Rebondissement dans l’affaire du nucléaire iranien. Les informations dont disposerait l’AIEA proviendraient d’un mystérieux ordinateur portable que les services américains se seraient procuré en 2004 et seraient des faux selon les iraniens

La République islamique a refusé jusqu’à présent de répondre point par point à toutes les questions de l’AIEA.

Alors que les grandes puissances et l’Iran sont parvenues début avril à un accord-cadre sur le nucléaire iranien, un fantôme continue de hanter le dossier: celui d’études présumées que Téhéran aurait menées jusqu’en 2003 pour se doter de la bombe.

Malgré les admonestations répétées de l’AIEA, l’autorité nucléaire des Nations unies, l’Iran n’a toujours pas fait la lumière concernant une série d’allégations formulées en 2011 sur les « dimensions militaires possibles » de son programme nucléaire. L’Iran a toujours réfuté vouloir ou avoir voulu se doter de l’arme atomique, rejetant ces accusations selon lesquelles il aurait, entre autres, mené des recherches sur le façonnement d’ogives et sur une nucléarisation de son missile balistique Shahab-3. La République islamique a refusé jusqu’à présent de répondre point par point à toutes les questions de l’AIEA. Or ces éclaircissements sont indispensables pour établir une relation de confiance dans le cadre d’un accord définitif, estiment les chancelleries occidentales.

Cet accord potentiellement historique, qui doit être finalisé d’ici au 30 juin, porte sur une réduction draconienne des capacités nucléaires iraniennes en échange d’une levée des sanctions internationales. « La question de la possible dimension militaire (…) fait partie de l’ensemble. Elle doit être résolue pour que les sanctions puissent être levées », souligne un diplomate européen partie aux négociations.

Mystérieux ordinateur

Dans une déclaration finale commune après la conclusion de l’accord-cadre du 2 avril à Lausanne (Suisse), la responsable de la diplomatie européenne Federica Mogherini et son homologue iranien Mohammad Javad Zarif ont souligné que l’AIEA aurait un « accès renforcé » aux données iraniennes pour « clarifier des sujets de préoccupation passés ou actuels ».

Mercredi, le chef des inspecteurs de l’Agence, Tero Varjoranta, et ses experts ont eu des discussions techniques infructueuses avec les responsables iraniens, les premières depuis la conclusion de l’accord-cadre. « Nous espérons passer cette étape lors de la prochaine session », a déclaré l’ambassadeur iranien auprès de l’AIEA, Reza Najafi, cité par l’agence Isna.

La date et le lieu de cette prochaine rencontre n’ont pas été fixés, a dit M. Najafi, espérant qu’elle aurait lieu « avant la prochaine réunion du Conseil des gouverneurs » de l’AIEA, prévue début juin à Vienne. Mais la route reste semée d’embûches. L’Iran conteste en effet l’authenticité même des documents en possession de l’AIEA. Il évoque une manipulation de services secrets ennemis et déplore ne pas avoir pu les avoir en main.

La vénérable Agence elle-même reste d’une grande discrétion sur l’origine de ses sources. On sait seulement qu’une importante partie du fonds provient d’un mystérieux ordinateur portable que les services américains se seraient procuré en 2004. Sans confirmer formellement cette origine, l’AIEA a toujours souligné que cette base de départ a été depuis corroborée par un « large éventail de sources indépendantes, y compris d’un certain nombre d’États membres », et que l’ensemble est « globalement crédible ».

Pour certains analystes, comme Robert Kelley, de l’Institut international de Stockholm pour la recherche sur la paix (Sipri), « beaucoup d’accusations (de l’AIEA) sont risibles » et il n’est pas exclu « qu’une partie des documents soient des faux ».

Sauver la face

Toutefois, selon la majorité des experts, comme Mark Fitzpatrick, de l’Institut international d’études stratégiques (IISS) de Londres, « même si certaines preuves prises individuellement sont discutables, il ne fait pas de doute (…) que l’Iran a effectivement mené des travaux de nucléarisation militaire ». Et pour Kelsey Davenport, de l’institut Arms control association, « l’Iran ne s’en tirera pas comme ça pour ses travaux passés ». Selon elle, « il est vital pour la crédibilité de l’Agence que l’Iran apporte des réponses », faute de quoi le régime de non-prolifération nucléaire tout entier serait ébranlé.

Mais pour Yousaf Butt, de l’institut britannico-américain Basic, ce point ne doit pas compromettre la conclusion d’un accord final après plus de douze ans de tensions. « Il est beaucoup plus important de limiter les capacités de l’Iran à fabriquer du combustible nucléaire à l’avenir que de se focaliser sur des travaux passés présumés », estime-t-il.

Pour Mark Fitzpatrick, la solution pourrait passer par un compromis. « Il sera impossible politiquement pour l’Iran d’avouer qu’il a cherché à se doter d’armes nucléaires en violation d’une fatwa du Guide suprême contre ces armes », souligne cet expert. Toutefois, la République islamique pourrait sauver la face tout en satisfaisant aux demandes de l’AIEA, en livrant un aveu qui rejetterait par exemple la « culpabilité » de ces travaux sur des « scientifiques dévoyés », estime-t-il.

OLJ

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