Des gendarmes à Nantes (quartier du Breil) le 4 juillet 2018. (SEBASTIEN SALOM GOMIS / AFP

Onze personnes ont été interpellées dans la nuit de mercredi à jeudi à Nantes, au lendemain de la mort d’un jeune de 22 ans tué par un policier lors d’un contrôle.

La plupart ont été arrêtées dans le quartier du Breil, où a été tué l’homme. Des violences avaient déjà eu lieu dans la nuit de mardi à mercredi.

Après un calme relatif en début de soirée mercredi, des départs d’incendies ont repris vers 22h30 dans les quartiers dit « sensibles » du Breil, Bellevue, Dervallières et Malakoff, selon « Ouest-France ».

Ces violences urbaines font suite au décès d’un jeune de 22 ans mardi soir vers 20h30 dans le quartier du Breil, lors d’un contrôle de police. sous le coup d’un mandat d’arrêt pour « vol en bande organisée, recel et association de malfaiteurs », il avait tenté de s’enfuir en effectuant une marche arrière, avait relaté mercredi le procureur de la République de Nantes Pierre Sennès.

Un policier avait suivi le véhicule avant de faire feu une seule fois sur le chauffeur, l’atteignant au cou. Selon des sources proches du dossier, le conducteur aurait tenté de « prendre la fuite en reculant sur un fonctionnaire de police », ce que n’a pas confirmé le procureur qui s’est refusé à répondre à toute question.

14 morts en un an

Des proches du jeune homme tué avaient appelé au calme mercredi soir, par la voie de leur avocat, avant une marche blanche prévue ce jeudi à 18 heures à Nantes.

Le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a condamné « avec la plus grande fermeté » ces violences tandis que la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, appelait aussi « au calme », tout comme Nicole Klein, la préfète de Loire-Atlantique qui a précisé qu’un dispositif « conséquent » de forces de l’ordre était « mis en place 24h/24h ».

L’IGPN avait fait état la semaine dernière d’une plus grande utilisation de certaines armes par les policiers, comme le pistolet automatique, avançant pour la première fois le chiffre des personnes tuées lors d’interventions policières, soit 14 morts recensés depuis juillet 2017.

AFP

Deux versions s’opposent quant au déroulé des faits

Les faits se sont déroulés vers 20h30, au niveau du 68 rue des Plantes, lors d’un « contrôle diligenté par un équipage de CRS suite à des infractions commises par un véhicule », a déclaré sur place à la presse Jean-Christophe Bertrand, directeur départemental de la Sécurité publique (DDSP).

La police assure que le policier a tiré en état de légitime défense, une version démentie par des habitants du quartier du Breil qui affirment avoir assisté à la scène.

Interrogé par « Ouest-France », Chris, qui se présente comme un « grand frère du quartier » du Breil, assure ainsi que le jeune homme se serait « fait tirer dessus avant de percuter le mur d’une maison » et n’aurait pas touché le policier :

« Le contrôle durait depuis plusieurs minutes. A un moment, il a reculé avec sa voiture mais il n’a pas touché le policier. Il n’était pas dangereux. »Deux versions s’opposent donc quant au déroulé des faits, comme le résume cette vidéo de BFMTV rapportant les propos tenus la nuit dernière par Jean-Christophe Bertrand (DDSP), puis ceux d’un témoin des faits :

(Source BFMTV)Jean-Christophe Bertrand sur BFMTV : 

« On lui demande de garer son véhicule, puis de suivre les CRS pour être amené vers l’hôtel de police, et à ce moment-là le conducteur entreprend une marche arrière pour se soustraire au contrôle et percute un fonctionnaire CRS. Et à ce moment-là, un de ses collègues, qui est en sécurisation du contrôle, fait feu avec son arme individuelle. »

Le témoin des faits sur BFMTV :

« Je tourne la tête, je vois le policier sans sommation qui tire à bout portant sur le jeune conducteur. Il n’a percuté personne. Il n’a percuté qu’une voiture qui est encore là-bas, vous pouvez la voir. De là j’ai vu la personne a perdu conscience, sa tête a tapé sur le volant, elle a fait marche arrière et a fini dans un jardin. »Dans la nuit, le directeur départemental de la Sécurité publique avait déjà livré plusieurs éléments pour étayer sa version des faits:

  • Le contrôle a été « diligenté par un équipage de CRS suite à des infractions commises par un véhicule ».
  • L’identité de l’automobiliste n’étant « pas claire, les CRS ont reçu pour ordre de ramener le conducteur » au commissariat. « Le conducteur, faisant mine de sortir de son véhicule, a percuté un fonctionnaire de police » qui a été légèrement blessé aux genoux.
  • « Un de ses collègues a fait feu et a touché le jeune homme qui est malheureusement décédé. »

« Le conducteur n’avait pas de ceinture ni de pièce d’identité et a donné un faux nom », a également indiqué un peu plus tard à l’AFP une source proche du dossier. « Les policiers s’aperçoivent que le véhicule est surveillé par la police (…) dans le cadre d’un trafic de stupéfiants. Le conducteur tente de prendre la fuite en reculant sur un fonctionnaire de police. Son collègue tire. »

Touché à la carotide, le jeune homme est décédé à l’hôpital vers 22h30. Le policier qui a ouvert le feu est « en suivi psychologique », a aussi indiqué à l’AFP la préfète Nicole Klein.

Présent sur place, la journaliste indépendante Marion Lopez a publié sur Twitter une photo du mur percuté par le véhicule du jeune homme.

Elle a également recueilli le témoignage d’un témoin assurant que le CRS n’a pas été blessé :

« Je suis arrivé, il a essayé juste de faire une marche arrière, […] ils l’ont tamponné contre le mur. La voiture s’est explosée contre le mur. Il était déjà immobile, il pouvait rien faire d’autre. Le policier est arrivé, il a tiré dessus à bout portant, il lui a mis une balle sur le cou directement, alors qu’il était déjà immobile. Il ne pouvait rien faire. »

Interrogée par l’AFP, une habitante du quartier qui a filmé la scène a affirmé qu’il n’y avait « pas de CRS derrière la voiture, il n’a écrasé personne. Il y a eu un seul coup de feu. »

Qui est la victime ?

Interrogée par BFMTV, la préfète de Loire-Atlantique Nicole Klein a déclaré ce mercredi matin que les autorités avaient « mis longtemps » à établir l’identité du jeune homme, qui n’a été connue, selon elle, qu’à 5h30 ce mercredi matin. Il s’agit d’un jeune homme originaire de Garges-lès-Gonesse, dans le Val-d’Oise.

« Il semblerait que c’était quelqu’un de connu défavorablement, mais on va regarder cela de plus près », a affirmé la préfète sans plus de précisions.

Un peu plus tard, c’est le procureur de la République de Nantes, Pierre Sennès, qui a indiqué que le jeune homme était sous le coup d’un mandat d’arrêt, délivré en juin 2017 par un juge d’instruction de Créteil. Il était recherché pour vol en bande organisée, recel et association de malfaiteurs.

« Ce jeune-là, il avait tout le temps le sourire. C’est ça qui le caractérisait. Il n’était pas dans les embrouilles. C’était une crème. On a perdu un ami, on a perdu un frère », a dans le même temps rapporté un habitant du quartier à « Ouest-France« .

Chris, le « grand frère du quartier », a aussi confié au quotidien : « Je le connaissais bien. Il était de Paris, mais il vivait ici depuis un moment. Il a de la famille. Pour nous, c’est un enfant du quartier. »

Où en est l’enquête ?

Elle n’en est évidemment qu’à ses débuts et devra notamment établir si le policier a fait usage de son arme en état de légitime défense ou non.

« Le SRPJ de Nantes et l’Inspection générale de la police nationale sont saisis de l’enquête afin de préciser la commission des faits et déterminer dans quelles circonstances le policier a été amené à faire usage de son arme », a précisé dans la nuit le procureur de Nantes.

Que sait-on des violences qui ont suivi ?

Toujours selon Jean-Christophe Bertrand (DDSP), le tir du policier a aussitôt déclenché des violences urbaines dans le quartier du Breil avec des « prises à partie, des jets de cocktail Molotov ».

Des voitures ont été incendiées, ainsi qu’un centre paramédical situé dans un centre commercial, a par ailleurs constaté l’AFP. Ce drame a aussi été « le point de départ d’autres violences urbaines sur d’autres quartiers sensibles de Nantes« , à Malakoff et aux Dervallières, a également précisé Jean-Christophe Bertrand.

Au total, une trentaine de voitures incendiées et huit locaux et bâtiments, dont une mairie annexe et deux centres commerciaux, selon la préfecture. Le calme est revenu vers 3 heures.

La journaliste Marion Lopez a également publié sur Twitter une vidéo tournée après les faits.

Un habitant du quartier du Breil, Steven, 24 ans, a déclaré à une journaliste de l’AFP avoir « entendu des détonations » :

« J’ai mis une demi-heure à descendre. Je voyais que ça brûlait de partout, ça courrait de partout. Il y avait le feu à des poubelles, à des voitures. Ils étaient en train de tout casser. Ça a duré super longtemps. »Il n’y a pas eu d’interpellation, selon une source policière citée par l’AFP.

Ce mercredi matin, les habitants ont découvert les vestiges des incendies et un tag, peint sur un mur du quartier du Breil selon, encore une fois, la journaliste Marion Lopez sur Twitter : « 03/07. Breil. L’Etat assassine ».

Quelles réactions des autorités ?

Johanna Rolland, maire PS de Nantes, est arrivée peu avant 2h30 aux Dervallières. « Mes premières pensées vont à ce jeune homme mort, à sa famille, à tous les habitants de ce quartier, de nos quartiers », a-t-elle déclaré.

« La police et la justice dans son indépendance devront faire la clarté et la plus totale des transparences sur ce qui s’est passé ce soir », « mais l’urgence ce soir, c’est l’appel au calme dans nos quartiers », a-t-elle martelé.

De son côté, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb « condamne avec la plus grande fermeté les violences et les inacceptables dégradations commises la nuit dernière dans plusieurs quartiers de Nantes, et s’associe aux appels au calme formulés ce matin par les élus et responsables locaux », a-t-il fait savoir dans un communiqué diffusé ce mercredi matin.

« Le ministre de l’Intérieur tient à rappeler qu’il appartient à la justice, et à la justice seule, de faire toute la lumière sur les circonstances qui ont conduit au décès d’un automobiliste à la suite d’un contrôle de police. », peut-on également y lire.

« A la suite de plusieurs agressions violentes impliquant des résidents du quartier de Breil le 28 juin dernier, le secteur faisait l’objet d’un dispositif de sécurisation renforcé avec l’appui des CRS. Cette nuit, les violences urbaines se sont également produites dans les quartiers de Malakoff et Dervallières, retenus pour être des quartiers de reconquête républicaine dès septembre prochain dans le cadre de la police de sécurité du quotidien », conclut le communiqué.

(Au mois de mai, plusieurs coups de feu ont été tirés dans le quartier du Breil et le 28 juin au soir, des tirs contre la façade d’un immeuble ont légèrement blessé une adolescente, selon « LeMonde. »)

Enfin, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a également appelé au calme, assurant sur RTL que « l’Etat de droit sera pleinement respecté ». Elle a confirmé que le parquet et l’Inspection générale de la police nationale avaient été saisis, « pour que toute la lumière soit faite dans la plus totale transparence » sur la mort de ce jeune homme.

C. R. (Avec AFP)

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