Réinventer l’interview présidentielle, disaient-ils. A l’instar des zadistes, des étudiants de la « Commune libre de Tolbiac » ou des cheminots en lutte, Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel rêvaient d’un « grand soir ».

Questions précises, relances implacables, clarifications édifiantes… Ces deux journalistes libres, bien que réunis par la volonté de l’Elysée, entendaient confondre Emmanuel Macron qualifié, dès l’introduction du débat, d’ »illusionniste surgi de l’Histoire » par un Jean-Jacques Bourdin qui avait mangé du lion et bu force lampées de boisson énergisante à la taurine.

« Ou nous conduisez-vous ? », tonnait d’emblée l’intervieweur star de BFMTV. Tandis qu’Edwy Plenel, en DRH révolutionnaire, promettait un « entretien d’évaluation » au citoyen Macron. On allait voir ce qu’on allait voir. La révolution de la transparence journalistique était en marche…

Ton professoral

Hélas, après 2h30 de débat, dans le décor majestueux du Théâtre national de Chaillot et sous l’arche scintillante de la Tour Eiffel, nos gladiateurs de l’info n’ont pas administré la preuve qu’un autre journalisme était possible. Beaucoup plus agressifs que ne l’ont jamais été leurs confrères, ils ont souvent apostrophé familièrement « Emmanuel » et provoqué l’agacement du président de la République. Sans jamais le faire dérailler. Maîtrisant ses dossiers, l’ancien inspecteur des finances adopté le ton professoral qui lui avait réussi pendant le débat d’entre-deux tours face à Marine Le Pen. A lui le langage de la responsabilité, de l’ordre républicain et de la raison d’Etat.

Après un premier quart d’heure consacré aux frappes en Syrie, qui a sans doute refroidi des centaines de milliers de téléspectateurs, l’hôte de l’Elysée a immédiatement dénoncé « la malhonnêteté intellectuelle » d’un Edwy Plenel plus idéologue qu’intervieweur. « Vous avez appelé votre mouvement ‘En Marche’, vous auriez mieux fait de l’appeler ‘En Force’… « , a cogné le directeur de Mediapart en dressant le tableau apocalyptique des « mécontentements coagulés » : cheminots, hôpitaux, étudiants…   « Est-ce une question ou un plaidoyer ? », s’est interrogé le président courroucé.

Plenel prétendait le juger. Macron lui a rendu la pareille. « Nous ne sommes pas égaux », a laissé échapper le monarque républicain. Ainsi, quand le directeur de Mediapart dénonça l’optimisation fiscale des grands patrons, le président lui fit remarquer, non sans vice, qu’il s’était lui-affranchi des règles fiscales, faisant allusion au redressement fiscal de 4,2 millions d’euros qui a été infligé au site d’investigation en 2015, pour ne pas avoir réglé le bon taux de TVA entre 2008 et 2013.

« Mesquin », a rétorqué Plenel, arguant que son site d’information se battait pour un alignement du taux de TVA sur celui de la presse papier. Mais progressivement, l’intervieweur de gauche, qui ne parvenait pas toujours à formuler complètement ses questions, a cédé du terrain, laissant le temps de parole à Jean-Jacques Bourdin plus à l’aise sur les questions économiques.

« Vous n’êtes pas le professeur et nous ne sommes pas les élèves », a lancé Plenel, paraphrasant Mitterrand lors de son débat face à VGE en 1981. Réponse de Macron :

« Ni vous ni moi ne sommes des juges autour de cette table. Vous êtes des intervieweurs, je suis le président de la République, et nous sommes dans un débat démocratique. »

Plenel marginalisé

Fidèle à sa méthode, Jean-Jacques Bourdin,  qui potasse ses dossiers, a bombardé le président de chiffres et d’exemples. Une stratégie efficace pour impressionner un député débutant ou un ministre stressé mais non-concluante face à Emmanuel Macron, maître de la science technocratique. En 2h30, pas la moindre bourde à exploiter pour Bourdin ! Guettant les contradiction de son interlocuteur, le regard fixe, l’intervieweur choc n’a pas trouvé de prise pour pratiquer son judo habituel.

Lire la suite Sylvain Courage

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