Du terrorisme au djihadisme : la motivation religieuse au cœur de la violence terroriste musulmane

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Mitchell Bard: Mort aux Infidèles : La guerre de l’Islam Radical contre les Juifs (New York, Palgrave Macmillan, 2014) 282 pages

 

Commenté par Manfred Gerstenfeld

La violence qui émerge de la majeure partie du monde islamique se répand presque partout. Il s’entoure de plus en plus d’un caractère religieux.Le titre du quatrième chapitre du nouveau livre de Mitchell Bard résume très bien cette mutation religieuse : « La métamorphose des terroristes en djihadistes ».  

Le Dr Mitchell Bard est le Directeur Exécutif de l’Entreprise Coopérative Américano-Israélienne (AICE) à but non-lucratif. L’une de ses principales réalisations est l’instauration et la direction de la Bibbliothèque Virtuelle Juive, une vaste encyclopédie sur la toile. Bard a publié plus de vingt ouvrages. L’un des plus importants d’entre eux est : The Arab Lobby: The Invisible Alliance that Undermines America’s Interests in the Middle East [Le Lobby Arabe : l’Alliance Invisible qui saborde les intérêts américains au Moyen-Orient]. Il y expose les nombreux composants hétérogènes de cette alliance, dont le plus important est le lobby saoudien.

Les évolutions au Moyen-Orient continuent modifient rapidement son paysage. Elles sont impossibles à comprendre sans posséder une infrastructure de connaissances de l’histoire, des idéologies et des conflits de cette région. Le nouveau livre de Bard apporte une contribution majeure à ces connaissances, même si le livre se focalise sur la guerre religieuse contre Israël et les Juifs, propagée par une grande diversité de courants violents en Islam. Ce livre peut être qualifié de panorama du paysage de l’incitation musulmane antijuive et de sa nocivité criminelle, axé sur les dernières décennies.

On pourrait penser à tort qu’un livre de cette nature risque inévitablement de perdre une partie importante de sa valeur intrinsèque, au rythme où se déroulent les événements les plus récents. Pourtant et bien qu’ils se soient passés depuis sa publication, le livre demeure une référence valide, justement parce qu’il éclaire le contexte et la structure dans lesquels ces événements mêmes s’enchaînent.

L’une des dernières évolutions s’illustre dans l’accord conclu entre l’Administration Obama, ses alliés et le régime iranien, comme si on pouvait faire la moindre confiance à ces Musulmans chiites totalitaires promoteurs de génocide. Une autre se situe dans l’avènement du mouvement sunnite de l’Etat Islamique, qui surpasse même par sa cruauté les autres mouvements terroristes religieux musulmans. Lentement mais sûrement, de plus en plus d’analystes occidentaux commencent à peine à comprendre qu’alors que la conscience religieuse et l’identification à ce groupe s’accroît parmi les Musulmans, le conflit sunnite-chiite deviendra de plus en plus central. Par conséquent, bien d’autres personne mourront à cause de cet état de fait.

Les multiculturalistes occidentaux ont fait la promotion de beaucoup d’illusions trompeuses. L’une d’entre elle dit que les cultures se valent toutes. Cette allégation ne sera pas facile à déconstruire, pour le laïc ordinaire. Pourtant, le simple fait d’accepter ce relativisme moral comme une évidence, consiste à offrir une licence à la violence extrémiste islamiste. Un autre leurre est la croyance dans un islamisme qui serait structurellement différent de l’Islam, et plutôt une version extrême de cette religion. Pourtant, une autre erreur majeure serait de dire que la loi musulmane ou « Chari’a » serait compatible avec la démocratie. Au contraire, elle est d’essence anti-démocratique, puisqu’elle vise à la théocratie musulmane. Bard explique cela très bien. Il s’exprime également comme opposé à une autre incompréhension fréquente en Occident : que le simple fait d’organiser des élections serait, en soi, démocratique. Dans le monde arabe, plus souvent qu’à son tour, la manipulation des élections dément toute ressemblance avec une quelconque intention démocratique.

Le Printemps Arabe est un sujet important auquel Bard consacre un chapitre entier. Beaucoup trop d’Occidentaux ont cru qu’il s’agissait du début d’un changement démocratique, plutôt qu’une série de développements sur la route vers le chaos et le fanatisme. Il a fallu deux révolutions pour stopper ce processus en Egypte. Le Printemps Arabe a conduit à de très nombreux massacres depuis son lancement. Le nombre de morts syriens surpasse tous les autres pourtant des dizaines de milliers d’autres sont morts en Irak et en Libye. Un autre pays qui risque de connaître des chiffres affolants en nombre de morts est le Yémen, à cause des troublesqui s’y poursuivent sans relâche.

D’autres sources d’inquiétudes et de problèmes n’ont fait qu’augmenter depuis la publication du livre. Les craintes s’élèvent de voir l’Arabie Saoudite se doter de l’arme atomique, tôt ou tard et que la Jordanie s’effondre sous les coups de boutoir d’un soulèvement (interne et externe) de l’Etat Islamique.   

Les bombardements, d’abord essentiellement américains, puis, plus récemment des Russes, sont parvenus à endiguer l’expansion de l’Etat Islamique et ont même réussi à réduire, d’une façon ou d’une autre, l’ampleur de ses territoires.  Il n’est pas évident de savoir qui remplacera les djihadistes de Daesh sur les territoires qu’ils détiennent encore. Cependant, une défaite territoriale ne signifie pas nécessairement une défaite idéologique. L’afflux massif et faiblement contrôlé de réfugiés des pays musulmans vers l’Europe augmente la probabilité d’attentats terroristes comme les massacres de Paris en novembre 2015 ou de Bruxelles en mars 2016. On n’a même pas besoin d’être homologué par un groupe terroriste pour devenir un terroriste. Une culture de violence et de meurtriers auto-radicalisés (« faîtes-le vous-mêmes!) fait un véritable bond en avant parmi les Musulmans extrémistes. Les Juifs et d’autres à Toulouse, Paris, Bruxelles et Copenhague en ont payé le prix. 

Bard n’est pas tendre envers Obama et sa politique internationale, son insensibilité chronique aux positions d’Israël et bien d’autres aspects qui en découlent. Il explique pourquoi les Israéliens n’ont aucune confiance en Obama, en consacrant un chaître aux Etats-Unis, intitulé : « Les Rêves brisés de Paix : du succès de Camp David au fiasco d’Obama ». On peut ajouter qu’à entendre les déclarations du Président américain, on pourrait ne pas réaliser que la plupart des organisations désignées comme groupes terroristes par le Gouvernement Américain sont Musulmans[1].

L’une des questions sur laquelle je suis en désaccord avec Bard est celle où il écrit que des dirigeants musulmans sont apparus qui ont déformé les paroles du Prophète, en donnant  aux autres des motivations idéologiques pour qu’ils deviennent des martyrs au service de l’Islam. Il ajoute qu’on en trouve une expression significative dans l’enseignement disant que tuer les Juifs est une voie pour atteindre le Paradis.

Cela dit, de mon point de vue, une religion spécifique, à tout moment donné du temps est, de façon prédominante, ce que ses disciples choisissent d’en faire. Il y a de nombreux érudits en Islam qui soutiennent les interprétations violentes du Coran et de la Chari’a. Les djihadistes, même s’ils sont une minorité, ont des dizaines, sinon des centaines de millions de sympathisants. Le débat théologique sur l’islam devrait être laissé aux érudits musulmans. Pour les gens extérieurs, le volume du soutien à ces courants violents les rend légitimes, en tant qu’expression contemporaine parmi d’autres de l’islam.

Les menaces contre l’humanité qui émanent du monde islamique sont énormes. Israël et les Juifs à l’étranger sont pris pour cibles de façon significative. Les Musulmans eux-mêmes sont frappés par les extrémistes dans leurs propres pays. En effet, la grande majorité des centaines de milliers de Musulmans tués ou blessés et les millions de personnes déplacées subissent les exactions de leurs propres coreligionnaires.

La gestion catastrophique de la crise majeure actuelle des réfugiés par l’Union Européenne démontre que la plupart des dirigeants dominants en Europe n’ont toujours rien compris aux dangers véhiculés par de nombreses facettes de l’islam contemporain. Cet afflux pave aussi la voie à toujours plus de mouvements radicaux anti-islam émergeant en Europe. Les opinions anti-islamiques se répandent aux Etats-Unis, comme on le constate dans les déclarations contre les Musulmans, faites par le candidat républicain aux Présidentielles Donald Trump.

En résumé : ce livre prend une valeur tout-à-fait exceptionnelle, à la fois en tant qu’il s’ajoute à la longue liste des contributions de Bard à la compréhension juive du monde et comme une source de connaissance inégalable, qui peut aussi être très bénéfique à tant d’autres. Au rythme où vont les choses, on peut se tourner vers ce livre pour comprendre l’infrastructure de ces changements et les replacer dans leur propre contexte.

 

Commenté par Manfred Gerstenfeld

Manfred-Gerstenfeld-JCPA

Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski.


[1] www.state.gov/j/ct/rls/other/des/123085.htm

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Maguid

Je ne sais pas si c’est volontaire ou simplement de la mauvaise foi ou de la bêtise
qu’il inverse la cause et l’effet, qu’il met la charrue avant les bœufs! Ce n’est pas la métamorphose du terrorisme vers l’islamisme, mais c’est le contraire. Puisque
c’est l’islamisme qui génère entièrement le terrorisme.