemment) qui étaient pourtant sortis victorieux de la confrontation sportive et qui, de ce fait, en bonne logique, auraient dû célébrer dans le calme et la dignité la victoire que personne n’oserait leur contester. En lieu et place de ce que nous aurions attendu, la ville de Bruxelles a chèrement payé ce soir là, que personne ne comprend, sinon que derrière le match en lui-même se cachait, très mal, le règlement d’un vieux contentieux historique, mêlant des rancœurs recuites, des frustrations vivaces de toute une population, de toute une culture, désireuse de prendre sa revanche. Doha, Bruxelles, Paris, et tant d’autres pays ou cités, ce qui était en jeu ressemblait à une compétition dont le ballon rond n’était qu’un prétexte.

Je commencerai par dire un mot de la peur panique qui s’est emparée des autorités, notamment du ministère de l’intérieur qui appréhendait le jour du match, au plan du maintien de l’ordre. L’inquiétude d’être pris dans d’éventuelles opérations violentes (du style des gilets jaunes) a contraint maint Parisiens à modifier leur emploi du temps, et j’avoue avoir été du nombre… De grands quotidiens nationaux avaient diffusé une crainte des affrontements, en cas de victoire comme en cas de défaite. Bref, une sorte de crainte très palpable s’était installée, avec autant de crainte d’avant le match comme d’après le match.

Toute ceci prouve qu’on était loin d’assister à un simple match. Ce sont les attitudes des pays islamiques qui l’illustrent le mieux. Même des pays qui étaient en froid avec la monarchie chérifienne avaient ce soir là opportunément jeté le manteau de noé sur leurs différents qu’ils prétendaient pourtant irréconciliables. Que se passait-il soudain, pour que les ennemis de la normalisation chérifienne avec l’État juif, aient rapidement rengainé leurs reproches et amplifié l’ampleur d’un succès tant attendu mais qui continuerait à se faire attendre ?

Que se serait-il passé si l’ordre des choses avait été inversé, si les Marocains, partie constitutive de la culture islamique, avaient battu la France, notre chère patrie ? Une pléthore de choses, de visions, d’habitudes et de comportements en auraient été chamboulés… Encore une fois, ce qui s’est joué hier soir au Qatar va bien au-delà d’un simple match de football, quand bien même il se serait agi d’une finale proprement dite ?

Je n’ose me prononcer ni m’engouffrer dans un abîme qui aspire les plus grandes lumières et ne les restitue plus jamais ? La nation arabo-musulmane en aurait profité pour réécrire l’Histoire, redéfinir les règles et revoir à la hausse ou à la baisse tout l’ordre du monde. C’est ce qu’on pouvait ressentir avec compassion quand les dizaines de milliers de supporteurs marocains sont soudain devenus silencieux et que la France inexorablement, volait vers la victoire sans appel , l’ancienne métropole coloniale, que certains, de par le monde, rivaient de détrôner. Cette prophétie auto-réalisatrice n’a pas été vérifiée. La marche était trop haute. La France n’est pas si affaiblie que cela…

Un dernier point à traiter, qui ne laisse pas d’inquiéter dans le même ordre d’idée. Alors que la FIFA avait interdit toute référence à quelque cause politique ou autre que ce soit, pour ne pas politiser les jeux, on a vu le Qatar permettre d’attaquer l’État d’Israël, poser devant les photographes avec l’étendard palestinien et rabrouer des journalistes israéliens. Mais la mesure a été largement dépassée par les joueurs marocains qui ont mis en avant la cause de la Palestine, défiant ainsi la politique de normalisation de leur souverain envers l’état juif. A ce jour, et autant que je sache, la FIFA n’a toujours pas réagi à ces infractions. Le président français, sur place, est étrangement silencieux.

Que dire, en guise de conclusion ? Le monde que nous connaissons depuis tant d’années, est en train de changer sous nos yeux. Mais il ne change pas vraiment pour le bien, si l’on considère avec attention les remous, les secousses telluriques qui agitent tant le monde arabo-musulman. La nécessité d’une purge de toutes les haines, de tous les préjugés, est vitale.

Je ne finirai pas cette description de la situation sans dire mon émotion en voyant hier les yeux noyés de larmes de tous ces supporteurs déçus et prostrés en voyant que les jeux étaient faits… La France reste la France. Mais ne soyons pas chauvins, les joueurs marocains ont bien joué, notamment lors de la seconde partie, mettant l’équipe de France en danger. Ils se sont comportés héroïquement, eux aussi pleuraient. Je rappelle cette phrase de Clémenceau :

Nous ne voulons pas être des héros, nous voulons être les vainqueurs. Ce fut le cas, hier, avec tout le respect pour l’équipe adverse…

Maurice-Ruben HAYOUN
Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève.  Son dernier ouvrage: La pratique religieuse juive, Éditions Geuthner, Paris / Beyrouth 2020 Regard de la tradition juive sur le monde. Genève, Slatkine, 2020
Les supporters français ont célébré le deuxième but de l’équipe de France contre le Maroc en allumant des fumigènes dans Nice. (©MR / Actu Nice)

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Charles DALGER

Tiens ! Il en aura fallu du temps aux « neuneux juifs », y compris israéliens, pour enfin comprendre et admettre, la haine antijuive incrustée profondément dans une large partie de la population arabo-musulmane, tout autour du monde !

Enfin, ce spectacle de football aura eu l’immense mérite de provoquer cette très salutaire prise de conscience.