Georges Bensoussan revient sur les réactions ambiguës suscitées par les faits antisémites les plus récents, avant de les replacer dans leur contexte historique, en France et dans le monde musulman. Pierre-Henri ORTIZ

La publication par le gouvernement des derniers chiffres officiels des violences judéophobes en France signale un regain d’antisémitisme inédit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

A côté de ces statistiques, d’autres constats ont de quoi alarmer : leur probable sous-évaluation, la banalisation des insultes quotidiennes qui ne sont pas signalées mais qui accélèrent les départs, et surtout, notre incapacité à prendre à bras-le-corps collectivement cette urgence qui semble rester l’objet d’un déni politique, médiatique et intellectuel.

C’est ce déni collectif que l’historien Georges Bensoussan s’est attaché à pointer par deux ouvrages récents, qui examinent les formes et les raisons profondes de la haine anti-juive aussi bien dans ce qu’on appelle désormais les « quartiers difficiles » (Une France soumise. Les voix du refus, Albin Michel, 2017), que dans l’histoire des Juifs du monde arabe telle que nous persistons à nous la représenter (Les Juifs du monde arabe. La question interdite, Odile Jacob, 2017).

Dans cet entretien, il revient d’abord sur les réactions ambiguës suscitées par les faits antisémites les plus récents, avant de les replacer dans la perspective des constats dressés dans ses deux derniers livres.

PREMIERE PARTIE : ACTUALITE DE L’ANTISEMITISME

Face à l’inflation des violences antisémites que nous observons ces jours-ci, la couverture médiatique ne semble pas pouvoir – ou pas vouloir – communiquer sur la nature de ces « actes sans auteurs ». A-t-on des sources qui permettent de les connaître ?

La formule « actes sans auteurs » est tout à fait juste. Ce que Brice Couturier a appelé le « parti des médias » est prompt à dénoncer l’antisémitisme, mais pas les antisémites. Existe-t-il des sources qui permettent de mieux les connaître ? Oui, de deux sortes : des sources juives et des sources policières mais toutes les deux sont incomplètes.

Les sources juives relèvent, d’une part, du Service de protection de la communauté juive (SPCJ, coiffé par le CRIF), et fondé après l’attentat de la rue Copernic en octobre 1980. D’autre part, du Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA), un organisme privé fondé par un commissaire de police aujourd’hui à la retraite, Sammy Ghozlan, qui a beaucoup travaillé le terrain des « quartiers difficiles ».

Le SPCJ et le BNVCA recueillent les plaintes déposées par les victimes qui leur sont transmises par des appels téléphoniques. Le SPCJ enregistre plus spécifiquement les agressions physiques, ce qui est lié à sa mission de protéger physiquement les communautés juives lors de manifestations ou de célébrations. Le BNVCA a moins de moyens, il s’agit d’une structure bénévole qui ne dispose pas de sponsors.

La police, elle aussi, recueille des données en nombre. Pourtant, dans un cas comme dans l’autre, les statistiques ne sont pas forcément fiables. Car à mesure que les années passent, l’usure se fait sentir, en effet, les victimes sont de plus en plus dissuadées de porter plainte.

En premier lieu parce qu’elles n’ont presque jamais de suite, et en second lieu parce que tout se passe comme si elles ne croyaient plus à l’avenir des Juifs en France.  Il arrive par ailleurs que des officiers de police refusent de prendre les plaintes au motif que les délits ne seraient pas constitués. Les dernières évaluations communiquées par le gouvernement sont donc inférieures à la réalité tout simplement parce que la police ne recueille qu’une partie des faits.

Mais même devant les instances juives, la lassitude a gagné les esprits et aboutit à une usure que traduit la fréquence des déménagements au sein du territoire français comme à l’international, en direction d’Israël notamment.

Les départs vers l’Etat juif sont mesurés avec précision par l’Agence juive qui centralise les données et les communique.  Ces départs ont certes baissé ces dernières années (2800 départs en 2018 contre plus de 7000 en 2015) mais ils demeurent à un niveau élevé par rapport aux années 1990 où ils se situaient, en moyenne annuelle, aux environs de 1 000 à 1 200 par an. Par surcroît, il faut ajouter à ces chiffres les départs vers les Etats-Unis, le Canada ou l’Australie par exemple, qui, eux, ne sont pas comptabilisés.

En dix ans, la Seine-Saint-Denis a perdu 80 % de sa population juive, un mouvement migratoire (faut-il parler d’exode ?) constaté aussi dans le Val-d’Oise. A Sarcelles, par exemple, ce qui avait été l’une des grandes communautés juives de France depuis la fin de la guerre d’Algérie, a vu ses effectifs fondre de 15 000 à 8000 personnes.

Mais ce phénomène n’est pas propre à la région parisienne, il est plus grave encore à Toulouse où, depuis les attentats de Mohammed Merah (mars 2012), on estime que près de la moitié de la communauté a quitté l’agglomération. Le centre culturel Hébraïca, inauguré il y a quelques années à peine, apparaît désormais bien vaste pour une communauté si réduite. Lire la suite

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Richard Mauden

En quoi le terme de judéophobes est-il plus utile et plus précis que celui qui depuis longtemps a été bien compris sous le nom d’antisémites.
S’agit-il d’une euphémisation « maladive » ?

Bonaparte

L’antisémitisme ?

Les Juifs représentent une réponse thérapeutique à l’échelle planétaire pour les malades mentaux .