Netanyahou : l’urgence d’instituer un mécanisme d’inviolabilité
Le 2 mars 2018, le Premier Ministre Benjamin Netanyahou a été entendu par les services de police enquêtant sur son implication présumée dans des affaires de corruption. Si, sa responsabilité pénale est effectivement engagée, il devra répondre de ses actes comme tout un chacun. Pour autant, Benjamin Netanyahou n’est pas un citoyen « lambda » : c’est le Premier Ministre de l’Etat d’Israël qui exécute ses mandats successifs, depuis 2009, dans des conditions exceptionnelles, en dépit des graves turbulences qui agitent le Moyen Orient depuis son entrée en fonction. La question se pose donc de savoir s’il ne conviendrait pas d’instituer en Israël, à l’instar de ce qui existe en France pour le Président de la République, un mécanisme d’immunité et d’inviolabilité attaché à la fonction, pour lui permettre d’assumer ses responsabilité et gérer sereinement son mandat jusqu’à son terme, sans être soumis à des pressions politiques et médiatiques.
Le principe de séparation des pouvoirs interdit au pouvoir judiciaire d’exercer des pressions sur le pouvoir Exécutif. Aussi, le Droit Français a-t-il, progressivement, institué un mode d’irresponsabilité du Président de la République dont Israël gagnerait à s’inspirer s’agissant des fonctions de Premier Ministre.
L’article 67 de la Constitution Française pose le principe de l’irresponsabilité des actes accomplis par le Président de la République qui ne « peut être requis de témoigner ou faire l’objet d’une action d’un acte d’information d’instruction ou de poursuite pendant la durée de son mandat ». Cette règle joue d’ailleurs, quelle que soit la juridiction ou l’autorité administrative, les délais de prescription ou de forclusion étant alors suspendus jusqu’à l’expiration de ses fonctions.
En d’autres termes, il n’est pas possible d’agir contre le Président de la République pendant la durée de son mandat, en matière pénale, civile ou prud’homale, qu’il s’agisse d’acte en lien ou non, avec son mandat. L’immunité ne dure alors que jusqu’à la fin de son mandat.
Cette immunité temporaire souffre toutefois de deux exceptions visé par l’article 68 de la Constitution :
– le Président peut faire l’objet d’une destitution «  en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice à son mandat. La destitution est alors prononcée par le Parlement constitué en haute Cour ».
– la responsabilité du Président de la république peut également être recherchée devant la Cour Pénale Internationale, en cas de crime contre l’humanité.
En dehors de ces hypothèses, le Président de la République ne peut jamais être inquiété pendant la durée de son mandat, pour des actes susceptibles d’être considérés comme étant répréhensibles.
Compte tenu de la proximité des fonctions du Président de la République et celle de Premier Ministre en Israël, il conviendrait de mettre en place un système voisin d’irresponsabilité temporaire, pour éviter de jeter en pâture, sur la place publique, les actes reprochés au Premier Ministre. Celui-ci pourrait alors achever son mandant dans des conditions sereines. Il en va de la démocratie israélienne.
Il est vrai que le Premier Ministre Benjamin Netanyahou est dans la tourmente depuis quelques mois, notamment dans ses relations avec les médias.
Utilisant l’influence que peut exercer les médias sur le public, le Premier Ministre a  s’est réservé le poste de Ministre des communications lors des élection de 2015.
Par ailleurs, il a essayé de transférer le contrôle de la Populaire Army Radio au ministère de la Défense, pour améliorer son image et celle du gouvernement sur le plan médiatique.
Sur le plan pénal, il est reproché au Premier Ministre israélien des actes qui pourraient constituer des délits, s’ils étaient avérés.
Le 27 février 2018, l’ancien chef de Bureau du Premier Ministre, Shlomo Filber a témoigné contre lui dans l’affaire concernant le géant des télécommunications Bezeq : des faveurs auraient été accordées à Shaul Elovitch, (l’actionnaire majoritaire de la société Bezeq) en contre partie d’une bonne couverture médiatique pour lui et sa famille. Sur ce point, il est également reproché à Netanyahu d’avoir placé Filber à la tête du ministère des Communications pour bloquer la réforme des lois sur la concurrence, qui aurait gravement nui à la position commerciale de Bezeq.
C’est Ilan Yeshua, directeur général du site Web d’informations Walla (détenu par Elovitch, l’actionnaire de Bezeq), qui aurait remis aux services de polices des enregistrements d’Elovitch concernant le premier Ministre et sa façon de le présenter devant les télévisions pour lui assurer une bonne couverture médiatique…
Netanyahou est également cité dans une affaires impliquant d’autres médias : il aurait conclu un accord avec Arnon Mozes, propriétaire du groupe d’information du Yedioth Aahronoth, en vue d’affaiblir le journal concurrent « Israël Hayom », en contrepartie d’une couverture avantageuse pour rester au pouvoir.
Il est également reproché au premier Ministre d’avoir reçu près de 300 000 dollars d’hommes d’affaires à qui il aurait promis des avantages fiscaux et des facilités pour investir…
En outre, il est suspecté d’avoir exercé des pressions contre les deux plus grandes chaînes commerciales israéliennes, Channel 2 et 10 qui ne le présentaient pas avantageusement.
Dans une autre affaire, des proches du Premier Ministres auraient perçu des sommes d’argent en échange de l’obtention d’un contrat de deux milliards de dollars avec le fabricant allemand de sous marins Dolphin, qui transporte des ogives nucléaires. Sur ce point, il est reproché au Premier Ministre, non la perception de sommes d’agent, mais sa connaissance supposée du versement de commissions occultes…Selon l’enquête, Netanyahou aurait demandé le renvoi du rédacteur en chef du site Web d’information en ligne de Walla, Aviram Elad, uniquement parce qu’il a publié un article sur des irrégularités concernant l’achat des sous-marins Dolphin.
Enfin, il est reproché son épouse Sarah d’avoir gérer la résidence familiale de la famille dans des conditions opaques…
Dans le Droit israélien, le Premier Ministre ne peut être inculpé que si le Procureur général Avichai Mandelblit estime que les éléments fournis par l’enquête policière sont suffisants pour caractériser les infractions. (La tâche de Mandelblit est d’autant plus ingrate qu’il a personnellement été nommé à ce poste par Benjamin Netanyahou).
Les députés du Likoud s’en sont pris violemment aux services du commandant de la police, Roni Alsheikh, en les accusant de mener un « coup d’Etat »….mais en tout état de cause, la multiplicité des informations (non vérifiées) pressurise le Premier Ministre et risque de nuire à la qualité de son travail. Il est donc urgent d’instituer en Israël un mécanisme d’immunité et d’inviolabilité de la fonction jusqu’à la fin du mandat : il en va de la démocratie israélienne.

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DANY83270

@Maître Bertrand Ramas-Muhlbach , je suis d’accord avec vous; il faut une loi pour empêcher la police d’inquiéter un Premier ministre pendant l’exercice de son mandat.
Mais il faudrait également une loi pour punir les policiers qui viennent déranger le Premier ministre à cause des cigares, du champagne et d’une montre qu’on lui aurait offerts qui sont des choses assez dérisoires et qu’il ne pouvait pas refuser pour ne pas froisser la susceptibilité du donateur.