Les nouvelles perspectives de la politique israélienne – webinaire avec l’Ambassadeur d’Israël en France par intérim, Daniel Saada, à l’Université de Tel-Aviv

« Ce n’est pas un miracle, mais du discernement et de la clairvoyance » : tel a été le fil conducteur selon lequel Daniel Saada, Ambassadeur par intérim d’Israël en France et chargé d’affaires a présenté les nouvelles perspectives de la politique de l’Etat d’Israël ainsi que les raisons du succès de sa campagne de vaccination contre le coronavirus, lors d’un webinaire organisé conjointement par l’Association française et l’Association francophone de l’Université de Tel-Aviv le dimanche 17 janvier 2021. La conférence, animée par le Prof. François Heilbronn, Président de l’Association française de l’Université a été suivie d’une séance de questions/réponses au cours de laquelle l’Ambassadeur a répondu avec clarté et précision aux nombreuses interrogations du public.

28 JANVIER 2021

Daniel Saada Zoom En ouverture de la conférence, le Prof. François Heilbronn a remercié les donateurs qui se sont manifestés généreusement à la suite du dernier webinaire pour aider les étudiants de l’UTA, frappés de plein fouet par la crise économique due au covid-19, et qui ne sont plus en mesure de poursuivre leurs études sans une aide financière d’urgence. « Les études dans les universités israéliennes sont payantes », rappelle-t-il. « Les frais de scolarité se montent de 2 500 à 3 000 dollars par an. Nous devons leur venir en aide. Cette année plus de 2 700 étudiants ont demandé des bourses, et un millier de demandes ont été rejetées. Avec 5 000 euros par an, montant d’une bourse, vous leur permettez à la fois de financer leurs frais de scolarité et de pouvoir vivre ».

« Ce qui fait la quintessence de l’Etat d’Israël, c’est que nous n’avons pas le choix:

nous devons prendre les bonnes décisions »

Le Prof. Heilbronn a ensuite présenté le conférencier. Né en 1963 à Paris, d’une famille originaire d’Algérie qui a fait son Alya à la fin des années 60, Daniel Saada a entamé sa carrière diplomatique en 1990 au Ministère israélien des Affaires étrangères après avoir obtenu un diplôme de troisième cycle en droit international. Attaché à la Délégation israélienne pour la Conférence de paix de Madrid en 1991, il a été nommé une première fois à Paris en novembre 1994 comme Premier Secrétaire d’Ambassade. Il a été par la suite porte-parole adjoint du Ministère israélien des Affaires étrangères, puis chargé d’affaires auprès de l’Ambassade d’Israël à Bruxelles. En 2004, il rentre à Jérusalem pour prendre la direction des Affaires africaines, puis assurera les fonctions d’Ambassadeur itinérant dans divers pays africain. En janvier 2010, il est nommé coordinateur diplomatique de la mission de sauvetage du gouvernement israélien à Haïti après le tremblement de terre. L’année suivante, alors qu’il assume l’intérim de l’Ambassadeur à Abidjan au moment de la crise en Côte d’Ivoire, il est blessé lors de l’évacuation d’urgence de l’Ambassade par les forces de l’ONU. A la suite de sa convalescence, il fait un passage dans le secteur privé avant de revenir aux Affaires étrangères en 2014 comme Directeur Général de la branche exécutive de Mashav, l’Agence israélienne d’aide au développement international. Enfin, à l’été 2017, il rejoint l’Ambassade d’Israël à Paris en tant que Ministre délégué permanent d’Israël auprès de plusieurs organisations internationales environnementales et économiques. Il est depuis août 2019, Ministre plénipotentiaire de l’Ambassade d’Israël en France (Ambassadeur adjoint), et actuel Ambassadeur par intérim. Daniel Saada a été récompensé à trois reprises par le prix d’excellence de la fonction publique en Israël et est récipiendaire du Prix Spécial Diplomatique du Directeur Général des Affaires étrangères.

tel aviv« L’université de Tel-Aviv est un partenaire très important dans les relations bilatérales entre la France et Israël, notamment dans les coopérations dans le domaine de la recherche », a-t-il déclaré en introduction de sa conférence. « Le modèle de l’Université de Tel-Aviv, pratiquement unique en Israël et dans le monde, qui s’exprime par sa capacité de créer des ponts entre l’académie et le monde de l’industrie, notamment par l’intermédiaire des incubateurs de startups, intéresse beaucoup le gouvernement français, y compris le Président de la République qui se souvient encore de sa visite à l’UTA lorsqu’il était Ministre de l’économie ».

Daniel Saada aborde tout d’abord la crise du coronavirus et le succès de la campagne actuelle de vaccination en Israël. « On dit qu’il y a beaucoup de miracles en Israël, mais ce qui se passe en ce moment n’est pas un miracle. La campagne de vaccination suscite en France une couverture de presse dithyrambique sur Israël qui n’avait pas eu son équivalent depuis les accords d’Oslo. Les médias parlent de la « leçon israélienne », du « modèle israélien » etc. Nous espérons atteindre l’immunité collective à la fin du mois de mars, à l’approche des fêtes de Pessah. Près de 25% de la population israélienne, donc un quart des Israéliens, est actuellement vaccinée contre le coronavirus, soit 80% des plus de 80 ans, 84% des plus de 70 ans et 74% des plus de 60 ans. La vaccination, qui a été ouverte progressivement, d’abord aux plus de 60 ans, puis aux plus de 50, est actuellement[1] ouverte aux plus de 40 ans. Cette campagne qui suscite l’admiration du monde entier est le résultat de ce qui fait, je crois, la quintessence de l’histoire d’Israël : c’est que nous n’avons pas le choix. Nous devons prendre les bonnes décisions ».

Opération « Retour à la vie »

L’Ambassadeur raconte que dès la fin du mois de mars 2020, soit à peine un mois et demi après le début de la crise, et alors qu’il n’y avait que quelques dizaines de morts en Israël, les ambassades israéliennes du monde entier ont reçu des instructions de leur gouvernement pour prendre contact avec les laboratoires qui développaient des vaccins sur le coronavirus. « Notre gouvernement, comme cela a été le cas à de nombreuses reprises depuis la création de l’Etat, a fait preuve de discernement, de perspicacité, de clairvoyance, de sagesse et de prévision. Dès le début, il a compris l’ampleur qu’allait prendre la crise, et qu’il n’y aurait pas d’autre solution pour résoudre le problème que celle de la vaccination. Il faut souligner qu’à ce moment-là les laboratoires n’en étaient qu’à la phase 2 des essais cliniques. Il a donc fallu beaucoup de courage politique pour prendre cette décision. Nous avons payé le vaccin plus de 40% au-dessus du prix annoncé au départ car nous avions la conviction qu’il s’agissait là d’une question existentielle. En France, lorsque le système de santé était proche de la saturation, les malades ont été transportés en Allemagne, au Luxembourg et en Suisse pour désengorger le système hospitalier. Nous n’avons pas ce luxe ».

closedLa campagne, qui a été menée comme une opération militaire, a même reçu un nom de combat : « Hozrim la Haim », Retour à la vie. « Pour nous c’était une question existentielle. Il s’agissait de retourner le plus vite possible à la routine normale. Début mars, nous étions un des rares pays de l’OCDE dans une situation de plein emploi. En un mois nous nous sommes retrouvés avec un million de chômeurs. C’est quelque chose d’absolument épouvantable pour notre société. Il ne s’agit donc pas d’un miracle mais bien d’une volonté politique, c’est un véritable effort national qui a été lancé pour atteindre l’immunité collective. L’opération, qui a été rendue possible grâce à l’héritage travailliste des caisses d’assurance maladie (Koupot Holim), a été menée avec toutes les ressources de l’Etat d’Israël, y compris dans le domaine de l’innovation : traçage des téléphones portables, exploitation de tous les moyens de communications virtuels etc. La perspicacité et le discernement avec lesquels ont été traité cette crise peut servir de fil conducteur pour toutes les autres perspectives liées à la politique étrangère d’Israël ».

Israël n’est pas l’ennemi du monde arabe

Le conférencier aborde ensuite la question iranienne, rappelant que depuis plus de 15 ans au moins les divers gouvernements israéliens se battent pour convaincre leurs partenaires européens que le principal objectif de l’Iran est de se doter de l’arme nucléaire. « Les ressources gazières et pétrolières dont dispose ce pays ne justifient en rien les investissements faits par lui pour se lancer dans le nucléaire ‘civil’. Je suis heureux de constater qu’aujourd’hui la France le reconnait clairement, de même qu’elle a pris conscience de la capacité de déstabilisation régionale de l’Iran. Depuis 15 ans nous faisons preuve de ce même discernement, de cette même perspicacité qui nous a accompagné dans notre politique de vaccination de masse. Là également, il n’y a pas de miracle, mais de la clairvoyance, une volonté politique et surtout une action pour pouvoir affronter les défis auxquels nous sommes confrontés ».

SaadaMais l’emblème de ces nouvelles perspectives de la politique israélienne reste bien sûr les accords d’Abraham, récemment signés avec les Emirats, Bahreïn, puis avec le Soudan, de même que le rapprochement avec le Maroc. « Depuis les accords d’Oslo, aucun vent de paix et de normalisation n’avait soufflé au Proche-Orient », rappelle l’Ambassadeur. « Le point important de ces accords est qu’ils ont été signés sur la base d’une convergence d’intérêts, qui s’exprime d’ailleurs déjà sur le plan économique et commercial : en 4 mois, 1 200 sociétés israéliennes ont ouvert des filiales dans ces pays, 170 000 touristes israéliens se sont rendus à Dubaï, nous avons signé un accord postal avec les Emirats, des accords aériens avec le Maroc etc. Ce sont donc bel et bien des accords de coopération qui vont permettre une paix réelle entre les peuples et non pas seulement des accords politiques et diplomatiques. Ils concrétisent le message le plus important que nous voulons faire passer depuis tant d’années : Israël n’est pas l’ennemi du monde arabe. Nous n’avons aucun contentieux économique ou territorial avec ces pays. Israël est une réalité au Proche-Orient, peut apporter son expertise et son expérience à tous ses voisins proches ou lointains et peut s’intégrer régionalement. La véritable menace aujourd’hui au Proche-Orient, et ce depuis plus de 20 ans, ce n’est pas le conflit avec les Palestiniens, mais bien l’hégémonie iranienne et la tentative de déstabilisation permanente de l’Iran vis-à-vis de ses voisins. C’est cette nouvelle réalité qui a permis de débloquer la situation et de signer ces accords ».

La paix en échange de la paix

Enfin, dernier message important exprimé par la signature de ces accords de paix : Israël n’a pas eu besoin, comme on le pensait, de faire des concessions territoriales importantes vis-à-vis des Palestiniens pour y parvenir. « Les accords d’Abraham ont prouvé que l’on pouvait faire la paix en échange de la paix, formule dont la logique repose sur la nécessité de la coopération entre nos peuples et l’apport potentiel d’Israël aux autres pays de la région, qui réside dans sa capacité d’innovation technologique, de discernement et de réflexion avant l’action ».

LaboLe Q/R qui a suivi a porté sur le rôle des caisses de maladie communautaires (Koupat Holim) dans la campagne de vaccination, sur la question de la stabilité à long terme des accords récents signés avec les pays arabes, sur les conditions d’un accord avec l’Iran, l’influence possible du changement d’administration américaine, les relations avec Gaza, le Liban et l’Autorité palestinienne et le passeport vaccinal, ainsi que sur l’état des relations entre la France et Israël.

Le Prof. Heilbronn a également remercié la Banque Discount, sponsor de ces conférences, et sa représentante Rosy Azar.

Photos: Captures d’écran pendant la conférence par zoom.

www.ami-universite-telaviv.com

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