Protéger la nature: un défi permanent pour Israël

On présente souvent Israël comme la terre du « rassemblement des exilés ». C’est une réalité dont on peut raconter l’histoire épique, avant et depuis la fondation de l’État en 1948, chronique à la fois nationale et universelle dans laquelle beaucoup d’entre nous font le choix d’inscrire leur parcours personnel. Cette histoire, on la retrouve jusque dans le paysage culinaire de Jérusalem ou de Tel-Aviv : dans le falafel, se côtoient le houmous levantin, le cornichon russe, le z’houg yéménite et même l’amba indienne. Mais on sera peut-être surpris d’apprendre que cette histoire n’est pas seulement une épopée humaine et culturelle : elle se lit jusque dans la nature elle-même !

En effet, placé aux confins de différents continents, Israël jouit d’une variété d’animaux et de plantes – une biodiversité – à proprement parler extraordinaire. À titre d’illustration, contentons-nous de cette comparaison frappante : il y a autant d’espèces d’animaux et de plantes en Israël qu’en France, pour un territoire vingt-cinq fois plus petit ! Si vous consultez une carte de la faune et de la flore qui vous indique la répartition des espèces à travers le monde, on peut voir qu’à côté de celles dites endémiques (c’est-à-dire qui n’existent qu’en Israël), on trouve en Israël les espèces méditerranéennes, sahariennes, éthiopienne et… iraniennes.

À cet égard, Israël renferme donc une richesse absolument unique, un trésor. Enfant, je me passionnais pour les animaux, et j’avais noté l’existence, en France (où j’ai grandi), de cinq espèces de serpents : trois couleuvres et deux vipères. En Israël, j’ai fait la connaissance d’une trentaine d’entre elles – dont certaines que j’espère rencontrer le moins possible !

Aigle royal. (Yoav Perlman)

La furtive silhouette des reptiles n’est pas l’unique manifestation de ce trésor d’une valeur inestimable, loin s’en faut. Le ciel, en Israël, peut soudain s’obscurcir, traversé par une nuée d’oiseaux. Ignorant les frontières, ce sont quelques 500 millions d’oiseaux migrateurs qui passent au-dessus de nos têtes chaque année, ce qui fait d’Israël le plus grand corridor de migration aviaire avec Panama. Les espèces emblématiques, comme les grues et les cigognes, ne constituent qu’une partie de cette abondance. Des millions d’autres plus petits migrants bisannuels quittent l’Europe pour l’Afrique à l’automne et parcourent le chemin inverse au printemps. Sur ce chemin, Israël est une oasis inégalée.

On peut rencontrer et admirer un très grand nombre de ces volatiles, d’une diversité impressionnante, dans la vallée de la ‘Houla, un marais d’une richesse biologique exceptionnelle qui fut aussi le lieu du premier grand désastre environnemental en Israël. En effet, au début des années 1950, dicté par une foi sans bornes dans le progrès et la domination nécessaire de la nature par l’homme, un immense chantier d’assèchement des marais au profit des terres agricoles a été mis en œuvre – au prix de la disparition d’une part de la diversité biologique. C’est à cette occasion qu’a été fondée, en 1953, la Société pour la protection de la nature en Israël. Depuis, les marais ont été en partie réhabilités ; une espèce de crapaud que l’on pensait disparue depuis leur assèchement a même refait son apparition il y a une dizaine d’années.

Terrain près de Beitar Illit, au sud-ouest de Jérusalem, qui fait partie d’un corridor écologique mais qui est destiné à être urbanisé. (Dov Greenblat, Société pour la protection de la nature en Israël)

Il ne faut toutefois pas se leurrer : la nature est résiliente et les bonnes surprises sont au rendez-vous, mais la raréfaction de la nature en Israël est une tendance qui semble inexorable et qui invite à s’interroger profondément sur nos modes de développement – ce que nous ne manquerons pas de faire dans cette chronique. Israël est le pays le plus densément peuplé du monde occidental, et les constructeurs ont pendant longtemps fait la part belle aux villas ainsi qu’aux grands projets qui s’étalent et font rapidement prendre conscience de la limite des espaces verts.

Pire : Israël a accumulé un immense retard en matière de développement d’infrastructures de transport public – il y a quelques années, seulement 23% des voyages étaient effectuées en transports publics dans la métropole de Tel-Aviv, alors que ce chiffre s’élevait à environ 40% dans la plupart des métropoles occidentales. Les routes ont rapidement morcelé un territoire étriqué et rendu la tâche de préservation de la nature plus qu’incertaine. La consommation s’est également développée de manière spectaculaire ces dernières années, avec des chiffres qui donnent le vertige : Israël occupe la deuxième place mondiale pour sa consommation de vaisselle en plastique jetable par habitant, la première place pour sa consommation de volaille par habitant et la quatrième place pour sa consommation de bœuf. Tout cela a un prix, et des conséquences sur la qualité de vie et l’avenir de nos enfants.

Israël est à la croisée des chemins. Face à la crise climatique et aux bouleversements de nos modes de vie, la nature reste plus que toujours une solide alliée, fondamentale pour notre approvisionnement en air, en eau, en nourriture, mais aussi pour nous inspirer et nous soulager. Mais il faut se retrousser les manches, car elle est en danger.

Une zone de dunes à Ashdod, dans le sud d’Israël, destinée à la construction. (Dov Greenblat, Société pour la protection de la nature)
Jonathan Aikhenbaum Directeur de Greenpeace Israel
https://www.greenpeace.org/israel/
Les gazelles des montagnes, menacées d’extinction, comme celle-ci, dépendent des corridors écologiques pour se déplacer. (CC BY-SA 3.0 Bassem18/Wikipedia)

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